SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N° 20

 

11 12 13 14 15 16 17 18 19 20

SUIVANT

Octobre-Novembre-Décembre  2006

 

Illustration BD page 2

Patrick MERIC

Edito :

«Un troubadour bien de chez nous»  page 3

Denise LEPRETRE

Jeu de rimes   page 4

 

JEUNES

Au joli vent page 5

Sébastien DELPORTE

Le poids du silence page 6

Stéphanie  BONNEVILLE

L'amour est comme un soleil page 6

Jennifer POULAIN

De ma fenêtre  page 7

Ecole Ferdinand Buisson

La guerre page 8

Collège Renaud-Barrault

Le loup page 8

Fanny CANONNE

HUMOUR et PATOIS

Les coulonneux  page 9-10

Léonce BAJART

Michel par chi…page 11

Michel DAMEZ

Ode au pêcheur et

 Un jour c’était la nuit page 12

Hector MELON d’AUBIER

Le clairon de Dédé  page 13

HERTIA MAY

ADULTES

Honneur et patrie page 14

Francis LESAGE

Jardin mon ami page 15

Françoise LELEU

Derrière chez moi  page 16

Marie-Antoinette LABBE

Mer oh ! ma belle page 17

Muriel DUFETEL

Histoire de printemps page 18

Marcelle LEMAIRE

Quand tu verseras une larme page 19

Anthony CANONNE

Mon bel ange page 20

Christelle LESOURD

Maraudeuse de mon chagrin page 21

Yann VILLIERS

La montagne page 22

Marie-Josée WANESSE

La tête éclate page 22

Brigitte CAPLIEZ

Heureux amoureux page 23

Floriane KUROWIAK

Tellement besoin de temps page 24

Jean-Charles JACQUEMIN

Evasion page 25

Geneviève BAILLY

Au printemps du printemps page 26

SAINT-HESBAYE

L'air est saturé de gaz page 26

Thérèse LEROY

NOUVELLES

Extrait de vie et

 éplucher les patates page 27

Julie VASSEUR

La Gerva page 28-29

Paule LEFEBVRE

Les fleurs page 30-31-32

Jean-François SAUTIERE

Infos et abonnement     

Editions littéraires

*  Retrouvez l’auteur dans la revue littéraire.

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P1

 

UN TROUBADOUR, BIEN DE CHEZ NOUS !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Jean-François SAUTIERE je l'ai connu et apprécié il y a déjà "un bon bout de temps"…Il avait 20 ans, était étudiant à l'Ecole Normale et il m'avait offert, en 76 et 77 ses deux premiers recueils de poèmes : "Au gré du vent" et "D'ici et d'ailleurs"

 

J'avais été touchée, et j'avais aimé :

"J'ai trois petites roses

 En mon parterre encloses…

 Mais aucune des trois

 N'est si belle que toi"

Gentilles bleuettes, sens très vif déjà de la beauté du monde et du pouvoir des mots…un jeune talent prometteur…

 

Il a quitté l'enseignement pour le service de la commune, mais il continue à servir "Dame Poésie"…ses nouveaux  recueils "Au royaume des jours heureux", "La route des quatrains",

"A cloche-cœur" témoignent d'un art qui s'est confirmé :

 

              "C'est entre ciel et terre que balance mon être.

               Où êtes-vous bonheurs promis et attendus ?

               Ma muse, laisse-moi entrouvrir la fenêtre ! "

 

Amoureux de Verlaine, et comme lui de la profondeur parfois…

de l'humour souvent :

"Pose dont tes mains sur ma anche

 Dit la clarinette au joueur

 Simplement le temps d'une blanche,

 Pour accorder notre bonheur."

De la nostalgie :

              "Coupez pas notre arbre

               On y a pris goût

               Il n'a rien de marbre,

               On l'aime, c'est tout"

De la coquinerie aussi…lisez…vous verrez…

"Et après les sonnets, art auquel il excelle

 Un domaine nouveau, celui de la nouvelle !"

Il  a été remarqué aux Rosati d'Arras, à Bordeaux…

et récompensé à plusieurs reprises, comme de juste.

 

Bravo Jean-François ! Continue à nous faire RÊVER ! et merci !

 

          Denise LEPRÊTRE

 


 

 

P2

 

JEU DE RIMES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Bouts Rimés   Voici les quatrains retenus avec les quatre mots proposés dans le numéro 19 :

Zone de Texte: Tes sabots blancs tintaient le long des peupliersIl me venait de toi, cette diaphane image :Une sage nymphe au doux et mince corsage,L’échancrure ornée d’un fil de laine en collier.Hertia May

Zone de Texte: Je me souviens de cette douce imageAssis, tous deux, sous un peuplierLorsqu’enfin, je dégrafe ton corsageAutour de ton cou, je vis ce collier.		Hector Melon  d'Aubier

Zone de Texte: Dans un rêve j’ai le souvenir d’une image,Un décor sombre, mais au pied d’un peuplier,Une mère appuyée, portant sur son corsage,Son enfant heureux, jouant avec son collier.Stéphanie Bonneville

Zone de Texte: MurmureLe bruissement du peuplierOù le soleil pose un collier,Ravive en moi la douce imageDu vent qui frôla ton corsage.Jean-François Sautière

Zone de Texte: Sur le velours de ton corsagePâquerette, adorable image,Le sieur printemps pose un collierSous le regard du peuplier…Geneviève Bailly

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Zone de Texte: On continue ? Voici 4 autres rimes que je vous propose pour le prochain numéro : RONDEUR – SAUVEUR – DENSE - PENSEPaule LEFEBVRE

 

 

 

P3

 

AU JOLI VENT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Il était une fois un joli vent qui passait

Il rencontre un vieux vent qui lui dit :

Mais que tu as de jolies couleurs

Mais moi c’est le contraire

Attends je vais t’aider

Et ils partirent ensemble

Chercher un arc en ciel

Et d’un seul coup il en rencontre un qui chantait

Avec de magnifiques couleurs

Et le joli vent lui dit :

Maintenant

Tu souffles dedans

Et tes couleurs arriveront

Et elle n’avait pas menti

Ses couleurs étaient revenues

Et le vieux vent demande :

Veux-tu m’épouser ?

Et le joli vent répond :

Oui !

Et il lui fait une petite bise.

                 Sébastien Delporte

 

 


 

 

P4

 

LE POIDS DU SILENCE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

              Une page blanche

     Posée devant moi,

     J’aimerais t’écrire,

     Mais je ne peux pas.

 

              C’est un mot d’Amour,

              Écrit sur mon corps,

              À jamais enfoui,

              Enterré sous terre.

 

     Et je la chiffonne,

     Après avoir écrit,

     Tellement d’effort

     Je tourne en rond.

 

              À quoi bon y croire,

              Ce fleuve qu’est la vie,

              Un jour se termine,

              Un nouveau regard.

 

     Toujours ce papier,

     Sentiments dévoilés,

     Taché de larmes,

     C’est mon histoire.

 

Stéphanie Bonneville

30/05/07

 


 

 

 

P5

 

L’AMOUR EST ….

 

 

 

 

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L’amour est comme un soleil

Une lumière qui brille dans le ciel

Qui éclaire nos cœurs

Et qui nous donne plein de chaleur

Nous avons de la douceur

Qui brille dans nos cœurs.

          Jennifer Poulain

                   16 ans

 

 

 

 

P6

 

DE MA FENETRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

De ma fenêtre j’ai vu un pain d’épices

qui suivait la police.

 

De ma fenêtre j’ai vu une cuisine

qui dansait avec un cygne.

 

De ma fenêtre j’ai vu un camion

qui mangeait du thon.

 

De ma fenêtre j’ai vu une chambre

en forme de triangle.

 

De ma fenêtre j’ai vu un papillon

qui pêchait des poissons.

 

De ma fenêtre j’ai vu une maisonnette

Qui lançait des cacahuètes.

THOMAS

 

 

De ma fenêtre j’ai vu une fleur

qui donnait son cœur.

 

J’ai vu un ours

qui jouait du tambour.

 

J’ai vu un pingouin

qui montait dans le train.

 

J’ai vu un garçon

qui plongeait

pour attraper un poisson.

 

J’ai vu un souriceau

qui mettait un manteau.

 

FLORINE

 

 

De ma fenêtre, j’ai vu un escargot

qui faisait dodo.

 

Une oreille qui se tendait vers le ciel.

 

Un paquet de croquettes qui jouait

aux castagnettes.

 

De ma fenêtre, j’ai vu un lion qui

mangeait un papillon.

MALIK

 

 

De ma fenêtre, j’ai vu une chouette

qui jouait de la trompette.

 

J’ai vu un canard

qui se regardait dans un miroir.

 

Un joli papillon sur la tête d’un lion.

 

J’ai vu un spaghetti

qui glissait sur un ski.

 

VICTOR

De ma fenêtre j’ai vu

 

Un ours qui se gelait

en dégustant une glace.

Un lapin qui se brossait les dents.

Un crocodile qui se peignait les cils.

Un taureau qui mangeait un oiseau.

Un serpent qui enroulait des enfants.

 

FRANÇOIS

 

 

Ecole Ferdinand Buisson

 

 

 

 

 

 

P7

 

FAIRE LA GUERRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

La guerre est déclarée,

Maintenant c’est trop tard,

On ne peut plus aller en arrière.

 

Les élèves on décidé ça

Alors ils l’auront et c’est comme ça

Et c’est parti pour la bataille.

 

Entre tout le monde

Même les professeurs

Jusqu’au directeur.

 

POUF, PAF, PAN, PING, PONG,

OUILLE.

AH, AH ! AH ! Pitié, Pitié !

La neige est dure.

 

Hélène

 

 

JE VEUX FAIRE LA GUERRE À LA MAISON

Avec mes frères

Mes sœurs

sans bâton

Sans insulte            

Sans pitié

Seulement avec les mains

 

                                                                                                                  Mélanie

 

Collège Renaud-Barrault

 


 

 

P8

 

LE LOUP

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Le loup avait une famille mais sa famille était partie dans la forêt.

Et un jour le loup qui s’appelait Louper rencontra un ami qui s’appelait Loupion.

Mais Louper rencontra Loupion mais cet ami était un loup et Louper dit :

-       « tu n’es pas de ma famille ! ».

-        « Mais si, je suis de ta famille, Louper. »

Louper dit :

- « comment tu sais mon nom ? »

-       « C’est maman qui me l’a dit. »

-       « Ah d’accord, ma mère dit tout sur moi.

Je vais la remercier en lui envoyant une lettre qui dit :

"Mère je ne suis pas content que tu dises des choses sur moi et Loupion est avec moi.

 Au revoir mère".

Et alors Loupion on est à deux maintenant ! 

 

                                                         Fanny Canonne

                                                         (écrit à 8 ans)

 

 

 

 

P9

 

LES COULONNEUX  (sur l’air de LA MADELON)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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I

 

Dins no pays quind in a fini s’ nouvroche

Pou s’erposer in cache après d’ l’amus’mint

Tout in laissint s’ fimm’ trinquile à sin minnoche

Suivint sin goût chaquin ia sin contint’mint

Les footballeux et les boulisses

El z’archers et les jav’lotteux

Les pèqueux et les jueux d’ misses

Pa tous côtés i sont héreux

Mais l’ mieux c’est cor d’avoir, inn’ vingtonne ed coulons

Pou l’ z’apprinne à voler pour ieusse aller au lon.

 

REFRAIN

 

El coulonneu c’est l’ pus héreux du monne

Toudis contint d’ête aveuc ses coulons

Ia compris sins compter su personne

Qu’el bonheur iest à s’ mason

Sin pigeonnier c’est l’ paradis su terre

Du qui peut bé, in caintint des cainchons,

Raviser, pindint des heur’s intières,

Ses coulons, ses coulons, ses coulons.

 

II

 

.Dins sin minnoche el coulonneu iest pratique

Aveuc ess fimme i sait prinne ed z’arring’mints

Au long des jours c’est toudis li qu’al astique

Al fait l’ popote et al brousse el z’habil’mints

À s’ fimme i dit t’ plint’ras l’ z’éclettes

À pissoulits t’iras cacher

Et pi t’ porras proum’ner finette

T’ aras toudis pou t’occuper

Mi j’arai mes coulons, j’el z’arai vite appris

Comm’ çau dins les concours nos gongn’rons l’ primmier prix.

 

          III

 

              El coulonneu i n’a qu’inne idée in tête

              I n’ s’amus’ po quind i r’vié d’ess n’atéier

              Pou aller vir ses coulons qui li font fête

              Quind, quate à quate, i monte à sin pigeonnier

              Tous ses coulons battent des ailes

              El z’écaillés pi les macots

              Tous les marl’s et pi les fimmelles

              Même i n’d’a qui sont su sin dos

              C’est là qu’in peut comprinne el coulonneu qui dit

              Si n’acouteut qu’ sin couair il y vivreut toudis.

 

IV

 

Bé n’intindu ia des momints qui busielle

Dins les coulons ça n’ va po toudis tout dreut

Comme ed z’infints quind leu mère al z’intortelle

Pou l’ zé songner i feut savoir ête adreut

Iont du muguet o bé l’ niflette

I sont tout raid’s i sont foireux

I n’d’a qu’iattrapent les poquettes

C’est ça l’ tintouin du coulonneu

Mais ia du gros guingnon au momint du concours

Quind sin primmier coulon fait l’ teut in quart ed jour.

 

 

V

 

Quind ses coulons i sont bé tertout’s à place

El coulonneu qu’ia souvint du sintimint

I pinse à s’ fimm’ qui n’ voreut po qu’al s’in passe

Pou li donner à sin tour in bo momint

Inter el soupe et pi l’ fricasse

I li fait des bons gros bécots

I queurt après, même il l’inlace

Al l’appelle min tiot macot

Car du qu’ia des coulons c’est comm’ ça tous les jours

In bièqu’ dins tout l’ mason tell’mint qu’ c’est plon d’amour.

 

 

VI

 

Mes comarat’s j’ veux finir èm’ cainchonnette

In l’vint min verre in l’honneur ed nos coulons

In roucoulint i rimplit’nt no maisonnette

D’in contint’mint qui n’ feut po cacher au lon.

In coulon c’est inn’ bell’ tiot’ bête

Ed la Paix c’est li l’ messager

Au concours i veut ête el maîte

Ia toudis l’amour du cloquer

Autour ed nos coulons, caintons caintons toudis

Quind in est coulonneu, in est dins l’ paradis !

Léonce Bajart

 

 

 

 

P10

 

MICHEL PAR CHI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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In 1989 1990 avant d’ête mi in r’traite anticipée, « mes chefs » m’ont cangé d’ouvrache. Ed tourneur, j’tos dév’nu réparateur d’essieux (pou les trains). J’intindos toudis  « Michel viens chi », « Michel fait cha », qué l’idé m’est v’nue d’ faire  ène canchon su’ l’air ed « Louis par chi, Louis par là » ed Simon COLLIEZ.  Ch’est avec son aimable autorisation qué m’n ouvrache in « canchon » parait.

 

MICHEL PAR CHI MICHEL PAR LÀ

 

Dire du temps qué j’tos à machine,

J’avos ène pus belle mine,

J’ faisos m’ journée tranquil’mint

Et in n’ mé disot rin.

À ch’ t’heure qué ch’est mi l’ pus vieux,

In m’ fait réparer l’ z’essieux.

Aujourd’hui qué j’ sus presqué pinsionné,

J’intinds toudis crier.

 

                                     REFRAIN

Michel par chi, Michel par là,

Michel viens chi, Michel viens là,

Répare min chi, répare min cha.

Arfait c’ centre chi, pis c’ fusée là,

Toile min c’ti chi, pis cor c’ti là,

Arcontrôle chi, arcontrôle cha

Et p’tit Mimi et p’tit Michou ié toudis là.

 

In m’ véiot dins tous les coins,

Un martiau, ène lime à m’ main,

In train d’ réparer d’ z’essieux

Et comme salaire ène dringuelle ed péqueu.

J’ai pus l’ temps d’ boire un cop,

Ni même avoir chinq minutes d’arpos,

J’ai même pu l’ temps d’ pissier

Eque j’intinds toudis crier.

 

                                     Au 1er REFRAIN

 

Bin des jours ej sus patraque,

J’ai d’ mau à m’n estomaque.

J’ai biau toudis rouscailler,

I n’ d’a toudis un pou m’emmerder.

À m’ faire faire tout c’ qu’in m’ fait faire,

J’ vas binteut m’artrouver sous tierre,

J’ sins qu’dé m’ retraite anticipée

J’ vais pas in profiter.

 

                                     2ème REFRAIN

 

Michel par chi, Michel par là,

Michel viens chi, Michel viens là,

Répare min chi, meule min c’ti là.

Galte min c’ti chi, frotte min c’ti là,

Fais c’ fusée chi, fais c’ fusée là,

Fais luire c’ti chi, pis lime c’ti là

Et p’tit Mimi et p’tit Michou… i n’est pus là.

 

                                                                                               Michel Damez - Octobre 1990

 


 

 

P11

 

LE CLAIRON DE DÈDÈ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

André venait de l’Aveyron, trahi par son accent rocailleux. Il s’était vite familiarisé avec les collines du Cambrésis et chaque Automne parcourait les prés pour la cueillette des champignons.

 

Il régalait ainsi le voisinage de ses faux mousserons ou marasmes des prés, de ses pieds-bleus ou autres lépiotes pudiques…

 

Parfois, il enrageait, en tombant sur une troupe de pieds-bleus écrasés : tiens, c’est encore Alfred qui est passé !

 

Il est vrai qu’il connaissait les espèces comestibles mieux que quiconque !

 

Une époque ou plus exactement une date qu’il ne ratait pour aucun prétexte : le premier Avril !

 

Les « saurets » dans les pots d’échappement, il connaissait ! Les paris pour faire lever les gens à des heures indues, il pratiquait !

Les pommes de terre taillées en sifflets qu’il plaçait avec technique dans les pots des voitures, il savait faire !

 

Plus d’une limousine remontaient la rue avec un sifflement aigu !

 

Son grand succès provenait de son clairon !

Il entrait sans rien dire dans les cafés et posait avec négligence l’instrument sur une table disponible et commandait un ballon, voire un « ch’nièf » au comptoir.

Il y avait toudis un client fier de montrer qu’il avait joué dans telle batterie de compagnie ou telle clique de sapeurs-pompiers !

 

Il devenait tout rouge à force de souffler et un nuage de poussières colorées (tantôt vertes, tantôt rouges ou autres) sortait d’un réservoir installé derrière l’embouchure de l’instrument et couvrait l’infortuné client musicien du visage jusqu’au col !

 

Le malchanceux ne pouvait rien dire puisque personne ne lui avait demandé de souffler dans cet appareil truqué.

Des dizaines de clients se firent prendre, même le curé de Maurois !

 

Hertia-May

 

 

 

 

 

 

P12

 

HONNEUR ET PATRIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Ils partirent dans la nuit, ils arrivèrent à l’aube

Et dans le jour naissant où la nuit se dérobe

Apparut squelettique cette ville écorchée

Encore pantelante sans âme et sans clocher.

 

Dans ce quartier lépreux où les rats affamés

Pullulaient, dévoraient les cadavres enfumés,

Pétrifiés, momifiés, le spectre de la guerre

Jaillissait détestable, hideux sans son suaire.

 

Au repos, l’arme au pied et déjà alignés

Ils attendaient les ordres, patients et résignés

Mais l’attente fut longue et d’aucuns fatigués,

De sueur trempés commencèrent à tanguer.

 

Soudain dans la clarté d’un ciel d’azur, l’avion

Aux très brillants reflets pointa à l’horizon,

D’un murmure spontané, une clameur générale

S’éleva, tous crièrent c’est lui, le général.

 

Longtemps, longtemps encore, soldats disciplinés,

Ils restèrent là debout quasiment enchaînés,

Quand enfin résonnèrent les tambours, les trompettes

Annonçant l’arrivée des premières estafettes.

 

Précédant les spahis, encadrés de motards

La voiture avançait sous de brillants regards

Recevant le salut du généralissime

DE GAULLE honorant des soldats l’héroïsme.

 

Ils marchèrent neuf sur neuf, le soleil déjà haut

Rendait la marche pénible, nul ne disait mot

Ce carré d’hommes vaillants en copie des grognards

Défilait en cadence dans les rues de STUTTGART.

   Francis LESAGE

                     43ème R.I. RHIN et DANUBE.

                                                                                              PRINTEMPS 1945

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

P13

Jardin, Mon Ami

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

A Caudry, je connais un jardin enchanté,

Où des arbres nombreux permettent une vie privée.

Car dans ce lieu rempli de nourriture variée,

plusieurs races d’oiseaux ont émigré.

Chacun a une place réservée

selon sa taille, sa race et ses affinités.

 

Dans la haie de lauriers, les merles font leur nid,

le patriarche a cinq ans et son bec meurtri.

Il est le chef bienfaiteur de cette fratrie.

Dès l’ouverture des volets, il attend, l’œil vif,

sur la table du jardin, un bonjour furtif,

quelques miettes de pain, pour un déjeuner hâtif.

 

Il est suivi des moineaux, mésanges et passereaux

 qui par leurs pépiements transmettent le message,

bientôt rejoints par les troglodytes et grives du voisinage.

Puis, c’est l’arrivée d’une nuée d’étourneaux

Très impressionnants par leurs cris et leurs bagarres,

espèce spéciale faisant songer à des petits rapaces.

 

En fin de matinée, timidement dans un bruit d’aile

Arrive le locataire d’un énorme thuya Leylandis,

suivi de près de sa compagne sur le qui-vive.

Quelques picorements au sol, avant de se poser

sur la table de jardin pour se rafraîchir,

car étancher sa soif est le but de sa visite.

 

En milieu d’après-midi, vient se joindre à eux,

une jolie pie blanche et noire aux ailes bleues,

Imposante, après avoir bu elle s’attarde un peu

et surveille ce qui se passe derrière les rideaux bleus,

l’air étonnée et curieuse, un simple geste suffit à l’affoler.

Mais peut-être que le temps permettra de l’apprivoiser ?

 

Une race mystérieuse s’est créée depuis quelques temps,

mélange de grive et de merle, oiseau bringé

Aux qualités complémentaires des deux parents.

Il n’est pas rare de voir l’un d’eux prendre le temps qui, affamé, avec des pépiements stridents, arrondit  son ventre plein de duvet.

 

Bien sûr ces nombreux oiseaux vont ensuite vivre

leurs vies de vertébrés, fouillant dans la pelouse

composée de graminées spéciales, permettant  des mets variés.

Car elles attirent certains moucherons plus que d’autres.

Avec les fleurs odorantes qui attirent les insectes,

un banquet frugal leur est offert chaque jour à satiété.

 

Les arbres fruitiers : cerisiers, pommiers et pruniers

Font de l’été une saison très privilégiée,

sans oublier le Sorbier des oiseleurs qui par hasard

a eu des graines ressemées aux quatre coins du jardin.

Le grand prunus aux feuilles bruissantes dans le vent,

permet aux passereaux de nombreux jeux de cache-cache.

L’après-midi est le rassemblement pour la baignade.

Des récipients hétéroclites : pots de fleurs, jardinières,

permettent des ablutions minutieuses, des oisillons aux parents chicaniers.

 

 

C’est un régal pour les yeux de constater ce rituel cérémonial.

Le lieu ressemble en quelques instants, à celui laissé par des enfants qui se sont aspergés en jouant et se pourchassant.

 

Parfois, une visite amie, un pigeon fatigué ou égaré

au moment de la chasse, une poule faisane apeurée,

ou un oiseau blessé venu faire voir sa blessure

et se faire panser.

Un jour encore, un oiseau de proie échoué

 au sommet du bouleau pleureur,

épié dans les arbres par les oiseaux devenus tout à coup silencieux.

Rarement, de son chant reconnaissable, un coucou daigne s’arrêter.

 

Pour chacun d’eux, les habitants de la maison sont

des amis.

Le chien Kami est le maître des lieux et se couche à

quelques centimètres d’eux.

C’est une cohabitation pacifique : oreilles aux aguets

 et fixité des yeux,

seules les tourterelles ont droit à une course poursuite,

 histoire de les effrayer un peu,

Car Kami a hérité d’un vieil instinct de chasseur qui

sommeille en lui,

Cela le fait japper de bonheur de les faire envoler

via leur demeure.

 

Pour les visites « ennemies », car sans y être invités,

les chats du voisinage l’appellent le « Jardin enchanté »,

un pistolet à eau est en faction à côté de la fenêtre,

ce qui a permis de sauver de nombreuses vies…

Car un chat douché à l’improviste se défend en miaulant

et ainsi, laisse repartir sa proie au petit cœur affolé.

 

Le jardin rythme le temps, la vie et les saisons. En hiver,

la haie de conifères permettra à chacun de se préserver

 du froid de l’air.

Le feuillage persistant et touffu est un écran, une barrière.

L’un d’eux est transformé en arbre de Noël pendant

 ces quelques mois.

Décorations de boules de graisses vitaminées, contenant

des graines nécessaires à leur survie ;  des bardes de lard

ressemblent à des guirlandes.

 

* * * * *

 

Ce jardin existe et c’est le mien. Source d’inspiration aussi, il complète ma personnalité, est un compagnon de vie.

Avec lui je partage labeur ou loisirs, et je m’y ressource ou médite.

Et s’il m’arrive d’être triste, je lui confie mon chagrin,

ma grande peine devant la méchanceté gratuite de l’humain.

 

Mais c’est pour moi un « Bonheur »

d’y passer de nombreuses heures.

de Françoise  Leleu

 

 

 

 

P14

 

DERRIERE CHEZ MOI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Et lon lon la lon laire

Et lon lon la lon la

 

Y a un bois

Petit bois derrière chez moi

Qui grand deviendra

 

Chênes rouges, sapins et cornouillers

Pins noirs, noyers et merisiers

Jolie forêt vous deviendrez

 

Mais l’eau du ruisseau

Baignera-t-elle encore les pieds

De vos frêles racines pas encore fixées

 

Car derrière chez moi

Y a un petit bois lon la

Le long du petit bois

Un ruisseau vient et va

 

Ou plutôt il ne va plus

Le ruisseau dans la prairie

L’iris de ses eaux n’est pas dû

Aux libellules, aux oiseaux qui crient

 

Il a couleur d’industrie

De mort, de vase, de pourri

Mon ruisseau dans la prairie

 

Pourtant y nichent encore la poule d’eau

Le joyeux verdier, de mignons passereaux

Avec le gai pinson dans les roseaux

 

Et lon lon la lon laire

Et lon lon la lon la

 

Petit bois derrière chez moi

Ta rivière conserveras

 

                                Marie-Antoinette Labbe

 

 

 

 

P15

 

Mer, oh ! Ma belle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

J’embrasse du regard cette mer qui s’étend

Là-bas, si loin, et sur un fond d’émeraude

Se découpe la silhouette d’un bateau

D’où vient ce désir de liberté qui me prend

J’aimerais pour elle composer une ode

Où je clamerais, je veux être matelot !

 

     Oh ! Mer, Oh ! Ma belle

Au loin, vers l’horizon tes reflets scintillent

Mes yeux s’y attardent avec ivresse

Ta beauté, ton immensité me fascinent

Je t’aime, je t’admire comme une maîtresse

 

Ton chant, murmure incessant vient me griser

Je rêve ? J’entends ta voix, elle m’appelle

Me parle de voyages et de liberté

Emmène-moi en ces pays rêvés ma belle

 

Regardez, regardez ses lames puissantes

Admirez, admirez son allure conquérante

Ecoutez ses vagues mugir, le vent hurler

Attention, cruelle, elle sera sans pitié

Car lorsque l’orage sur elle vient s’éclater

Elle se fait d’encre et devient hostile

Il te faut bien du courage pour la dompter

Ne la brave pas, elle mettra ta vie en péril

 

Puis soudain docile, elle vient te caresser

Tu ignores quels démons te poussent à la chérir

Ne sois pas imprudent, tu connais ses dangers

Hélas marin, ton désir, c’est vaincre ou mourir.

     de Muriel Dufetel

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

P16

 

HISTOIRE DE PRINTEMPS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Dame nature, belle au bois dormant, s’est réveillée, un matin, sous le baiser du Printemps, nouveau Prince charmant.

L’herbe, soudain, a reverdi ; les pelouses étincellent de myriades de perles de rosée, des fleurs de crocus, jaunes ou mauves, les éclairent par places.

Les énormes forsythias jaillissent de toutes leurs salves d’or, les cerisiers du Japon rosissent sur fond de ciel bleu.

L’immense saule pleureur balance au vent sa longue chevelure blonde ; il laisse tomber sur le sol d’innombrables chatons dorés.

Des touffes de primevères aux tons pastel (rose, violet, jaune clair) parsèment les coins ombreux.

Au fond du jardin, il a neigé des pétales, du haut du prunellier : le sol et l’allée sont blancs, par endroits, des parcs de violettes, discrètes petites fleurs au parfum si doux, attirent et nous incitent à nous pencher vers elles, pour respirer leur suave odeur.

Les « murets » aussi parfument l’air ; mais les « monnaies du Pape » (ou lunaires), en étendues mauves, là-bas, ne sentent pas.

Des gerbes de jonquilles s’alignent au bord des allées ; elles dansent sur leurs tiges (« Dance with the daffodils »). Leurs fleurs, jaune pâle, à la forme savante (un tube entouré de 6 pétales) sont inclinées vers le sol. « J’aime les jonquilles, et plus encore, celles des bois, qui en sont tout éclairés ; La jonquille est la fleur qui correspond à mon signe astral ! »

Les arbres fruitiers et les roses fleurissent plus tard ; les jeunes feuilles des rosiers rougissent d’abord. Le rhododendron arrondit de nombreux boutons floraux, les jacinthes bleues, les myosotis font un enchantement, un rêve bleu de « Forget me not », illuminé des couleurs des tulipes, le muguet se dissimule.

Quand le soleil se décide à briller, les jardins et les bois sont merveilleux : Le Printemps, c’est le renouveau de la nature !

 

Renaissons aussi !

 

 

                               Marcelle Lemaire-Doise

                                    de Cambrai

 

 

 

 

 

 

P17

 

QUAND …..

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Quand tu verseras une larme,

Quand tu lanceras un cri d’alarme,

Quand tu seras fatiguée,

Quand tu seras tannée,

Je serai toujours là pour t’encourager.

 

Quand tu auras besoin d’une oreille pour t’écouter,

Quand tu auras besoin d’une main pour te relever,

Quand tu auras besoin d’un câlin pour t’apaiser,

Je serai toujours là pour te consoler.

 

Quand la vie te décevra,

Quand un grand mur se dressera devant toi,

Quand tu auras peur de foncer,

Je serai toujours là pour t’aider.

 

Quand tu seras devant trop de détours,

Quand tu ne trouveras plus le chemin du retour,

Quand tu chercheras le Noir dans le jour,

Je serai toujours là pour te guider.

 

Quand, un jour, la chance te sourira,

Quand le ciel se dégagera pour toi,

Quand ton sourire resplendira,

Je serai toujours là pour rire avec toi.

 

Quand tes rires se changeront en fous rires,

Quand une simple fleur te fera sourire,

Quand le bonheur emplira ton cœur,

Je serai toujours là pour cultiver ce bonheur.

 

Si tu as besoin de moi,

Peu importe l’heure qu’il sera,

Peu importe le temps qu’il fera,

Je serai toujours là pour toi…

Antony Canonne

 

 

 


 

 

P18

 

Mon bel ange

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Papa donne-moi la foi

Il me semble encore parfois

Sentir sa présence auprès de moi

Je suis toujours aux abois

Puisque je ne sais plus en quoi

Je crois

Est-ce le Néant ?

Est-ce si évident ?

Mal de dents, mal d'Amour ?

Et, pourtant, je ne ressens plus rien

Juste ce cœur si lourd

Même plus le sien

Tel la nuit,

C'est mon ombre que je fuis

Nul doute de mon Amour

Mais que reste t-il en retour ?

Pourquoi autant de détour

Si c'est pour tracer se route ?

Papa, ton enfant a grandi

J'aurais pu lui dire "oui"

Mais, maintenant tout est fini

Ne m'en veux pas de verser des lacs

De me voiler la face

Je ne crois plus en l'Amour éternel

Il m'a pris les ailes

Et je sais ce chagrin éternel

Je ne te demande pas le ciel

Seulement de lui dire

A quel point je l'aime

 

Christelle Lesourd

 

 

 

 

P19

 

MARAUDEUSE DE MON CHAGRIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Maraudeuse de l’arbre nu

Que cherche l’appel des lanternes

Dans la complicité des rues,

Pourquoi joues-tu sur le seuil

De mon esclavage ?

 

Je viens à toi la main tendue ;

Eternel piéton de l’amour

Où te caches-tu ?

 

J’ai cherché ta silhouette

Dans le jardin des balcons ;

Des croix de papier bridaient les fenêtres

Afin de garder le ciel en prison.

 

Flottante sur

Les remous du métro

J’ai vu fuir ta chevelure ;

Ton visage est dans les ruisseaux

Sous le pas piocheur des chevaux.

 

Que de reflets sur ton image !

L’alphabet des pianos m’enrage.

 

Dans le cheminement de l’heure

Je reste immobile à t’attendre ;

La solitude a ton odeur.

 

Maraudeuse viens poser tes mains

Sur le halo de mon chagrin.

 

Laissons renaître les chimères

Et que la route à peau d’hiver

S’émerveille en ciel retourné !

 

Que la joie par nous transhumée

Portant sa torche dans la nuit

La façonne en nid pour nos cœurs !

 

Maraudeuse, largue ta peine

Et me revient goûter aux fruits

Du soleil narquois sur la neige !

 

          Yann Villiers

          Paris – sept.1969

 

 

 

 

P20

 

LA MONTAGNE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Va marcher, grimper, respirer cet air pur de la nature

Va, dans ce paysage, gâté par un nuage venu d’ailleurs

Va, progresse, que chacun de tes pas soit allégresse.

 

Tu n’as pas peur de l’orage, tu cherches des plantes : pures

Tu crois aux hommes quand d’autres croient en Dieu : peur,

Et avec tout ça, ton âge fait-il ta sagesse ?

 

Va mettre en train tes pieds, tes jambes, va plus loin

Que ta volonté, sers toi de ton corps s’il n’est pas diminué,

Va observer le petit nuage qui s’associe au gros nuage,

Et laisse les se nouer comme un amour saurait le faire.

 

Va ta vieillesse, sans en être coupable, elle aidera à te libérer,

Dans ces fourrés, dans ces rochers, dans ces monts que tu aimes.

Va parce qu’il est temps de penser au grand passage.

Celui qui dans ce grand sommeil, sera définitivement vide pour toi

Et ceux qui n’auront rien à faire, parce que plus à te plaire.

Et ceux que tu as aimés et que tu as rejetés :

GRIMPE, MONTE, VA…

Marie-José Wanesse

2002

 

 

 

 

P21

 

LA TETE ÉCLATE !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

 

LA TETE ÉCLATE !

ET ÇA S’ÉGOUTTE…

SANG ÉCARLATE

AU GOUTTE À GOUTTE…

 

COMME UN POISON

QUI ENVAHIT !

TOUT UN FLACON

QUI ENGOURDIT

 

UNE DROGUE

PEU CHÈRE.

CE SMOG

DE NOS MISÈRES !

 

IL ENVELOPPE !

ET PUIS NOUS BERCE.

UNE SALOPE,

NOUS TRANSPERCE !

 

LE CŒUR,

L’ÅME,

ELLE REPREND

TOUS NOS DRAMES

D’ENFANT, D’ENFANT…

 

Brigitte Capliez

 

 

 

 

P22

 

HEUREUX   AMOUREUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Deux mots de même consonance

Heureux  amoureux

Deux mots d'une grande différence

Je ne cesse de me heurter à eux

 

Est-on heureux

Lorsqu'on est amoureux ?

Est-on amoureux lorsqu'on est heureux ?

 

Est-ce deux choses opposées

Le bonheur peut être comblé seul

Mal peut faire un amour passionné

 

Est-ce deux choses identiques ?

Le bonheur donne un effet de plénitude

S'aimer donne des moments magiques

 

Pour ma part une situation sentimentale

Fait de ma vie un vrai bal

Tourne et tourne encore

Le bonheur naît de ces moments forts

D'amour découle une ivresse

D'une rage de vivre, au revoir faiblesses

 

Lorsque tu n'es pas là

Que mon amour se noie

La lumière s'éteint

Le bonheur s'envole

Une vie sans fin

S'étale sur le sol

 

Floriane Kurowiak

  (18 avril 2003)

 


 

 

P23

 

TELLEMENT BESOIN DE TEMPS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Il faisait si beau en cette matinée

Que toutes les clefs étaient parties se promener.

Nous les aînés, nous avons tellement besoin de temps pour ne rien faire,

qu’il ne nous en reste plus pour travailler !

N’ayons pas peur du bonheur, c’est seulement un bon moment à passer.

Je sais que la vie sans farces, c’est un voyage sans auberge car la vie est comme une boîte de sardines, nous cherchons toujours la clef !

Le bonheur ! C’est du chagrin qui se repose.

Aimons nous vivant avant que la mort nous trouve du talent !

Aime ton prochain comme toi-même.

Le plaisir le plus délicat est de faire celui d’autrui.

Alors faisons ensemble toujours plus pour ceux qui ont le moins.

Le devoir : c’est ce qu’on exige des autres.

Un ami : c’est quelqu’un sur qui nous pouvons compter.

Sur nous !

Ce n’est pas le bonheur de tous les hommes que je souhaite, mais le bonheur de chacun d’eux.

Ce n’est rien d’être humble quand on sait qu’on est le meilleur.

L’homme courtois évite de poser le pied sur l’ombre de son voisin.

La plupart des pères aiment à se répéter chez leurs enfants, préparer leur avenir avec du passé.

On ne peut donner que deux choses à ses enfants, des racines et des ailes.

Un jeune voit plus loin que le vieux mais il est monté sur les épaules du père !

La jeunesse sait ce qu’elle ne veut pas avant de savoir ce qu’elle veut !

Quelqu’un que vous avez privé de tout n’est plus en votre pouvoir il est de nouveau entièrement libre.

Elles sont bien noires mes pensées de mes nuits blanches. Je rêvais d’un être qui eût les plus grands dons pour n’en rien faire, s’étant assuré de les avoir.

Je sais, je sais qu’on ne sait jamais.

Je sais pourtant que la femme la plus compliquée est plus près de la nature que l’homme le plus simple. Pour beaucoup de femmes, le plus court chemin vers la perfection, c’est la tendresse.

Plus les hommes s’éloignent de Dieu, plus ils avancent dans la religion.

Dieu dans sa colère créa la femme ! Pour l’homme la solitude était belle.

Le goût fut fait de mille dégoûts. Grâce à Eve, délicieux goût…

Nous sommes ici bas pour rire. Au paradis ça ne serait pas concevable.

Ne disons pas du mal du diable,

C’est peut-être l’homme d’affaire du bon Dieu !

Et pourtant il faisait si beau que toutes les clefs étaient parties se promener.

N’ayons pas peur du bonheur.

J’ai tellement besoin de temps pour ne rien faire qu’il ne m’en reste plus pour travailler.

CH. et J. JACQUEMIN

 

 

 

 

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P24

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Evasion

 

C’est un beau voilier blanc,

Fantôme hantant le port,

Si fier et rassemblant

Songes et passeport,

Dont la coque reluit,

Elancée et sans âge.

Mon cœur à ses côtés

S’enivre de voyages.

Soudain le long du quai

Il frémit, appareille,

Scrutant le perroquet

Mon regard s’émerveille,

Projetée près du mât

Je respire saisie,

Les vents d’autres climats, 

Mes peines en sursis !

C’est un beau voilier blanc

Et déjà il m’emmène,

Loin du monde troublant

Où mes pleurs se promènent.

Naufragée de l’amour

Je rêve d’éternité,

Passagère sans retour

Des voiles, en liberté…

   de Geneviève Bailly

 

 

 

 

P25

 

Au printemps du printemps

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Au printemps du printemps

Tout mon cœur sur ton cœur

Devant les fleurs du temps

Chante ma rancœur

Du printemps au printemps

La mésange du grand charme

S’enflamme dans les feux du vent

Pour s’ennuyer en larmes

 

Viens printemps de l’été

C’est mon cœur en baisers

En baisers ivres de ton cœur

Devant l’amour de nos chœurs

 

Cours printemps de l’automne

Ton sein sur mon sang

Je t’aime et toujours résonne

L’hymne des passions de l’amant

 

Arrive printemps en hiver

La neige sur ton corps que je sens

Fondre sur le linceul de l’an

Tout en promesses d’amours en vers

 

Saint-Hesbaye

 

 

 

 

 

P26

 

L’air est saturé …

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

L’air est saturé de gaz

Le ciel est étonnamment gris

Gris métallique

Pourtant, on voit encore parfois,

Comme à travers un écran fumé,

Une boule d’or fané là-haut,

Rouler d’un point de ce qui fut l’horizon

Jusqu’à un autre infini

L’océan roule de lourds flots noirs

Les derniers arbres tendent vers le ciel

Leurs long bras nus et noirs

Les enfants regardent et puis se taisent

Les femmes joignent les mains en une prière muette

Les hommes courbent le front,

Regrettant le dieu qu’ils ont tué

Ils ne comprennent pas encore

Tout s’est passé si vite

Nul ne comprend

Pas même la femme aux yeux hagards

Pas plus les arbres suppliciés que la terre calcinée

Ou que l’homme éperdu

Peut-être le ciel qui se souvient

Et se cache à présent dans le noir pour pleurer.

 

Thérèse Leroy

18/11/1973

 

 

 

 

P27

 

EXTRAIT DE VIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Il était une fois un homme qui n’aimait que lui-même. Rien ne l’intéressait plus dans la vie que le plaisir qu’il éprouvait lorsqu’il s’offrait quelque chose. Ce monsieur s’appelait Pierre. Il était assez corpulent et avait la moustache fine. Couramment, on le surnommait Monsieur.

Monsieur passait son temps entre se faire plaisir et savourer son plaisir. Il n’aimait que lui, et pas les autres. Même s’il voyait des gens très beaux et très gentils, il ne les regardait pas pour autant. Il les jugeait du regard avant de reporter son attention sur son pain au chocolat. Et il se répétait :

 « Que je m’aime ! Que je suis beau ! Que je suis grand ! Ah, je m’aime ! ».

Il ne cessait de penser à lui.

Un beau jour, Monsieur Pierre décida d’allumer sa télévision. Evidemment, il comptait se faire plaisir mais quelle ne fut pas sa surprise quand il tomba sur les informations !

 « Mon Dieu, se dit-il, heureusement que je n’aime que moi, sinon je pleurerais tout le temps. »

Il regarda tous les morts, tous les enfants exploités, tous les blessés, toutes les guerres. Il n’était plus bien sûr à présent. Il venait de voir une femme qui pleurait son mari broyé par un char.

« Et quand je mourrai, moi, qui viendra me pleurer ? Je ne pourrai plus me pleurer puisque je ne serai plus là ! ».

Et il se pleura d’avance.

 

Julie Vasseur

 


 

 

P28

 

EPLUCHER LES PATATES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

C’est un rituel. D’abord, aller ouvrir le sachet plastique où elles sont stockées. Les choisir. Deux grosses, deux moyennes et quatre petites. S’armer. Et là commence l’Art Suprême d’éplucher les patates.

 

Evidemment, ça n’a aucun intérêt si la radio n’est pas en marche. Il est midi, il n’y a encore personne à la maison, c’est encore tranquille. On a laissé la porte ouverte, pour laisser le chat faire ses allées et venues comme il l’entend. On a allumé le gaz, pour faire chauffer l’huile. Car aujourd’hui ; c’est frites maison au menu.

 

C’est France Inter.

L’éplucheur parcourt avec grâce et légèreté la patate, pour lui octroyer sa peau. On essaye d’aller vite, le temps presse. Mais on se laisse gagner par la douceur de la patate, lorsqu’elle découvre alors avec éclat sa couleur jaune, qui ravit l’œil.

 

Vient ensuite l’épreuve du découpage.

On s’équipe.

 

Planche à découper.

Courage.

Coups précis, nets.

 

Hop ! Bientôt, les patates ont perdu leur gloire d’autrefois : elles ne sont plus que de simples bâtonnets. Mais là vient l’astuce : il suffit de les faire cuire pour qu’elles dorent et retrouvent leur magnificence d’antan !

Cependant, c’est souvent à ce moment là, quand on a fini d’accomplir l’acte de dénuder les patates, que se font entendre des voix familières. Et d’attendre la question fondamentale :

Quand est-ce qu’on mange ?

Julie Vasseur

 

 

 

 

P29

 

LA GERVA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Depuis son centième anniversaire elle a oublié son âge. Celui des autres aussi. Ses contemporains ont oublié également et le leur et le sien. Mais elle est là, immuable.

Comment peut-on être présent à ce point quand on a brûlé tout un siècle et qu’on n’est qu’une petite bonne femme ordinaire, rivée à son village natal, lui-même perdu aux fins fonds du Gard ?

Une précision quant à l’article qu’on mettait dans certaines régions, devant les prénoms. Usage qui se perd un peu et c’est dommage ! « La » Gerva, cela impliquait une appartenance plus réelle au milieu ambiant, plus tangible, avec, en plus, une sorte de tendresse un tantinet possessive. La Gerva appartenait au village.

Aujourd’hui la vieille dame est confinée dans un mini mas de pierres brunes, mais le village l’écoute encore respirer.

Moi, qui ne suis pas d’ici, mais qui suis amoureuse des lieux et des gens, je me suis penchée sur son cas. J’ai recueilli des bribes de sa vie et j’ai recréé le reste avec, je l’espère, la fidélité de ceux qui sentent, plutôt que celle de ceux qui enquêtent.

 

I

 

La Gerva a seize ans. Elle « est aux lavandes ». Juchée tout en haut des tas empilés sur la charrette, elle enfourche gaillardement les nombreuses gerbes qu’on lui tend et les dispose méthodiquement. Il faut bourrer et charger le maximum dans le minimum d’espace et de temps.

OOH !! Ça secoue ! La charrette reprend sa route et La Gerva se retrouve les jambes en l’air dans les épis parfumés. C’est un spectacle charmant ! Les garçons le pensent aussi !

Tout à l’heure, à la fin du travail, -c’est aussi la fin de la récolte- le maître régalera sa jeune main-d’œuvre, qui est bénévole bien sûr !

Ici on ne rémunère pas, on rend service. Demain on « aidera ».

Apprécions la forme intransitive du verbe. On dit aussi : « on gardera » pour le troupeau…

Ne parlons pas pour autant de travail « au noir », de Sécurité Sociale, etc.… C’est une époque où l’on ne prend pas vraiment conscience des risques encourus, les accidents de travail par exemple ou les omissions de salaires plus ou moins conscientes. Tout est dans la bonne volonté, la compassion des travailleurs entre eux. Pas encore de lois sociales justes et généreuses, avec leurs inévitables contraintes. Et par delà cette forme d’innocence inconséquente, inconcevable aujourd’hui, cela déboule de joie de vivre, celle qu’on a quand on a seize ans, qu’on a bien travaillé, qu’on se sent aimé, et qu’on s’apprête à manger et danser dans une guinguette des bords de Cèze.

Salut Petite Gerva qui chante avé l’accent du pays, et volte et virevolte sur ses jolies gambettes !

 

II

 

Sitôt la majorité atteinte, la vie de notre héroïne devint un vertige. La fille, de plus en plus belle, tenait toutes ses promesses. Que la vie est douce quand les hommes sont beaux, ou peut-être que les hommes sont beaux quand la vie est douce !

On prit très vite l’habitude de gratter à la porte du mazet, à tout heure… Il y eut des clés dans le chaudron devenu boîte à lettres hors PTT.

Je soupçonne même qu’un planning fut dressé, fort méticuleux, puisqu’il n’y eut jamais de rencontres gênantes. La Gerva menait joyeuse vie, avec des partenaires éclectiques, des ressources variables, et une bonne entente évidente.

Que la vie est simple quand on ne cherche pas à se la compliquer !

 

La Gerva ne s’encombra jamais de mari, d’enfants, ni d’amants attitrés. Elle dansa beaucoup, chanta parfois, et s’amusa toujours !

Et le qu’en dira-t-on dans tout cela ?

Rien ! On ne dit rien. Devant les grandes évidences on se tait. L’amour, même celui-là, l’emporte toujours !

Tenez ! Le Constant par exemple, le si mal nommé ! Marié deux fois,

sept enfants, viticulteur apprécié, luron joyeux, il était aussi un habitué

de la « maison ». En toute discrétion. On parla peu de lui, en chuchotant

avec un clin d’œil complice et bienveillant : « Ah Le Constant, il y va ! »

 

Eh oui, il y allait, comme les autres… Et ces soirs là, il était de la meilleure des humeurs au sein de sa petite famille. Et il s’endormait comme un nourrisson. Le silence et l’air de la campagne…

J’ai connu Le Constant, qui portait haut ses quatre-vingts ans, toujours solide et égrillard. Il évoquait encore, discrètement, en plissant ses yeux clairs et en souriant avec gourmandise « Sacrée Gerva ! »

Croyez-moi, elle a donné autrement plus de joie qu’une petite sœur des pauvres ! Dieu me pardonne ! »

 

III

 

Aujourd’hui La Gerva n’attend plus le mâle. Le bien non plus d’ailleurs. Elle attend… intransitivement…

Et, comme tout le monde dans ce dernier quartier de la vie, elle évoque avec mélancolie ces instants ordinaires et uniques que sont les rencontres amoureuses ou amicales, les douceurs des jours, des nuits, la tendresse…

Sa consolation : elle est restée fichée, à coup sûr, dans la mémoire de quelques-uns de ses visiteurs. Le Constant lui a certainement gardé une place d’honneur jusqu’à la fin. Et puisqu’il l’a devancée au sprint de sa dernière course, elle gardera précieusement jusqu’à sa propre ligne d’arrivée la certitude qu’au moins pour eux ce fut un beau parcours !

La Gerva, une femme libre…

Qui n’attira jamais les foudres de ses concitoyens, ni les jalousies de ses rivales…

Reconnaissons que pour ce faire il avait dû y avoir quelque part bien du talent, peut-être même bien de l’amour !

Paule Lefebvre

  

 

 

 

P30

 

  Les fleurs 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

"Tiens, regardez ! voilà Marcel qui passe. Quand on parle du loup…

 

A ces mots Marie-Line tourne vivement la tête vers la fenêtre de la cuisine. L'homme qui marche lentement sur le trottoir d'en face semble proche de la soixantaine et porte légèrement placée vers l'arrière une casquette rouge à dessin écossais. Il a remonté le col de son parka car le vent de ce début de mois de novembre souffle fort cet après-midi là.

Louisette qui, elle aussi suit l'homme du regard, continue :

"Il n'est pas si mal vous ne trouvez pas ? pourtant il ne s'est jamais remarié ou remis avec quelqu'un. Il aurait pu pourtant car à l'époque il était encore jeune et il gagnait correctement sa vie. I était adjudant dans l'armée ou quelque chose comme çà."

En continuant son chemin l'homme, dont on sait maintenant qu'il s'appelle Marcel, a disparu.

Marie-Line naturellement se retourne vers son hôte et interroge :

"Il a donc été marié ?"

 

Les deux femmes sont voisines depuis deux mois à peine. Marie-Line est arrivée à Caudry quand son mari, fonctionnaire de police, a été muté. Dans le quartier les gens ne parlent pas beaucoup et les rapports entre voisins se résument à de petits signes de tête courtois qui marquent juste le minimum de politesse sociale requis. Marie-Line n'est pas comme cela. Et Louisette non plus. C'est pour cette raison que naturellement elles ont sympathisé très vite. La vie est bien plus belle quand on partage ce que l'on a. Alors, aujourd'hui, Louisette a invité Marie-Line à venir chez elle prendre une tasse de café et la nouvelle venue que cette invitation a ravi en sait déjà long sur ce qui se passe dans le quartier qu'elle n'habite pourtant que depuis peu de temps. Tout y passe : les on dit, les ce qu'on ne dit pas, les silences, les rumeurs et même le reste. C'est que Louisette connaît bien le quartier : elle y est née ou presque…Elle est venue ici quand elle avait quatre ans. Alors, quand la voisine lui pose la question de savoir si Marcel a déjà été marié, c'est sûr qu'elle peut répondre et même lui raconter l'histoire dans ses moindres détails.

 

"Tout a commencé au début du printemps, comme dans les plus beaux récits d'amour. Marcel avait alors vingt cinq ans et Colette, qui allait devenir sa femme, à peine vingt. Sans trop savoir pourquoi Marcel avait peur de ne pas se marier et il n'osait même pas imaginer qu'il puisse finir sa vie dans la solitude comme certains vieux garçons à la mine grise et renfrognée qu'il connaissait. A cette époque, après la numismatique et la philatélie, il s'était pris d'une passion soudaine pour une nouvelle distraction : la généalogie. En réalité ce goût pour la recherche de ses ancêtres n'était pas le fruit du hasard. Il avait remarqué qu'à la mairie travaillait une fille à l'air plutôt timide et effacé mais au regard pétillant de gaîté et toujours habillée de façon coquette. Elle représentait pour lui le modèle que son imaginaire s'était fait de la femme idéale : elle était toute simple, simplement belle. Il ne lui avait jamais parlé mais déjà il avait senti qu'il pouvait l'aimer.

Mais qui vous a raconté tout çà Louisette ?

Sa mère. J'ai bien connu sa mère. Elle est morte l'année dernière, la pauvre. Elle était si heureuse quand son fils a connu Colette ! Mais qu'est-ce que j'étais en train de dire ? ah ! oui ! Marcel donc allait à la mairie pour ses recherches et c'est là qu'ils se sont rencontrés. Tout comme lui elle n'avait connu personne auparavant et elle l'a accueilli un peu comme s'il eut été le prince charmant. Je vous l'avais déjà dit : Marcel était militaire, à la Base Aérienne, et ce depuis l'âge de dix-neuf ans. Chaque fois qu'il bénéficiait d'une permission il en profitait pour se rendre à la mairie ave son petit cartable à la main et comme il venait régulièrement, les employés de l'Etat Civil lui avaient réservé une petite table sur laquelle il pouvait compulser les registres dans les meilleures conditions. Et surtout, de temps à autres, il pouvait apercevoir Colette qui, sans être affectée dans le service, passait dans le bureau pour les besoins de son travail. Il remarqua qu'elle l'avait remarqué et vice et versa. Vous savez ce que c'est Marie-Line : un regard de coin, une attitude bien posée, un petit sourire et voilà ! il n'en faut pas plus, quand c'est le moment, pour déclencher le déclic."

Louisette fit alors une pause.

 

 

   "Vous reprendrez bien une tasse de café ? et une madeleine ?

Oh ! non, ce n'est pas bon pour ma ligne.

Allez, pour une fois…Il faut savoir se faire plaisir et saisir les bons instants quand ils passent car

après on ne sait pas ce qui peut arriver."

De la façon qu'elle avait prononcé ces paroles on aurait dit que celles-ci avaient un quelconque rapport avec le récit qu'elle avait commencé depuis dix minutes. Puis, elle reprit :

    "Où en étais-je? Ah ! oui, à la rencontre. La première fois que Marcel a donné rendez-vous à  Colette c'était à la sortie de la mairie. Il avait mis son uniforme et lui avait apporté un bouquet de fleurs. Colette adorait les fleurs et elle se mit à adorer de la même façon le jeune homme à qui l'uniforme allait si bien, à tel point que six mois plus tard ils se retrouvaient devant monsieur le maire et monsieur le curé. Ils étaient si beaux tous les deux, elle dans sa robe blanche de mariée avec son petit bouquet de fleurs à la main et lui dans son uniforme de parade, accompagné par ses collègues qui leur firent la plus belle haie d'honneur qui soit. Leur vie s'annonçait merveilleuse et chacun s'efforçait à sa manière de combler l'autre d'attentions délicates. Notamment Marcel avait pris l'habitude d'offrir chaque samedi des fleurs à sa jeune femme que celle-ci mettait toujours bien en place dans la maison. Et comme il voyait que Colette les appréciait, Marcel s'intéressa à  leur langage et c'était, à chaque fois qu'il lui en apportait, une manière de mieux traduire encore ses sentiments.

Le temps passa vite sur le bonheur de ces premières années. Trop vite, car des nuages commencèrent à obscurcir leur ciel. Ils venaient essentiellement du tempérament orageux de Marcel que celui-ci avait essayé de modérer au début. Petit à petit ses vives colères, ses réprimandes, ses reproches constants exaspérèrent la pauvre Colette qui reprit peu à peu l'air timide et effacé que les premiers temps du mariage avaient pourtant réussi à faire disparaître. Ceci ne les empêcha pas d'avoir un enfant. Quand les couples connaissent des turbulences on a coutume de dire qu'une naissance peut apporter l'équilibre qui leur fait défaut. De fait, le nouveau venu qui s'appelait Romain fut la joie de la maison et de la famille et Colette retrouva quelque temps son sourire. Hélas ! cela ne dura guère et Marcel repris son attitude désobligeante vis-à-vis de sa femme. Pour tout dire ses sautes d'humeur étaient davantage marquées quand il avait consommé plus que de raison. Et malheureusement celles-ci se produisaient de plus en plus souvent. Et le petit Romain, loin de les rapprocher les éloignait l'un de l'autre davantage. Tout était prétexte pour Marcel à des critiques injustifiées envers sa pauvre femme : le fait que le petit ne veuille pas manger, qu'il se réveille la nuit en pleurant, qu'il soit malade…tout était de la faute de Colette. Celle-ci avait perdu sa joie de vivre et l'éclat qui brillait naturellement dans ses yeux noisette s'était éteint. Elle qui aimait tant les fleurs n'en recevait plus qu'à son anniversaire. Fini le bouquet hebdomadaire qui lui faisait tinter le cœur ! Passée la couleur bleue des premiers émois qu'elle avait cru voir durer toujours ! Et pour parfaire le tout Marcel était d'une nature plutôt hypocondriaque et les moindres symptômes suspects qu'il ressentait – du moins les estimaient-ils ainsi – l'inquiétaient de façon disproportionnée et ne pouvaient être, selon lui, que les signes précurseurs d'une mort précoce. Il affirmait d'ailleurs toujours qu'il mourrait avant trente cinq ans !

A la naissance de leur deuxième enfant, une petite Julie, Marcel décida que sa femme devait cesser de travailler. Il est vrai que sa santé était précaire et que les charges du foyer reposaient presque exclusivement sur elle. Rarement question pour son mari de l'aider dans les tâches domestiques ou dans le suivi scolaire de Romain qui avait maintenant cinq ans.

Pour une mère, s'occuper de ses enfants c'est bien. Pourtant Colette regrettait l'ambiance du bureau à la mairie, ses collègues et sans qu'elle ait eût l'impression d'être inutile, il y avait quelque chose de cassé dans son rapport avec la société.

Les tâches ménagères étaient répétitives et monotones, "sans honneur" comme elle aimait à le répéter. Préparer les repas, faire les lessives, changer les marmots, tout cela n'était guère gratifiant. Pour  tout dire sa situation n'aurait pas été à ce point morne si son mari s'était occupé d'elle comme se doivent de le faire tous les maris. Marcel ne vivait que pour lui, s'amusait, et quand il rentrait, le plus souvent tard, à la maison il était agacé pour un rien et c'était soit sa femme, soit Romain, soit la petite Julie quand ce n'étaient pas les trois à la fois qui en faisaient les frais. Sûr qu'elle n'était pas heureuse la pauvre Colette. Elle-même perdait la mesure et il arriva que le petit Romain complètement hagard se réfugia chez la voisine tant sa mère le poursuivait de cris hystériques !

Tout cela était bien triste, en effet. Pour preuve : à son trente cinquième anniversaire elle n'a même pas eu de fleurs !"

A ce moment Louisette s'arrête pour se lever de sa chaise.

  "Vous ne trouvez pas qu'il commence à faire noir ? Je vais allumer.

Elle n'est pas très gaie votre histoire, Louisette. Je me demande comment elle va finir."

Alors, se rasseyant dans un soupir et sans se faire prier la narratrice continue son récit.

  "Et plus rien n'allait vraiment. L'incompréhension et l'exaspération mutuelles ne faisaient qu'accroître les conflits. On a même raconté qu'à plusieurs reprises Marcel avait porté la main sur elle. Allez savoir ! En tout cas à son trente cinquième anniversaire elle n'a pas reçu de fleurs : c'est elle-même qui me l'a dit. Mais tout a vraiment basculé trois ans avant la naissance de Julie, la petite dernière. Colette n'allait que très rarement chez le médecin. Elle avait toujours été d'allure chétive et cela s'était accentué lorsque les problèmes avaient commencé à pointer dans le ménage. Elle se confiait parfois à moi et se plaignait qu'elle était toujours fatiguée, sans entrain. En général, pour nous les femmes, on met cela sur le compte de la vie actuelle, des enfants qu'il faut élever et d'un syndrome de stress plus ou moins bien défini. En fait, depuis plus d'un an elle se plaignait d'une grosseur au sein droit. Mais elle était têtue : pas moyen de la décider à consulter. C'est au moment où elle a commencé à ressentir une douleur qu'elle s'est décidée. Hélas ! il était déjà bien tard et le diagnostic était implacable : tumeur maligne qui aurait due être traitée depuis trop longtemps ! Cette vérité tomba comme un coup d'assommoir pour elle mais aussi pour Marcel qui se vit ramené soudain à la réalité de la vie. Mais pour tout dire, il se lamentait d'abord sur lui-même et à son entourage il faisait part de ses inquiétudes quant à  la vie qui l'attendait avec ses deux enfants si, par malheur, sa femme venait à le quitter.

Colette fut courageuse. Très courageuse. Elle le fut pour elle et pour ses enfants, surtout pour la petite dernière. Elle tint ainsi cinq années, cinq années avec la maladie, les enfants qui grandissaient doucement – c'était déjà çà de gagné ! – et Marcel qui pleurnichait entre la bière, le vin et les antidépresseurs. Quand elle mourut, Marcel avait quarante huit ans.

Les années qui suivirent furent particulièrement pénibles et il se mit à mesurer combien l'absence de sa femme qu'il n'avait pas su aimer comme il fallait lui pesait. L'alcool et les médicaments qu'il consommait de plus en plus firent le reste : l'Armée lui somma poliment de prendre sa retraite. L'aîné qui s'était élevé comme il put prit son indépendance à sa majorité, suivi de sa petite sœur quand son âge le lui permit. Depuis, le temps aidant, il a pris du recul avec les événements passés et ses enfants qui sont maintenant  mariés l'invitent certains dimanches à venir manger chez eux. Mais il continue de traîner comme une âme en peine. Tenez ! Tel qu'on l'a vu passer tout à l'heure, il revenait du cimetière."

 

   "Je parie qu'il va toutes les semaines déposer des fleurs sur la tombe de sa femme.

Oui, Marie-Line, il lui porte des fleurs. Mais pas toutes les semaines…tous les jours."

Jean-François Sautière

(Janvier 2004)