SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N° 11

 

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11 12 13 14 15 16 17 18 19 20

 

Juillet-Août-Septembre   2004

 

Illustration BD page 2

Patrick MERIC

Un écrivain "de voisinage" page 3

Denise LEPRÊTRE

JEUNES

 

L'amour page 4

Natacha LEROY

Je suis une fleur page 4

Florence L

Le monde est là  page 5

6ème S.E.G.P.A Collège Renaud  BARRAULT

Papier magique page 6

LUCIOLLE *

Petits-noms page 6

Floriane KUROWIAK

Amor mio page 7

Christelle LESOURD

Chien et chatte page 7

Fanny CANONNE

Un petit clin d'œil page 8

Guislaine LAURENT

HUMOUR

 

Une histoire de barbecue page 9

Daniel JACQUEMIN

Patois d'Escaudoeuvrespage 10

Blagues dins l’coin page 10

Charles LERICHE

Daniel CARLIER

MOMINT D’ACTUALITE page 11

HUMEUR PATOISANTE  page 11

L’terri d’mes dix ans page 12

Hector  MELON D'AUBIER *

Jean-Pierre LEFEBVRE

Jacques HUET

ADULTES

 

Les caprices du coeur page 13

Geneviève BAILLY

Etre poète ou pas ? page 14

Auteur inconnu

Moi le chien page 15

Jeanne FOURMAUX

Sonnet à la lune  page 16

Jean-François SAUTIERE *

Extraits de "Eclats d'âme" page 17

Thérèse LEROY

L'âge  page 17

Un vieux jeune homme

Hommage page 18

Claude BOISSE

Dernière cuite  page 19

HERTIA MAY

Açvine  page 19

SAINT-HESBAYE *

NOUVELLES

 

Le gloutoscope page 20-21

Le chaudron page 22-23

Saphir le Moustachu page 24-25-26

Le clou de la soirée page 27-28-29

Le Puits page 30-31

Marie-Josée WANESSE

Paule LEFEBVRE

GRASJACQS

Denise DUONG

Jean-François SAUTIERE

 

 

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Editions littéraires

*  Retrouvez l’auteur dans la revue littéraire.

 

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NOUS VOUS SOUHAITONS D'AGRÉABLES VACANCES !NOUS VOUS SOUHAITONS D'AGRÉABLES VACANCES ! 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

P1

 

UN ECRIVAIN « DE VOISINAGE »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Peut-être avez-vous entendu parler de Dominique SAMPIERO dans le magazine « Le Nord », qui lui donnait ce titre ?

 

Peut-être aussi avez-vous vu le film de Bertrand TAVERNIER sorti en 1999 : « ça commence aujourd’hui » qui lui a  apporté la notoriété, en tant que scénariste, et où il racontait son métier d’instituteur ?

 

Il vit à Salesches, non loin de chez nous, et se consacre maintenant tout entier à l’écriture. En 2000 il publie « l’Odalisque »*, une sorte de dialogue feutré entre Matisse et son modèle Lydia… De ce côté-ci l’humilité, l’abnégation, le sacrifice. De ce côté-là, du côté du peintre, la distance… puis la vieillesse venant, le besoin, enfin la dépendance. Alternent tout au long du livre les retours à l’enfance, les confidences de l’un et de l’autre. Un livre énigmatique : la toile du peintre semble à la fois les séparer et les unir…

 

Depuis, un autre livre sur une « bonne sœur ouvrière », Thérèse, dont la vie est un combat pour la dignité de l’homme : « les fruits poussent dans les arbres »*. Jusqu’au bout l’émotion est contenue et la fin est poignante.

 

Il travaille maintenant au scénario du prochain film de Tavernier qui sort cette année. Une grande histoire d’amour entêté sur le thème de l’adoption d’un petit Cambodgien.

 

Salut, Monsieur Sampiéro, homme du Nord, homme de chez  nous !

 

                                                                  Denise LEPRETRE

 

Les deux romans sont parus chez Flammarion

 

 

 

P2

 

L’AMOUR,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Que représente ce mot ?

 

Amour = Bonheur quand on le ressent dans le cœur

Amour = Souffrance quand on le perd

Amour = Tendresse et délicatesse

 

Amour est probablement le mot le plus beau de la langue française

 

C’est la seule chose valable dans la vie quand on le ressent au plus profond de son âme

C’est somptueux

Bonheur, amour et tendresse voilà ce que l’on désire tous dans notre vie.

Mais hélas certaines personnes le ressentent, d’autres pas.

Natacha.L 18 ans

 

 

 

 

P3

 

JE SUIS UNE FLEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Je suis une fleur et toi un soleil,

Quand tu es là mon cœur s’ouvre

Mais quand tu n’es pas là,

Je suis comme une pauvre fleur fanée.

 

Quand je te vois

Mon cœur se met

A battre fort,

Et je ressens la joie

De vivre à nouveau.

 

Le temps passe

Mais tes souvenirs

Restent à jamais

Dans ma mémoire.

 

Seuls les souvenirs

De nos cœurs

Pourraient nous unir.

 

Même par 2000 façons

Je ne pourrai jamais

Oublier ton nom.

 

Florence.. L 19ans

  

 

 

 

P4

 

LE  MONDE  EST  LA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Le monde est là

L’oiseau et son nid

Le ver et la terre

Le cheval et sa prairie

La poule et son poulailler

L’araignée et sa toile

La rose et son rosier

L’eau et la terre.

Le monde est là

protégeons le !

Célina.

 

Le monde est là

autour de nous.

Les arbres

les fruits

les insectes

les vers de terre

la terre

Les feuilles marron

de l’automne.

 

Julien

 

Le monde est là

avec nous

une pie sur un arbre têtard

un ver dans l’herbe

Une chenille sur une feuille

Une grenouille

sur un rocher

Le monde est là

 

Karine

 

6éme SEGPA

Collège Renaud – Barrault

AVESNELLES

 

 

 

 

P5

 

Petits-Noms

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Ta libellule rêve…

Bourdonnent ses ailes

Comme bat mon cœur

 

Ta libellule vole…

Et tournoie sur ton visage

Comme mes mains glisseraient sur ta peau

 

Ta puce sourit…

Sautillant de mille bonds

Comme je t’aimerais mille fois

 

Ta puce s’épanouit…

Si petite soit-elle

C’est dans tes bras qu’une femme

Elle deviendra

 

Ta lionne rugit…

Grogne et chasse encore et encore

Si je t’attrape je te mords

 

Ta lionne ronronne…

Sous l’emprise de tes caresses

Je te veux et te dévorerai

 

Mon cœur est le tien

Mon cœur est ton nom

Petit cœur deviendra grand

De ces deux cœurs à l’unisson

 

Bats toujours et encore

Je t’aime mon cœur

Bats ne t’arrête jamais

Fais de mon cœur ta vie

                                             FLORIANE

22 avril 2003

 

 

 

 

P6

 

 

AMOR-MIO

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Mon cœur sera ton sanctuaire

Ma rancœur, un désert

Une lueur apparaîtra

Quand, t’apercevant à mon bras

Je te déclarerai ma flamme

Celle qui déchira mon âme

M’entraînant dans ses profondeurs

Où mon être se meurt

Ses larmes versées

Finiront bien par me transpercer

 

         Christelle Lesourd, 16 ans

 

 

 

 

 

 

P7

 

Chien et chatte

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Il était une fois un chien et une chatte qui s’aimaient beaucoup.

Le chien s’appelait Jacques et la chatte s’appelait Minou.

Et un jour Minou quitta Jacques.

Minou rencontra un autre chien qui s’appelait Grégory.

Grégory dit à Minou qu’il aime une autre chatte.

Et la chatte s’appelle Marie.

Mais Marie a rencontré un autre chien qui s’appelait Joffrey.

Et Grégory a été voir Marie et l'a  vue avec un autre chien.

Marie lui a présenté Joffrey et alors Grégory est parti

dans sa chambre pour faire ses bagages.

 

                               Fanny  Canonne 8 ans

 

 

 

 

P8

 

Un petit clin d’œil

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Un petit clin d’œil,

Juste un petit clin d’œil,

Comme ça, en passant,

Lorsque tu n’es pas content.

Un petit clin d’œil d’amour,

Un petit clin d’œil toujours.

Je grimpe sur tes genoux,

Et hop ! On fait les fous…

 

Un petit clin d’œil,

Juste un petit clin d’œil,

Comme ça en jouant…

Ca y est ! Tu souris,

Et c’est reparti !

Je te retrouve enfin

Et on repart, main dans la main !

Mon petit papa à moi

Ce petit clin d’œil là

N’était rien que pour toi

Papa je t’aime !

Guislaine Laurent

Ecole SAINT - MICHEL CAUDRY

 

 

 

 

P9

 

UNE HISTOIRE DE BARBECUE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Le barbecue est content, on le sort.

Puis on sort l’autre barbecue.

Le premier est rond, son voisin est allongé.

L’autre, on va lui donner à manger du charbon de bois.

Et toi ?

Moi, on me met rien que du bois.

L’allumette, elle dit : « Je vais m’éclater en allumant les deux barbecues. »

Le charbon de bois dit au morceau de bois : « On va rougir. »

Les deux grilles disent : « On va nous salir, on sentira mauvais ! La saucisse et la merguez et les côtelettes pisseront sur nous. Car elles s’en foutent : elles vont se faire bronzer ! »

La saucisse dit à la côtelette : « Toi, tu vas te faire bronzer !  Tu as de la chance car on va te mettre de l’huile et des fines herbes. »

La saucisse crie : « Et moi, je me fais bronzer mais je n’ai pas de chance : on me pique de tous les côtés. Et j’ai mal ! »

La merguez dit : « Moi, on m’aime ! On me fait bien bronzer. On ne me pique pas, on m’aime bien cuite. Mais parfois je pique. »

L’eau dit : « Je n’ai pas de chance : c’est tous les jours comme ça. Moi qui ai tous les déchets, je me vengerai. Car j’ai des copains : la bière, le vin rouge et le rosé. »

Les copains répondent : « Tout ça va remonter ! »

Mais le pain pourra défendre la saucisse, la côtelette et la merguez. Car l’harmonie du barbecue, c’est de bien manger équilibré et de bien boire, car ça sera la réussite du barbecue.

 

La fin :

Les deux barbecues disent : « A plus tard ! »

Car dès la fin du repas, les deux barbecues vont dormir jusqu’au prochain repas.

Daniel JACQUEMIN

Atelier d’écriture de Thierry Maricourt

LE CATEAU

 

 

 

 

 

 

P10

 

PATOIS D’ESCAUDOEUVRES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

I l’a eu cau i faut eul laisser s’ rapurer :                          Il a eu chaud il faut le laisser se reposer.

 

Chouque te fait là ché comme si te metto

un cataplas su eine guimbe eud’ bo :                                 Se dit d’une action qui ne sert à rien.

 

Duqu’ ché qui l’est cor parti rodailler :                              Où est-il parti traîner.

 

All passe comme un quien avec un oche as gueule :          Se dit d’une personne qui passe fière, la tête

levée, sans se tourner pour dire bonjour.

 

In cache après li, duqu’ chè qui l’est cor infournaqué :      On cherche après lui, où est-il encore caché.

 

Il l’est cor din tous ses fardènes :                                      Il est encore dans ses fredaines.

 

I n’a pas bien dormi i l’est tout mal ingronié :                  Il n’a pas bien dormi !

Il est de mauvaise humeur.

 

Ravisse euch tiot chi , i l’a sin vinaique qui passe :        Regarde le petit garçon il a sa chemise qui

passe dans sa braguette mal boutonnée.

 

Eur’weite ichi ches viels guèrbés qui s’abill’ miu qu’chès jeunes : Regarde ces personnes âgées qui

s’habillent mieux que les jeunes.

 

Quoqu’ché qui la toudis à v’nir ichi s’aoucher :        Se dit d’une personne qui venait souvent

stationnner  dans une autre famille.

 

Si te n’as qu’cha dins t’n’ hôtte tes bertelles in’casseront pas :      Si tu n’as que ça dans ta hôtte tes

 bretelles ne casseront pas.

 

Eun’ berloque pas comme cha,

euch’ tiot la quin i minche i va s’étoquer :                      Ne le balance pas comme ça, ce petit là

 quand il mange, il va s’étrangler.

 

Déo gratias i n’as’ jusqu’as’cornette eul pourchau :     Se dit de quelqu’un qui rôtait bruyamment après

 avoir bien mangé :  

il en a jusqu’à la gorge, le cochon.

 

I n’a rien qui passe et qui n’ rapasse :                   Cela voulait dire qu’une mauvaise action faite

envers son prochain se retourne par la suite sur

celui qui l’a faite.

 

                                                                            Charles  LERICHE

 

 

 

 

P11

 

LES RADARS ET L’ Z’AMINNES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

     Alors à çou qui paraît l’ z’aminnes pou excès de vitesse quind in est pris pas un radar al vont ête d’deux sortes. Si te n’ dépasse pos d’ trop l’ vitesse autorisée t’aras quarinte-chonque euros d’aminne, si t’as trop appoîé su l’ chimpignan, là, t’aras dreut à quatre-vingt-dix euros suns compter les points d’ moins su tin permis. C’est sûr qu’ bocop d’ gins y n’éteutent pos contints mais j’ me d’minne si çà ara bocop d’effet.

    In tous les cas in peut constater tous les jours qu’y a d’ pusse in pusse ed gins qui roul’tent pus pépère. Cà n’impêche pos certains arringés de l’ caf’tière d’ continuer à s’ prinne pou Fangio. Et bé’ sûr, yeusses, y n’ sont jomais flashés !

 L’eute jour j’éteus à pied tout près d’un feu rouche. Fernand y’ arrive aveuc s’ vielle deu-deuche toute rafistolée. Paterlouffe : y passe à l’oringe. Y’ aveut justemint deux gendarmes à 10 mètres ed là.

« Monsieur vos êtes passé à l’orange ! » qui dit l’pus gradé à Fernand. « J’ vas vos espliquer, qui répond Fernand, j’ai continué à rouler à l’oringe parce que si j’ frinne trop fort, aveuc mes pneus usés tout lisses, j’ poreux créer un accidint ! ».

  L’ gindarme, pindint inne bonne minute y n’ d’est d’meuré baba. Après les aminnes all z’ont quéhu comme à Gravelotte !

                                                                       L’humeur de Jean-Pierre LEFEBVRE

 

 

 

 

P12

 

LES CAPRICES DU CŒUR

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

 

Quand un divin regard, en caressant notre âme,

Passe en toute innocence endormir la rancœur,

Bien vite la révolte et les chagrins de femme,

Viennent fondre au soleil, d’un charme avant-coureur.

 

 

En tombant amoureux comme on tombe malade,

Nous vivons sous le joug d’une douce obsession.

Dans un cœur affligé d’une étrange chamade,

Soudain c’est le prélude à l’épique passion.

 

 

L’été brille en hiver sous le feu d’un sourire,

Et le désir s’entraîne à l’épreuve du temps ;

Mais quand, de l’un par l’autre on se laisse séduire,

Il est vain d’esquiver le retour du printemps !

 

 

Geneviève Bailly

  

 

 

 

P13

 

Etre poète ou pas ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Y a-t-il un poète qui tout au début, n’ait cru être celui du siècle ? Au fil des années cent indices lui prouvent qu’il ne sera pas ce poète ; il se croyait unique jusqu’au jour où il est entré dans le jardin de roses du Petit prince et où il en a vu des milliers comme lui : les couronnés, les soleils de la poésie, les incontournables et tous les échelons entre les grands et les minuscules ; ceux dont les noms se clament, se répètent, deviennent lancinants, et la cohorte des sans noms.

 

Il y en a tant que tout se brouille, qu’il ne sait plus où se placer. Croyez vous qu’il en soit plus sage ? Pensez-vous qu’il perde tout espoir de recevoir le prix Nobel ? La comparaison est changeante : un jour à son détriment, le suivant en sa faveur. La tête lui tourne ? Il n’en voit que plus d’étoiles. C’est la seule utopie. Car, pour le reste, personne n’est plus réaliste que lui : n’aperçoit-il pas la vérité là où les autres se contentent de l’apparence ? Quand il dit que sous le pétale, derrière l’objet, au fond du cœur, il y a bien autre chose, le monde ne le croît pas, le taxe de doux rêveur, ce monde qui est prêt à donner vie et pouvoir aux machines.

 

Du jardin de la poésie, il n’a pas pu ressortir. Et là, sans doute, est la juste question : non « être poète ou pas » mais « être ou ne pas être en poésie » ? et la réponse est sans ambiguïté : celui qui, après sa désillusion, est resté dans le jardin, celui qui n’a pas fui devant le nombre et la beauté des autres roses, celui-là, personne ni rien ne pourra l’en chasser, celui-là est un vrai poète.

 

(Auteur inconnu)

 

 

 

 

P14

 

MOI, LE CHIEN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Moi qui protège ta maison,

Qui te donne toute mon affection.

 

Qui te défend contre tous les dangers,

Montrant les dents, le poil hérissé.

 

Qui te sauve de la noyade,

Des catastrophes, des avalanches, des flammes.

 

Qui détecte la drogue, les bombes,

Dans les gares, les avions.

 

Qui est le compagnon du troisième age,

Des enfants, des aveugles, des malades.

 

Qui parfois est la victime,

De tes humours, de tes ennuis.

 

Qui trop souvent abandonné,

Fais des kilomètres pour te retrouver.

 

Moi, le chien,

 

Je ne demande en retour,

Qu’un peu de tendresse et d’amour.

 

Fidèle, je le serai toujours,

Car je t’aime, c’est tout.

Jeanne FOURMAUX

 

 

 

 

P15

 

Sonnet à la LUNE.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

J’aimerais la lune rousse aux chemins de traverse,

Seule à rester fidèle aux cœurs adolescents

Dont nous avons connu, instants érubescents,

Le bonheur, siroté sans nulle controverse !

 

 

J’aimerais la lune d’or, faucille à la renverse

De nos grands champs de blés à peine efflorescents,

Rêves de jour laissés à la nuit de nos sens

Mûs des chaudes senteurs que l’été seul déverse.

 

 

J’aimerais la lune absente aux soirs capuchonnés,

Celle que les enfants font avec un gros nez,

Celle qui fait miauler les chats avec justesse.

 

 

Si j’en parle au passé, n’en soyez pas déçus :

Toujours je l’aime autant, mais j’ai quelque tristesse

En songeant que depuis, on a marché dessus.

 

Jean François SAUTIERE

CAUDRY

 

 

 

 

P16

 

ECLATS D’AME

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Les bêtes font moins d’histoires que les hommes pour mourir.

Les bêtes souffrent en silence et meurent sans jeter un cri (et leur mort est gratuite).

Le seul prix de leur mort sont les fleurs de leurs amis.

Un homme est mort !

Ses amis, en plus de leur souffrance, doivent payer un 2ème prix : l’argent.

 

Tu ne verras pas les larmes de mes yeux

Car je les cacherai dans l’obscurité complice de la nuit.

Tu ne verras pas les larmes de mon cœur

Car tes yeux sont aveugles.

Seuls mes amis les plus simples savent.

 

Petite fille perdue dans le brouillard de la vie,

Jamais tu ne connaîtras la paix.

Personne ne viendra te consoler et essuyer tes pleurs

Car nul ne sait les mots.

 

J’ai dans la tête un grand chant immensément triste

Qui s’amplifie à mesure que tombe la nuit,

Et comme un cri étouffé, ne parvient à s’exprimer.

« Poète, reprends ta plume et écris pour moi ce chant là ! »

 

 

Thérèse LEROY

Extrait de « Eclats d’âme » 29/08/72

 

 

 

 

P17

 

L’AGE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

On arrive, on est en bas âge

L’âge tendre… le premier âge

Et le temps de quelques saisons,

On atteint l’âge de raison.

Et puis voici la fleur de l’âge…

A vingt-cinq ans, c’est le bel âge

Et bientôt la force de l’âge.

On se réveille et brusquement,

Sans savoir pourquoi ni comment,

Soudain, on est entre deux âges,

Et l’on devient d’un certain âge.

En observant les jeunes gens,

On comprend qu’on porte son âge…

Et voici le déclin de l’âge.

On dit « quand vous aurez mon âge »

Et puis rien n’est plus de notre âge.

 

Et c’est ainsi que, d’âge en âge,

En portant son petit bagage,

Avec le cœur un peu meurtri,

Et sans avoir très bien compris,

On atteint la fin du voyage.

UN VIEUX JEUNE HOMME

 

 

 

 

P18

 

HOMMAGE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

« CEUX QUI REVIENNENT »

« CEUX QUI NE REVIENNENT PAS »

 

SUR CES TOMBES, MESSIEURS,

OU PASSE AUJOURD’HUI

COMME UN FRISSON DE GLOIRE,

RECEVONS LES LECONS

QU’ELLES NOUS DONNENT.

 

SOYONS UNIS DANS LA VIE

COMME CEUX – LA, L’ONT ETE DANS LA MORT.

OUBLIONS !

NOS QUERELLES ANCIENNES

ET NOS DIVISIONS STUPIDES.

 

ET SUR CETTE TERRE ROUGIE

DE NOTRE SANG,

 

OU L’ON ENTEND

« COMME UN CRISTAL PAR UN ECHO DE BRONZE ! »

COMME UN ACCORD DE HARPE

« APRES DES AIRS GUERRIERS ! »

 

OU L’ON VOIT

« COMME UN LYS QUI SANS BRUIT

TOMBE SUR DES LAURIERS ! »

 

« COMME REGNERA LA PAIX

QUE DIEU DONNE AUX PEUPLES ELUS »

 

QUI REND LES VICTOIRES FECONDES ET

QUI REALISERA DANS LA JUSTICE ET DANS LA LIBERTE

LES DROITS IMPRESCRIPTIBLES

DE LA CIVILISATION.

CLAUDE BOISSE

 

 

 

 

P19

 

DERNIERE CUITE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Tanguant seul ballotté par le ressac d’ivresse

Il avalait goulu l’air chaud par son gosier.

Le litron de vin frais, dans le panier d’osier

L’attendait dans le puits, retenu par la tresse.

Le héros aviné, assoiffé de pinard

Tira sur le cordon, qui se défit du kil

Coulant à pic au fond. Resterait-il tranquille

Laissant son sauvignon aux poissons et canards ?

Il s’en fut dans le trou, ceint de lin, sans élan.

Aucun devin ne lit dans la lie de vin blanc :

L’assistant de Bacchus, poursuivant son goulot,

Perdit la vie en trinquant avec les têtards.

Faut mieux tenir le flacon pour vivre plus tard ;

Tel ivrogne mourut, non pas saoul, mais sous l’eau.

HERTIA – MAY

 

 

 

 

P20

 

« LE GLOUTOSCOPE »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Plus que trois mois et enfin les vacances ! Je me vois déjà en short et tee-shirt, à l’aise dans mon corps et mon esprit : MINCE.

 

Le vendeur m’a proposé cet appareil, à un prix défiant toute concurrence, enfin presque….

 

Il suffit de monter le système dans la cuisine, avec caméras à installer dans le salon, la salle à manger, la salle de bain, bref toutes les pièces de la maison !

 

Livré avec la photo d’une pin-up à coller sur la porte du réfrigérateur, une ceinture avec électrodes à porter dès qu’on a cinq minutes, une crème amincissante, une crème raffermissante, des gélules de vitamines E, les recettes diététiques, me voici parée pour le tournant de ma vie, je vais enfin entrer dans le maillot de bain de ma fille de 14 ans et pouvoir assurer auprès de mon mari.

SUPER !

 

Au départ, c’est difficile, dès que le creux à l’estomac s’installe, on reçoit une décharge électrique si on touche au saucisson, ça fait drôle, on décolle du sol d’au moins dix centimètres !

 

Application rigoureuse de la crème sur les cuisses, le ventre : pas de problème et en plus ça sent bon : jusqu’à ce jour, je n’ai pas vu de différence, si ce n’est que mon corps est devenu doux comme de la soie (qu’on aimerait caresser !).

 

Chaque jour, après avoir inséré dans l’ordinateur du « gloutoscope » mon poids et mes mensurations : séance d’enguelades diverses, parce qu’il parle cet imbécile !!!! pas assez de sport, trop de charcuteries, trop de tout, pas assez de rien….

 

Ce n’est pas de ma faute à moi, si hier des amis qu’on avait pas vus depuis 6 mois nous ont rendu visite !

 

J’ai bien prévu du jus de tomate pour l’apéritif, mais comment résister quand on ouvre la bouteille de champagne ????

 

J’attache ma ceinture à électrodes et comme dans la pub, je fais le ménage en même temps, et comme je vieillis, en trois quarts d’heure, me voici épuisée et de plus torturée car les électrodes laissent de vilaines marques sur ma peau.  

 

Boire, il faut boire : de l’eau bien sûr, je ne fais que cela, en ajoutant dans mon verre le remède miracle qui m’a été vendu avec le reste, pour éliminer.

 

Là aussi, tout va bien, j’élimine. Si bien que j’évite de me déplacer à plus de trois kilomètres de chez moi, de peur de ne pas trouver de toilettes à l’endroit où je suis !

 

Quant aux recettes adaptées, si vous le voulez, je peux vous faire goûter les galettes d’Amazonie fabriquées à partir de bananes vertes, relevées d’épices (jamais entendu parler !), je peux essayer de vous les faire avaler avec une insipide tranche de poulet de 50 grammes cuite à la vapeur !!!!

 

 

Et puis zut, zut, et rezut : et je te vois, je te surveille, et je te culpabilise, zut et encore zut, j’ai demandé au vendeur de venir rechercher son « gloutoscope », mais ma lettre est devenue «  n’habite pas l’adresse indiquée ».

 

Je ne peux toujours pas entrer dans le maillot de bain de ma fille et j’ai comme l’impression que dans l’histoire il y a «un pigeon». Je n’épilogue pas, mais suis sûre que vous devez le penser…. Bonnes vacances…

 

P.S. A propos, mon mari désirant me tenir compagnie dans cette épreuve a perdu 3 kilos et moi, avec un recul, je pense que le « gloutoscope » était simplement ma conscience qu’un bon commercial m’avait vendue………

                                      Marie Josée Wanesse

2002

 

 

 

 

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LE CHAUDRON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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En fonte, peint en noir, il n’était en aucun cas destiné aux divagations maléfiques des sorcières, pas plus qu’aux créations plus subtiles des philtres d’amour.

Mais nous y reviendrons.

 

Vers les années 70, alors que la Provence battait son plein de touristes comme d’habitude, il nous prit l’envie de nous installer… dans le Gard. Le prix des mas n’était pas le même, mais le même soleil embrasait les mêmes lavandes. Notre home fut baptisé « Le Mas du Maïeur ». Traduire au gré de chacun « meilleur » ou « Marie ».

 

Il apparut très vite qu’il fallait corser l’habitacle en y apportant les objets adéquats aux lieux, à savoir une auge de pierre, un évier de pierre, un bénitier de pierre, et, toujours de pierre, un rouleau d’agriculteur dont l’usage m’est encore inconnu et qui joue toujours son petit rôle de menhir au bas de mon escalier… de pierre !

 

Et la boîte aux lettres ? Ah non ! Pas une de ces infâmes boîtes de fer réglementaires ! Nous bravâmes l’Administration des PTT qui n’était pas encore le monstre jaune agressif d’aujourd’hui.

Et le chaudron fut !

 

     

       Il  y a dans chacun de nous un inventeur qui s’ignore et que la nécessité aide à naître.

       Il fallait que le courrier du chaudron fût protégé de la pluie, au moins pendant quelques heures. Or, comment l’eau se comportait-elle avec le couvercle bien ajusté ? Et bien, elle se glissait fluidement dans l’interstice très mince,-la fermeture ne pouvant être étanche-, et descendait le long de la paroi du ventre creux de l’objet pour devenir la petite flaque qui tapisserait le fond… sous le courrier.

       D’où la nécessité d’isoler le dit courrier, mais de façon à ce que le tout n’effleure pas l’eau et remonte au fur et à mesure.

       C’est là que le génie vint à s’exprimer !

 

       Une première plaque en polystyrène légère et poreuse surnagea, mouillée dessous et sèche dessus, une deuxième plaque plus fine, plus légère, doubla la première, sèche sur les deux faces celle-ci, et le courrier, léger lui aussi, coiffa le tout sans le moindre dégât.

       On a breveté des gens pour moins que cela, voyez Lépine !

 

 Pendant trente ans le chaudron parada sur sa pierre, aussi, et épata des générations de facteurs. D’aucuns menaçaient bien de ne plus utiliser l’appareil pour cause de non-conformité. Mais le courrier passait.

 

Un jour pourtant la menace se précisa. Le préposé, un petit jeunot, ne fut pas sensible au charme du chaudron. C’était un gars des villes… Il fallut en passer par là. La boîte serait réglementaire ou ne serait pas !

 

On fit toutefois des concessions de part et d’autre. On creuserait le mur de pierre qui jouxte le portail et dont l’épaisseur avoisinait les cinquante centimètres, et l’infâme boîte de fer y serait logée discrètement, avec deux entrées, l’une côté rue, pour le facteur, l’autre côté cour pour les occupants. La pierre l’emportait donc définitivement sur le métal. La boîte, en retrait des deux côtés, était presque à l’abri du regard des puristes que nous étions.

 

Oui mais… car il y avait un mais, une victime, le chaudron !

L’engin n’avait nullement démérité, même s’il en était préretraité !

 

Alors il fut décidé que nous aurions le respect des choses qui ont servi sans défaillance, et qui n’ont pas encore cessé d’être belles.

 

On jucha le chaudron sur un tumulus, à proximité de la « boîte », et il se prit à rêver :

      « Et si un jour le facteur perdait sa clé ? » …

Et tout bas, le bidon rond se bidonna…

Paule LEFEBVRE

 

 

 

 

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SAPHIR LE MOUSTACHU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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      On pourrait croire qu’il s’agit d’une pierre précieuse bleue, variété transparente de corindon, non, ce joyau est de couleur blanche ; enfin, presque. Lorsqu’il se roule dans l’herbe, la neige ou la boue, selon les saisons, le blanc prend des nuages de gris, au grand désespoir de ses maîtres. Pas de quoi s’affoler pourtant, « Stachu », autre surnom pour désigner le fauve, est auto nettoyant ; cette appellation tonique lui colle à la peau aussi bien que tous les revêtements de sol sur lesquels il exerce ses talents de cascadeur. Alors pas de problème : la couverture posée sur le canapé remplacera avantageusement la serviette de bain. Inutile d’envisager la douche, il déteste ça : au sortir de l’eau, il s’ébroue pis que « Beethoven » sans toutefois boxer dans la même catégorie, entre un Saint Bernard et un West Highlands White Terrier, il n’y a pas photo ! Quoique sur le terrain des facéties et extravagances en tous genres, il soit largement compétitif. Si on ose traduire ce nom de race, on obtient quelque chose du style « terrier blanc des collines de l’Ouest ». L’homme de la rue n’y trouvera pas son comptant. Par contre si vous lui annoncez « Westi », il risque de résoudre l’énigme, une chance sur deux dirons nous, et si, en dernier ressort, après deux essais infructueux vous susurrez « César », vous aurez l’occasion de constater que la publicité a déclenché dans l’esprit des gens l’amalgame entre une race de chien et une variété de croquettes pour le dit animal.

 

      Lorsque Ulysse partit dans sa dix-septième année rejoindre le paradis des chiens, les époux Gracjacqs s’étaient juré de ne plus jamais accueillir la gent canine chez eux tant leur peine d’avoir perdu leur caniche croisé était trop forte. Une aussi longue existence riche en souvenirs pétillants génère une grande complicité entre l’animal et ses maîtres, rendant les derniers mois de sa vie très difficiles à supporter  pour ceux qui le chérissent et l’entourent.

 

        Très dur de promener un moribond d’une allure trotte-menu sous l’œil inquisiteur du voisinage ne comprenant pas toujours qu’on s’acharne à le garder sur cette terre alors que la science peut abréger ses souffrances, insoutenable de satisfaire à ce rite au ralenti alors que seulement un an ou deux auparavant la balade était pratiquement réalisée au pas de course. Nécessaire voire même indispensable de remettre à sa place ceux dont la délicatesse n’est pas une seconde nature :

        - Il est de plus en plus mal, vous ne devriez plus le promener, il ne doit plus en avoir pour longtemps…

-             Vous non plus, moi non plus, qui sait, ce n’est qu’une question de patience…

-              

        Il fallut pourtant se résoudre, la mort dans l’âme, le trente Décembre 2000, à faire euthanasier le fidèle compagnon, celui qui apporta tellement à la famille par sa gaîté, son entrain communicatif, sa bonne humeur, sa loyauté à toute épreuve : « Souvent déçu par les humains, jamais par mon chien ».

 

      En Janvier 2001, Grasjacqs participait à une exposition de peinture organisée au Pommereuil (59) par des étudiantes de BTS. Là, il entendit une brave dame dont la fille  appartenait à l’organisation vanter les métiers d’un chien qu’elle venait d’acheter à Bousies, un village voisin. Il ne put s’empêcher de tendre l’oreille par curiosité, par envie peut être de recommencer une expérience. Le premier pas venait d’être franchi, une nouvelle aventure allait voir le jour. Excellente en communication, c’est elle qui aurait dû subir cette épreuve de l’examen plutôt que sa progéniture, elle parvint facilement à convaincre nos deux « sans chien » :

-             Si vous voyiez comme il est mignon avec sa queue toute droite, ses oreilles pointues, sa tête en forme de chrysanthème ; on dirait une boule de poils. Vous pouvez demander à voir l’élevage de M.Cornet, allez-y de ma part, ça ne vous engage à rien.

-             Rien que pour le coup d’œil d’accord, mais on n’est pas prêt a remettre ça.

-              

« L’essayer, c’est l’adopter », prend toute sa valeur dans ce cas de figure particulier. Qu’ils étaient charmants ces petits monstres piaillant à vous fendre l’âme dans le petit chalet en bois construit de toutes pièces par l’éleveur ! La  propreté des lieux et le confort imparti aux chiots inspiraient une énorme confiance à Grasjacqs et son épouse ; les chiots s’approchaient sans crainte et déployaient des trésors de câlinerie, grattant les chaussures de monsieur, escaladant la jambe de madame, dodelinant de la tête comme dans la pub à la télé. C’en était trop, la cause était entendue ; cependant, il fallait la confirmation du maître de ces lieux :

-             J’espère qu’ils ne sont pas tous vendus car nous sommes vraiment décidés à vous en acheter un, M.Cornet.

-             Non, non, rassurez-vous, au contraire, ils sont tous à vendre. 

-              

         L’affaire se corsait. Ils étaient tous plus beaux les uns que les autres, se ressemblaient comme des jumeaux avec des différences que seul un spécialiste peut percevoir. Madame Cornet, dans le creux de son tablier, les transporta du chalet à la cuisine sur le carrelage de laquelle elle les déposa. Six Ferrari hésitaient à prendre le départ de la délicate course au choix ; légèrement à l’écart, une réplique miniature vrombissant d’une mâle autorité, grilla soudain la politesse aux grosses cylindrées et anticipa l’ordre du commissaire de course pour venir échouer dans un parfait tête-à-queue aux pieds des Grasjacqs. Deux ou trois tonneaux, fuite du réservoir sur les chaussures rutilantes de madame qui, contre toute attente apprécie :

-             C’est le plus petit de la portée mais il a du caractère, j’apprécie. Moi, je n’aime pas trop les « serpillières », qu’on commande au doigt et à l’œil. Un peu de fantaisie rend le quotidien plus gai. Au fait, c’est un mâle ?

-             Oui, oui, c’en est un ; j’ai failli ne pas le mettre en vente car je ne savais pas s’il allait survivre. A la naissance, il était si petit que les autres ne lui laissaient pas la place pour téter sa maman ; ça m’inquiétait, je l’aidais à se faire une place puis il s’est fait respecter malgré son petit gabarit et maintenant il fait son petit chef ! Mais attention, comme il a dû lutter, c’est un dominant et si vous ne vous imposez pas d’entrée de jeu, il va vous dévorer tout cru !

 

        On n’était plus très loin de la conclusion du marché. Soudain, séducteur patenté, bébé modèle réduit planta ses yeux noirs dans le regard attendri et légèrement humide  de madame : « Elle est à point Jeannot, j’emballe » pensait-il. Mieux que Guy Bedos et Aldo Maccione réunis pour débaucher la minette.

-             Si tu es d’accord, je craque… En plus, il va être vraiment petit comme ceux qu’on voit à la télé. Et moi, je ne résiste pas au coup de la tête, un coup à gauche, un coup à droite : c’est Géant !

-             Réfléchissez bien, les autres ont leur charme aussi. Ils auront un poil plus rêche et pourront être épilés alors que le vôtre, enfin pour l’instant, n’allons pas trop vite en affaires, aura un poil plus soyeux et ne supportera pas l’épilation alors il faudra certainement le faire tondre.

-             Tout çà, c’est du détail, on verra bien à l’usage ; marché conclu, on vous l’achète.

-             Il vous faudra attendre sept semaines environ pour venir le chercher, c’est un minimum.

 

        Attente interminable passée tant bien que mal à choisir le prénom de toutou, à acheter le trousseau complet dans une animalerie, à ergoter sur les endroits stratégiques pour placer le panier, le bac double compartiment imparti à la nourriture, à se demander que faire s’il pleure la nuit. Pour un peu, les Grasjacqs se seraient crus vingt à vingt-cinq ans en arrière quelques mois avant la naissance de leurs deux filles.

 

      Premier Avril 2001. Jour J. Ce n’est pas une farce. Grasjacqs a fait la toilette du carrosse, un 4x4 Suzuki, pour aller soustraire Saphir à son éleveur. Inutile de préciser que la nuit a été courte et très agitée pour les futurs parents. Arrivés tôt chez M.Cornet qui ne les attendait pas à une heure aussi matinale, papa et maman règlent les formalités administratives incontournables certes mais ô combien fastidieuses. Pouponner est bien plus agréable que de remplir de la paperasse et écouter poliment les règles d’éducation que monsieur « nounou Bousies » distille d’une voix lente et posée. D’autant que la bibliothèque locale, fort bien documentée, a depuis belle lurette, levé le voile sur le mystère qui entoure cette fascinante race de chien. Moment d’intense émotion lorsque la famille agrandie  quitte ce charmant village aux portes de l’Avesnois, Suzy en tête serrant son « tiot » dans un bonnet, un coup de froid est si vite arrivé en ce début de printemps, sous l’œil attendri de sa nourrice. M.Cornet, bien qu’habitué à ce que ses chiots quittent l’élevage pour des fortunes diverses ne demeure pas indifférent ; le timbre chevrotant de sa voix le trahit :

-             En tout cas, si vous avez besoin que je vous le garde pour une raison ou pour une autre, n’hésitez surtout pas : Saphir sera ici comme chez lui.

 

         Laborieuses les premières nuits : Moustachu ne maîtrisant pas son nouvel environnement, réclamait sa maman comme tout nouveau né. Heureuse surprise, cette situation délicate ne fut que l’affaire d’une petite semaine, vraiment pas de quoi carburer aux somnifères pour ses maîtres. De jour, les Grasjacqs n’eurent pas davantage à se plaindre de son comportement : il était capable de demeurer seul sans commettre de bêtises. En tout et pour tout, ses maîtres déplorèrent un petit bout de tapisserie arraché dans le hall d’entrée, pas de quoi fouetter un chat !

 

      Ses pitreries revêtaient une tout autre tournure : à commencer par les pantoufles de ses maîtres qu’il s’appliquait à cacher dans un coin et pas toujours le même. Obligation de poser la poubelle du bureau sur le fauteuil attenant sinon Saphir vide son contenu et s’amuse à le déchiqueter. La ruade de plaisir après s’être soulagé l’intestin est encore maintenant l’un de ses grands classiques et attention, çà déménage ! L’attaque en bonne et due forme du bas de pantalon ou des lacets de papa surtout lorsque des intrus viennent perturber la quiétude du cocon familial : « C’est de ta faute, fallait pas les laisser entrer à la maison, c’est ma maison, pas la leur », semble-t-il penser. Le Moustachu affectionne tout particulièrement les bulbes de fleurs qui lui servent de dépuratif au grand désespoir de sa maîtresse, comme on la comprend ! De temps à autre, lorsque les plus résistantes sont écloses, il lui arrive d’en cueillir un bouquet sans sécateur pour l’offrir aux gros oiseaux qui viennent, en quête de nourriture, se poser sur la pelouse. Bien évidement, ceux-ci se méprennent sur les intentions romantiques de notre dragueur impénitent aussi s’envolent-ils dans un boucan d’enfer. Qu’à cela ne tienne, Julio Iglesias s’installe à la porte-fenêtre de la cuisine, tulipes dans la truffe, pour déclarer sa flamme à Suzy, la nouvelle élue de son cœur. Quatre pattes dans l’aventure est un fervent téléspectateur. Museau posé sur le rebord du fauteuil, il suit les émissions avec assiduité : c’est cela une vie de chien, mais il entretient sa condition physique à raison de cinq kilomètres de marche tous les jours, quelque soit le temps.

 

      C’est pour toutes ses extravagances que les Grasjacqs sont profondément attachés à leur petit bonhomme et que pour rien au monde ils n’auraient voulu entendre parler de dressage au club cynophile. Saphir fait partie de la famille. Ils ne concevraient pas les vacances sans l’emmener avec eux. Son maître a voulu lui rendre hommage en écrivant cette nouvelle. Longue vie à Moustachu…                 

                      GRASJACQS

                                  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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LE CLOU DE LA SOIREE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Ode à la femme    J’entrais récemment dans un restaurant où j’ai mes habitudes lorsque, sur le perron, je tombai nez à nez avec un ancien collègue de l’école Normale. Il s’appelait Follet et avait bien mérité son nom !

    Accoutré d’une casaque à gros clous, le nouveau venu détonnait sur l’élégante toilette des autres clients. A sa vue, le maître d’hôtel haussait déjà le sourcil gauche, prélude habituel au refoulement de tout indésirable. Je lui adressai un geste apaisant et me hâtai d’inviter Follet à la table qui m’était réservée, après l’avoir prestement délesté de sa cuirasse dans la pénombre du vestiaire.

 

    Tandis que mon camarade décortiquait son feuilleté au saumon avec un appétit féroce, je m’employai de mon mieux à meubler un silence pesant, en évoquant mon cheminement personnel ; lui ne m’écoutait guère, en extase devant les fers à cheval et leurs clous décorant les murs de cette ancienne maréchalerie : ma biographie d’instituteur rural n’a rien de passionnant, je le concède !

 

    Brusquement, Follet plongea tête première sous la nappe ; tout en calmant à grand-peine la tempête suscitée dans nos verres, je retins juste à temps nos cailles aux raisins en partance pour un dernier vol plané. Mon voisin réapparut, l’œil brillant, la moustache frissonnante comme un gazon de printemps, exhibant dans sa paume une pointe tapissière échappée de mon siège. Une pièce de monnaie antique ne l’aurait pas davantage enthousiasmé !

 

« C’est mon premier clou de la journée, balbutia-t-il, et je n’en ai pas encore de ce modèle ! » 

    Dans un flot intarissable, Follet me raconta par le menu l’histoire de sa passion. Tantôt incrédule, interloqué ou railleur, je me contentais de hocher le chef mais j’avais parfois du mal à réprimer un fou rire !

 

    Cet amour des clous lui était venu à la fin de son service militaire où le médecin major lui avait signalé un manque de fer : c’est vrai que, dans sa jeunesse, Follet avait toujours été d’une complexion anémique. Il avait donc pris pour habitude de suçoter son clou chaque matin, sans exagération me précisa-t-il, car il ne faut pas abuser des mets trop piquants.

 

    Insensiblement avait grandi son intérêt pour les clous, une marotte inoffensive mais envahissante et qui était devenue au fil des années son unique raison d’exister.

 

    Après son mariage, il avait tenté de faire partager cet amour à sa femme, mais lorsqu’il lui avait proposé de le rejoindre sur sa planche de fakir, elle avait aussitôt demandé le divorce : Allez savoir pourquoi ! Puis, comme l’anatomie du délaissé s’accommodait mal de telles mortifications solitaires, Follet s’était résigné à retourner à la planche. C’était déjà plus confortable !

 

    A cette époque on lui avait conseillé de consulter un psychiatre ; Or, le spécialiste ayant contracté le même virus avait profité des séances d’hypnose pour subtiliser les pièces les plus rares de son client ! Il n’y avait d’ailleurs aucune raison de poursuivre le traitement : Follet se sentait parfaitement bien dans sa peau, excepté lorsqu’il restait quelques jours sans trouver de pitance métallique ; il devenait alors irritable, mais c’était rare.

    Un récent pèlerinage au bon Saint Cloud n’avait pas eu plus d’effet pour calmer cette fringale.

 

    Tout en caressant sa trouvaille, Follet poursuivait, imperturbable :

 « J’aime les clous, et ils me le rendent bien. Crois-moi, c’est une volupté sans égale de cueillir leur jolie pointe. Au début, je ramassais tout, sans parti pris, les rivets, les vis, les boulons, mais ces derniers étaient trop balourds, et les vis, plutôt vicieuses. Un clou, au contraire, c’est tout simple, tout franc, tout droit, sans entourloupettes. Je me consacre désormais à la sauvegarde de cette espèce, c’est mon passe-temps favori, un plaisir gratuit, et crois-moi ce sont ces joies-là qui sont les plus profondes !

 

    J’apprécie particulièrement les vieux, ceux dont personne ne veut, les étêtés, les rouillés, les épointés et même les tordus. Ce sont les plus belles pièces de ma collection. Dans le secret de ma chambre, je les astique, je les dénombre et les recompte sans relâche ; le cœur battant, je les classe par forme, par taille et par degré de vétusté ; je les répertorie sur un registre suivant ces différents critères, en tenant compte bien entendu de la date et du lieu de récolte : des calculs dont tu n’as pas idée ! Il faudra venir admirer mon arsenal !

 

    Tu penses si les critiques les plus malveillantes ne m’ont pas été épargnées ; quant aux sarcasmes dont on m’abreuve, je préfère les ignorer !

    En revanche, j’éprouve de grandes joies ; en venant ici, par exemple, j’ai eu le bonheur de traverser un passage clouté, un vrai, car ils se font malheureusement de plus en plus rares ! Quelle symphonie, quel régal, cette rencontre de mes chaussures ferrées avec leurs clous à bonne grosse tête !

J’ai même fait la navette d’un trottoir à l’autre une dizaine de fois pour écouter ce duo, au grand désespoir du planton de service impuissant à verbaliser puisqu’il n’y avait pas infraction… »

 

    De plus en plus, mon camarade m’inspirait la pitié. Plusieurs fois, j’avais été tenté de m’exclamer : « Sacré Follet, tu ne changeras jamais ! » Mais cette fois, c’était grave ; à présent j’étais triste : voilà un homme encore jeune, condamné d’ici peu à végéter dans un asile d’aliénés, et je ne pouvais rien pour lui ! Je décidai donc de lui offrir son repas et réglai l’addition, à moitié par compassion, à moitié pour éviter un esclandre au cas où il aurait eu l’intention de payer son écot avec les pointes dont se gonflait son gousset !

 

    Restait à me débarrasser de cet hurluberlu qui me pressait d’aller, sur-le-champ, visiter son musée…

 

    La providence me vint en aide sous les traits d’une nouvelle cliente, yeux pervenche, ainsi que je les aime, fossettes exquises, comme j’en raffole. Dès que la jeune fille s’installa à la table voisine, Follet vit la chose en même temps que moi : Sur le nez de la mignonne fleurissait une petite corne blanche, un furoncle prêt à percer, pour ne pas le nommer.

 

    Je m’éclipsai discrètement, laissant mon feu follet s’embraser pour ce clou mal placé.

Denise DUONG

Béthune      

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LE PUITS

 

Alphonsine Legroux était veuve. Elle l’était depuis de nombreuses années, à tel point que l’on n’imaginait pas qu’elle eût pu jamais avoir été mariée. Il y a ainsi des gens côtoyés dans le quotidien dont on a tout oublié du passé tant leur situation présente est  évidente et banale aux yeux de tous. Alphonsine, avant de percevoir la pension de réversion de feu son mari qui, si j’ai bonne mémoire s’appelait Georges, avait vécu hélas ! Et grâce aux allocations que l’administration lui allouait pour ses enfants. Son aîné au moment du décès s’apprêtait à fêter ses vingt cinq ans.

 

Jean-Michel, c’était son prénom, ne travaillait guère que quand l’occasion se présentait et quand sa mère, excédée de le voir constamment traîner dans la maison, se mettait en colère en le menaçant de le jeter dehors s’il continuait à rester ainsi oisif.

 

Oisif aurait été encore un moindre mal car, et comme cela se passe bien souvent dans ces navrantes situations, il invitait à la maison les meilleurs copains, choisis, triés sur le volet qui ne pensaient qu’à s’amuser et faire les quatre cents coups. La cour de la pauvre demeure devenait le lieu de prédilection de mobylettes en réparation, de vélos en mal de voyages et de bien d’autres ustensiles encore dont l’origine, la plus souvent douteuse, allait de pair avec la destination à laquelle ils étaient promis.

 

Le fait qu’il n’y ait plus d’homme, entendez de père à la maison, y perturbait particulièrement l’ordre et la régularité. Jean-Michel rentrait selon les jours tard le soir ou tôt le matin. Plus d’une fois on l’avait retrouvé dans le fossé qui borde la route communale menant au village. Sa mère le savait qui le laissait pourtant se reverser un verre de vin après le dîner, quand elle s’apprêtait à débarrasser la table. Elle le savait, elle le voyait, mais il n’avait plus quatorze ans comme son frère Rémi, « el’tiot » comme on disait, pour l’en empêcher. Et puis tout cela était si dur, si compliqué dans sa tête et dans son corps : Jean-Michel, « el’tiot », les deux jumelles, ses deux petites filles que naguère encore elle serrait contre elle en chantant : « Où est-ce qu’elle est ma Bertille, où est-ce qu’elle est ma Julie ? » juste pour les aimer, juste pour les entendre rire encore une fois.

 

Et dire que dans six mois Julie serait à son tour maman ! Bien sûr, à force d’aller voir les garçons au village… Tout cela était si dur ! C’est qu’elle avait pleuré, et les jours suivants, quand sa petite lui avait annoncé la nouvelle. Et forcément l’idée de l’avortement avait traversé les esprits et les cœurs, comme si supprimer l’effet eût pu avoir quelque influence sur la cause ! Mais non, dans la famille on ne jouait pas à ces choses-là et la vie est plus forte que la mort. Pourtant, en cachette de ses enfants et surtout de Jean-Michel, parfois, elle se versait un verre de vin.

 

La maison de la famille Legroux se tenait petite, à l’écart du village et la fenêtre de la cuisine donnait sur la cour que couvrait en partie de son ombre égale un noyer plus que centenaire. C’est là que l’été, autour d’une longue table en bois, la famille se tenait pour prendre les repas, notamment ceux du midi et du soir, ces longs soirs où les ombres lentes entraînent dans leur mouvance ce qu’il reste de la journée. Au fond de la cour, sur le côté gauche, il y avait le puits.

 

Il était ancien, fait en pierres taillées qui étaient devenues noires avec le temps. On utilisait l’eau qu’on en tirait pour les divers travaux domestiques, une eau dont le niveau comme pour tous les puits, variait inévitablement selon la sécheresse ou la pluviosité des saisons. L’été, le puits était précieux. Lorsque la chaleur devenait intense et que le soleil n’admettait qu’à contre cœur que les hommes et les bêtes, en le fuyant, s’opposent à son orgueilleuse torpeur, il devenait un allié propice à la fraîcheur recherchée. Jean-Michel avait pris l’habitude d’accrocher une bouteille de vin, le plus souvent du rosé, et de la descendre mécaniquement au fond, dans l’eau glacée. Ainsi le breuvage n’en étanchait que mieux la soif. L’aîné des Legroux avait l’art de passer la corde autour du goulot, de serrer et de laisser filer le tout dont l’arrivée à destination était ponctuée d’un « plouc » discret. Il faisait rarement redescendre moins d’un tiers de bouteille, préférant s’octroyer le reliquat et relancer dans le noir un plein contenant, toute manipulation jugée inutile étant ainsi évitée…

Alors, quand il faisait plus chaud encore et que le rosé était encore plus frais, tel un arquebusier chargeant le fût de son arme et comme pour marquer le départ d’un nouvel assaut, un bras levé vers le ciel il s’écriait : « Pour le rosé ! Anjou ! Feu ! ».

 

Cet après-midi-là, le dernier mercredi du mois de juillet, Jean-Michel n’avait pas lancé à travers l’espace son traditionnel hallali. Sans doute parce que, cet après-midi-là, il faisait encore plus chaud que d’habitude et que le rosé, plus glacé que jamais, n’avait fait qu’augmenter la température déjà lourde et moite. La bouteille à sa place habituelle était pleine, accrochée à la corde, prête à être abandonnée à la profondeur du puits. Quand, tout à coup, dans un mouvement imperceptible elle se détacha, laissant le nœud de la corde stupidement inutile. Jean-Michel hébété se mit à chercher du regard la bouteille flottant à présent à la surface de l’eau.

 

Il faisait chaud, trop chaud. Le feu aux tempes, il s’accorda à cette idée qui venait de lui traverser la tête : descendre chercher la bouteille ! Sans plus attendre, il saisit la corde et se la passa autour de la taille. D’un coup sec il serra le nœud qu’il venait de terminer et, comme poussé par quelque chose de plus fort que lui, monta comme il put sur la margelle du puits. Il n’y avait personne cet après-midi-là à la maison, sinon… Mais qu’importe ? Il fallait coûte que coûte aller chercher cette bouteille à cause de la chaleur, malgré la chaleur qui rendait difformes toutes choses. Il agrippa à deux mains la corde salvatrice et d’un saut se laissa tomber dans le trou. Un « plouf » énorme s’ensuivit.

 

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Le mardi suivant c’est-à-dire six jours plus tard, la famille ainsi que quelques habitants du village venus pour témoigner de leur sympathie sinon de leur curiosité, accompagnaient le corbillard au cimetière communal.

 

Il faisait encore très chaud ce jour-là.

Jean-François SAUTIERE

 

 

 

 

P25

 

BLAQUES DINS L’ COIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

 

CONSTATATION

 

Quind qu’ pépère i laichot es braïette intr’ouverte

In rigolant mémèr’, dijot : « I-a pont d’ dinger,

L’ porte à l’ mason d’ein mort peut rester grinde ouverte,

In ne l’ verra jamais sortir et pis s' sauver ! »

 

CH’ MINTEUX

 

« I-a connu sin grind’pèr’ jonn’ homme »

Ch’est chu qui dit ein d’ mes copains

In parlant d’ sin mononqu’ Guillaume

Qui mint pir’ qu’ein arracheux d’ dints…

 

L’ TALLE MANN’QUIN

 

Ein’ feumm’ toudis malat’, suivant régime et diète,

Dijot qu’ les gins pot’lés n’ dot’t pont minger d’ rata !

S’ vojine, ein’ gross’ matronne, alors li rintiqua

« Miux vaut êt’ bin dins s’ graiss’ putôt qu’ d’êt’ mal dins s’ tiête »

 

 

                                                                                  Daniel CARLIER

                                                                                  De Lambres-lez-Douai

 

 

 

 

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RAMINTUV’RIES

 

L’ TERRI D’ MES DIX ANS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Min terri, i n’arsonnot pas à eun’ montanne,

Plachée au mitant d’él’ plaine, comme eun’ citadelle.

Ch’étot eun’ long’ colline pleine ed’ creux et d’ dos d’âne,

Aveuc un tapis d’herbe et des bouquets d’archelles.

 

Quand que j’ l’ai découvert, j’ venos d’avoir dix ans.

Comme tous ches gosses, j’ cachos un aut’ terrain d’ jeux :

In n’ pouvot pos toudis s’ berdéler dins ches camps,

Et faire el diab’ dins l’ cité, cha v’not dingereux !

 

V’là pourquo, qu’aveuc des comarates, eun’ bell’ fos,

In a sauté d’eun’ feull’té pa d’ zeur ech grillach’,

Quate à quate, in a grimpé chell’ pint’ jusqu’in haut

Et, qu’ d’un seul cop in a vu tout tiot, nou villach’ !

 

Mais d’ l’aut’ côté, ch’étot bin pus intéressant :

Ch’ terri-là i longeot ches lines ed’ quemin d’ fer,

Dù qu’ ches trains d’ voyageurs arrivotent in sifflant,

Pour passer in d’ zous nous, aveuc un bruit d’infer.

 

Combin d’ fos qu’in l’ z’a attaqués ches trains express’,

Muchés dins ches taillis tout in haut d’ nous terri,

Ou bin, in dégringolant l’ pinte à tout’ vitess’

L’ fusil in bos dins s’ main, in poussant des grands cris !

 

Mais fallot fair’ vite pour armonter nous mucher

Quand, soudain à tout’s pédales ech’ garde arrivot.

In savot qu’eun’ balle ed sel cha n’ pouvot pas tuer,

Mais qu’ cha brûlot quand in l’ prenot dins l’ bas du dos !

 

Quand qu’in n’ juot pas à « l’ charge d’él brigade légère »,

In grattot l’herbe et ches caillots qui étot’nt pa d’ zous

Pour dénicher des empreintes ed’ feulles ed’ fougères

Qui avot’nt poussé des milliers d’années avint nous.

 

Ch’est quand mêm’ formidab’, l’histoire ed’ chés plant’s-là :

Alles ont grandi su l’ terr’ bin pus haut equ’ nous chênes

Avant d’êtr’ noyées, infouies au fond d’un magma

Et pis d’êtr’ armontées, figées, pa d’ zeur chés plaines !

 

V’là pourquo, jé n’ peux l’oublier min viux terri :

I fait partie d’ mes jonnes années d’ gosse ed’ coron.

Su sin dos, j’ai caracolé comme un cabri,

Bin avant d’aller, mi aussi, ramper au fond !

                                              

Jacques HUET

La Flamengrie (02)