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SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N° 19

 

11 12 13 14 15 16 17 18 19 20

Juillet-Août-Septembre   2006

 

Illustration BD page 2

Patrick MERIC

 Edito « qu’est-ce qu’un poète ? »    page 3

Jeu de rimes   page 4

Denise LEPRETRE

Paule LEFEBVRE

JEUNES

 

 Le saut de l’ange  page 5

Stéphanie BONNEVILLE

Assortiment…  page 5

Collège RENAUD BARRAULT

 Le petit sapin  page 6

Thomas WANESSE

Pour toi   page 6

Sébastien ALLOU

Comme dans un rêve !  page 7-8-9

LUCIOLLE

HUMOUR et PATOIS

 

Quand on est jeune et beau page 10-11

Paul LAMBRET

L’orache  page 12

Jean-Charles JACQUEMIN

Le quart d’heure de bon temps page 13

Auteur Inconnu

La dragueuse du pays vert  page 14-15

GRASJACQS

Les marins ça fait des voyages page 16-17

Auteur Inconnu

ADULTES

 

Usure de la vie page 18

Claude SANTER

Açvine page 18

SAINT-HESBAYE

Mes parents  page 19

Nicole DUPLOUY

La falaise et Ciel rose page 20

Marie-Antoinette LABBE

Honte à mon âme page 21

Floriane KUROWIAK

Encore un jour passé sans toi page 21

Anthony CANONNE

Possession page 22

Christelle LESOURD

Prière page 22

Claude BOISSE

Où êtes-vous ? page 23

HERTIA MAY

Dansent les mots page 23

Thérèse LEROY

Complainte page 24

Geneviève BAILLY

Lessive page 25

Jean-François SAUTIERE

NOUVELLES

 

La tartine de marmelade page 26-27

Gisèle HOURIEZ

Dérangements page 28-29-30

Danielle MIELLET

 Infos et abonnement    

 

AVIS DE CONCOURS

Editions littéraires

*  Retrouvez l’auteur dans la revue littéraire.

 

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Le comité de lecture et la rédaction 

souhaitent de bonnes vacances à tous les lecteurs ! 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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QU’EST-CE QU’UN POETE !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Qu’est-ce qu’un poète ?Un poète, ce n’est pas seulement quelqu’un qui ajuste les mots et les rimes… aussi doué soit-il !...

 

Ce n’est pas seulement quelqu’un qui écrit avec son cœur ou ses tripes… quoiqu’il en faille pour échauffer le poème…

 

Ce n’est pas seulement affaire d’imagination fertile et colorée…

 

Le poète, c’est celui ou celle à qui les étoiles et les cailloux ont parlé… à qui la mirabelle oubliée dans le pré a fait reproche… C’est celui qui entend des bruits de sources dans les déserts, qui voit des feux de joie là où s’éteint la vie… C’est l’humble servant de l’immense rumeur du monde et des hommes, et le découvreur de diamants oubliés dans la poussière…

 

« La Caudriole » nous a donné la joie d’en entendre quelques-uns… apprentis ou confirmés. Pardon de ne pas les nommer ici ! Nous parlons aujourd’hui d’un auteur fécond mais discret… Pudeur ou timidité ? Apprécions l’eau de quelques-unes de ses petites perles :

 

«   Pour colorer les pierres d’écailles

     je suis seul dans mes ronces,

     ce soir. 

«   Ici le ciel parle et me dépeint la rue…

 

«   Des robes de lumière serpentent

     dans les écharpes des nuages…

 

«   Demoiselle, ô demoiselle !

     Vous êtes l’oiseau des insectes

     et l’insecte des ruisseaux !

 

«   Soleil !

     Tu t’émiettes sur le prisme des vitraux

     enchâssés dans le plomb des ramures.

 

«   Quand l’automne s’en revient

     la forêt change d’arbres…

 

«   Et puis ces lentilles d’eau,

     cette sorte de pellicule

     vers les derniers méandres du moulin

     qui sont comme si l’onde avait sué ses confidences…

 

C’est d’un homme de chez nous, qui a publié, outre ses recueils de poésie (Eaux d’Iles d’Ors), un gros dictionnaire sur le symbolisme de la faune et de la flore. C’est Dominique SOLAU, en poésie « Saint-Hesbaye ». Il est tout simplement… de Bertry !

 

Merci pour les songes qu’il nous a donnés de tisser avec lui !

 

                                      Denise LEPÊTRE

 

 

 

 

P2

 

JEU DE RIMES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Notre jeu de rimes n’a pas connu le succès escompté, toutefois, la qualité est au rendez-vous ! Voici quelques quatrains retenus :

 

 

 

 

 

 

 

Zone de Texte: Oh ! Rage du poète, ineffable luthierQuand se refuse à lui cette muse vilaine A l’heure où l’aube nue ensoleille la plaineLaissant sa plume triste et vierge le cahier !Geneviève Bailly

Zone de Texte: Note dissipée, tu t’échappes du cahierPetite coquine, tu fais la vilaineEn t’envolant seule au-dessus de la plaineNote cabossée, te voilà chez le luthierMarie-Antoinette Labbe

Zone de Texte: J’ai posé tant de haine, sur le blanc d’un cahierTant de peine, chère Hélène. Par delà champs et plaine, guidé par ta chanson, je volerai vilainetes sabots creusés par le rabot d’un luthier.Hertia-May

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Zone de Texte: Sur les pages jaunies d’un vieux cahierGriffonnées par une main si vilaine,Les notes noires devinrent, grâce au luthier, Douce mélodie envoûtant la plaineJacques Machu

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On continue ?       Voici 4 autres rimes que je vous propose pour le prochain numéro :

 

 PEUPLIER – COLLIER – IMAGE – CORSAGE

 

Paule LEFEBVRE

 

 

 

 

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Le saut de l’ange

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Là-haut dans le ciel,

Il a découvert qu’il avait des ailes.

Il voyait les autres s’envoler et atterrir,

Il a voulu essayer.

 

Du haut de son nuage,

Il a aperçu ce visage,

Il a sauté,

Mais ses ailes ne se sont pas déployées.

 

Peut-être trop jeune et pas assez fort,

Le destin avait décidé de son sort.

Les quelques anges qui l’ont rattrapé

Ont réussi à le sauver.

 

Avait-il fait une bêtise ?

Est-ce qu’il se serait envolé ?

Depuis, il a une devise,

C’est de savoir patienter.

 

Je ne suis pas un ange et je n’ai pas d’ailes,

Mais j’avais un rêve,

C’était de pouvoir l’aimer,

Et comme mon ange je suis tombée.

 

                                      Stéphanie Bonneville

 

 

 

 

P4

 

ASSORTIMENT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Si j’étais un perroquet,

Je répèterais tout ce que l’on dit.

Je sifflerais, je chanterais

La « Star Academy ».

Ah ! Si j’étais un perroquet…

 

                   Vincent

 

Le marin chasse le dauphin

Le dauphin chasse le poisson

Le poisson craint l’hameçon

Et l’hameçon coule sans fin.

 

                   Vallessa

 

 

Si les tables pouvaient courir

Si les stylos pouvaient sauter

Les enfants ne pourraient plus écrire

Ils écouteraient la télé

Et seraient satisfaits.

 

                   Kevin

 

Je ne veux pas faire la guerre

Il y a toujours des morts.

Toujours des morts

Toujours du sang

Des pleurs

Des séparations douloureuses.

Restez chez vous

Restez vivants.

 

                   Mehdy

 

Collège RENAUD-BARRAULT

 


 

 

 

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Mon petit sapin

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Je dois te mettre dehors parce que tu prends trop de place, place, place…d’abord tu ne dois pas dormir dans mon lit bien douillet !

Tes ampoules me piqueront les pieds et tes guirlandes me chatouilleront le nez.

Et quand tu agiteras tes guirlandes, elles me feront mal à la tête.

Il vaut mieux que je te plante dans mon jardin où il y a des haricots magiques, des radis ensorcelés, des choux-fleurs à l’épinard et des groseilles toutes salées !

Thomas Wanesse – 9 ans

 

 

 

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Pour toi

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Nos chemins se sont croisés

Puis ils ont fusionné

Donnant naissance à « l’Amour »

Le nôtre qui durera toujours

 

À ce moment-là, mon cœur fut tien

En espérant que le tien soit mien

En te disant le mot «Aimer »

Restons ensemble pour l’éternité

 

Même si mon monde est loin

Notre amour est dans nos cœurs

Surmontons facilement ce point

Pour vivre un total bonheur

 

De temps en temps, les chutes seront là

Mais notre amour se forgera grâce à cela

À deux notre bonheur est infini

Alors, soyons ensemble pour la vie

 

Fille tu es, Femme tu seras

De ton accord, tu deviendras

Mienne, si tu le désires

Positif sera notre avenir

Sébastien Allou - Orchies

 

 

 

 

 

 

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QUAND ON EST JEUNE ET BEAU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Quand on est jeune et beau, que l’on vit comme un prince,

Quand on a tous ses ch’veux, de bons yeux, tout’s ses dents,

Quand on est jeune et beau, qu’on a le ventre mince

On s’ moque un peu des vieux… que c’en est insolent !

 

Quand on est jeune et beau on n’ voit pas l’ temps qui passe,

On se croit éternel, on est… invulnérable !

Quand on est jeune et beau y a rien qui nous tracasse,

On s’ fout du temporel comm’ de l’inéluctable.

 

Quand on est jeune et beau on s’ fout pas mal des gens,

On se fout de la vie, pour tout dire… on s’ fout d’ tout !

Quand on est jeune et beau… ne pas avoir d’argent

N’empêch’ pas l’euphorie et n’empêch’ pas surtout

 

De brûler la chandelle des deux bouts à la fois

Et de fair’ les folies que l’on fait à cet âge,

Se moquant des séquell’s qui surviennent parfois

… Lorsque la calvitie accomplit ses ravages…

Quand on est jeune et beau… on croit qu’on connaît tout,

Alors qu’on ne sait rien ! (Parfait analphabète !!!)

On fonç’ comme un taureau, bien souvent… sans atout,

Se foutant des anciens… Mon Dieu… c’ qu’on peut êtr’ bête !

 

Quand on est jeune et beau… les conseils… connait pas !

Les vieux c’est tous des cons… qui sans arrêt radotent,

On a beau êtr’ puceau on fil’ sur le verglas,

On s’ conduit en bouffon, sans esprit, sans jugeote !

 

Quand on est jeune et beau et qu’on a la santé

 (Ce bien est si précieux qu’il n’en n’a pas de prix !)

Quel merveilleux cadeau que Dieu nous a donné !!!

On le sait, nous, les vieux… un’ fois qu’elle est partie…

 

Car ça commenç’ très tôt ! C’est vers la quarantaine

Que les bras, c’est connu, deviennent vraiment trop courts

Pour discerner les mots sans choper la migraine

On doit s’avouer vaincu, et ce, jour après jour…

 

Puis… quand on d’vient… moins beau… ce sont les rhumatismes…

C’est l’arthros’ qui s’installe, avec ses vieill’s douleurs,

On subit ce fléau… comme un automatisme

Et on se le trimball’ comme un oiseau d’ malheur !

 

Quand on devient moins beau… on a les ch’veux qui tombent,

Chez la femm’ c’est les seins, puis on prend quelques rides

Car on subit l’assaut (qui fait l’effet d’un’ bombe)

Des ans au quotidien, qui s’insinuent… perfides.

 

Quand on devient moins beau on marche un peu plus mal,

Les escaliers sont durs à monter… ou descendre,

La vie se fait fardeau, mais on reste « royal »

Car on pense au futur… on veut toujours surprendre…

 

Quand on devient moins beau… on cherche à l’être PLUS…

On veut toujours « renaître », sembler plus jeun’ qu’on n’est,

Et l’on dans’ le « disco », s’accrochant mordicus

Au besoin de « paraître »… puis… on prend ses cachets…

 

Car y a le palpitant… qui, parfois, fait des siennes…

On s’essouffle plus vite… quand il bat la chamade…

On se montre prudent… on cherche l’oxygène

Pour pouvoir mieux ensuite… poursuivre l’escalade !

 

Quand on devient moins beau… le matin en s’ rasant…

Il y a la « peau d’ canard » qui s’ ballad’ sous l’ menton,

Sur laquell’ le blaireau (tout en la savonnant)

Doit se dire « Quel ringard ! C’est vraiment un vieux con !!! »

 

Pour la femme… c’est pareil !... Avant qu’ell’ ne s’habille

Son miroir lui renvoie une bien piètre image…

Dans l’ plus simple appareil, pendant qu’ell’ se maquille

Ell’ se dit « Quoi ! C’est moi ?... Comme on change avec l’âge ! »

 

Quand on devient moins beau… on devient dur d’oreille

Il faut fair’ répéter « Comment ?... Qu’est-ç’ que t’as dit ? »

Pour compléter l’ tableau et finir la bouteille…

Ça commence à coincer… quand on va fair’ pipi !

 

Quand on devient moins beau… et ben… faut faire avec

Car WELLS et sa machine… c’est d’ la littérature,

Tout çà c’est du pipeau et mêm’ le plan ORSEC

Face à un’ telle ruine… se mordrait la tonsure !

Mais ce qui reste beau… c’est l’immense tendresse

Qui remplace l’amour des amants recherchant

À mener leur bateau à l’heur’ de la vieillesse

Sans contours ni détours tout en se respectant.

 

Alors pourquoi chercher vouloir se rajeunir

Mêm’ si nous n’ somm’s maint’nant plus que de vieux tableaux

Contentons-nous d’ râcler le tiroir aux souv’nirs

Et de se rapp’ler  

QUAND… ON ETAIT JEUNE ET BEAU !

                                                Paul Lambret

 


 

 

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L’ORACHE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Chéteu din ches queuds jours équ’ laissant quéïr leurs fanes

Ches blés i’ meurissotent ammi ches camps tout gane ;

Pour pensint sur min cas, éje pousseu min royon ;

Mais vlà qu’in grous éclair carrié par l’ vent d’amont ;

Buque in queup qu’i ransonne jusqu’au fond d’ ches vallées

Et fait guimbader ches bêtes s’éparvaudées.

 

Ches app’s i s’en émeut’ ; tout ches bouts y nin frémit’t.

Longtins, din ches collinn’s’ el tonner’ qu’i breuït.

Tout s’ quatit, pi, pu rien. Tout a bouché s’ n’haleine ;

Chimetière et calveur n’ sont point pu muets qu’el’ plaine ;

In dirot qu’ tout attind, trinsi, grelottant d’ peur,

El débaque effroyap’ qu’i vo fair’ no’t malheur.

 

Portant, les laboureurs, i’ s’ont beyé par drière ;

Ech nouach’ monte, i s’ rétend, i s’ gonfe ; el vent d’arrière

I s’ flanque éd’dins, i l’ahoque, dind des noirs tourbillons

I l’ bahute ed bistrac comme inn peugni’ d’ flocons.

El jour s’éteut fait vièp’ ; bondé d’grêles, ed tempêtes,

Ech tonner’ s’aplouquot, s’aponnot d’sur nos têtes.

 

In détèle au pu vit’ et au mitan d’ sin royon

In démar’ sins guigner pour rattraper s’ mason.

Ches qu’vos, comm’ des maouss, l’ long d’ech quémin s’émouquinte’,

I tintent ches cailleux, comme ed s’épaf’s qui bazinn’te’.

Tout d’in coeup, in éclair comme enn’ feuchile ed fu

Cop’ ches nuées d’ bistencoin et vient frôler mes yux.

 

Ech tonner’ buque et claque et s’ trondel din ches nouaches ;

El pleuf à grous battants quet, cliquet’ min visage.

Ed d’veunos noirte ed poure, ed graviers ramassés

Muche ech qui reste ed’ jour, s’agoute ed sur ches blés,

S’y grinche et les tortinn’, pir, comm’ aveuc des t’nailles,

Les déracine et dins l’air fait vir’volter ches pailles.

 

Ah ! Su ch’ qui n’en restot, des grel’s comm’ des moélons

S’ dégrinch’te en cliquotint et s’ décarqu’te à foison.

J’au vu el Pierre, oui, j’ai eu toutes les pein’s à d’emmnés

Ploutrées comm’ inn grand’route ou bin écoulinées.

Ches ieux mordaint ches riots, et, d’en bas d’ tous ches camps,

Din ch’ fonsé qu’i r’gorgeot, sautin in gargoulliant.

Pourtint, j’rent par ch’ courtil, noyé jusqu’à m’ casaque ;

Vlà qu’in eut coeup d’éclair tout près d’ mi s’ déclaque ;

J’ véyos tout ébeuhi, in plon d’ fu d’in bleu roux

Qu’in clique et claque, écliff’ min gueuguier d’bout in bout.

J’ m’in souviendros toudis de s’ t’orache infernal ;

Heureu’s’min à nous ter tous i nous a pos fait d’ mal.

 

                                                Jean-Charles Jacquemin

                                                Alias Jean-Charles de Beaumont

 

 

 

 

 

 

 

 

P9

 

Le quart d’heure de bon temps

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

En bouquinant, j’ai trouvé un jour un texte curieux dans l’amusant Almanach pittoresque (1861) que des colporteurs vendaient jadis.

Il est intitulé : « Le quart d’heure de bon temps » :

 

L’homme, dont la vie entière

Est de quatre-vingt-quinze ans,

Dort le tiers de sa carrière,

C’est juste trente-deux ans………        …32

Ajoutons, pour maladie,

Procès, voyages, accidents,

Au moins un quart de la vie,

C’est encore deux fois douze ans          …24

Par jour, deux heures d’études

Ou de travaux font huit ans………………. 8

Noirs chagrins, inquiétudes,

Pour le double font seize…………………. 16

Pour affaire qu’on projette,

Demi-heure, encore deux ans…………….   2

Cinq quarts d’heure de toilette,

Barbe, et cætera, cinq ans………………..     5

Par jour, pour manger et boire,

Deux heures font bien huit ans………      8

Cela porte le mémoire

Jusqu’à quatre-vingt-quinze ans………….  95

 

 

Hélas ! Comment trouver sur terre

Un quart d’heure de bon temps ?...

                  Les Granges

                                                                      59540 Béthencourt

 

 

 

 

 

P10

 

LA DRAGUEUSE DU PAYS VERT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Tombé en panne

De véhicule

A Origny-en-Thiérache,

Le royaume des vaches,

Tonton Décibel,

Disk Jockey

De son état,

Transportait à bout de bras,

Et ce un jour d’implacable canicule,

La musique de la jeunesse d’Hirson

Où il était attendu

Pour un karaoké :

Charmante soirée lorsque les acteurs chantent à l’unisson…

Piètre marcheur devant l’éternel,

Les dix kilomètres à pied

Qui le séparaient de la délivrance

Lui causaient mille souffrances

D’autant que le ciel menaçait

À tout moment d’ouvrir les vannes…

Une cornue vautrée à l’ombre d’un majestueux pommier

À un repos bien mérité l’invitait :

« Mon ami le pèlerin, il sied

De t’allonger en ma compagnie

Et de te délester de ton lourd baluchon :

Tu me parais par trop tendu,

Enfiler des bornes à n’en plus finir sous ce cagnard ingrat

N’est vraiment pas une vie…

Ce que j’en dis, c’est pour ton bien,

Il ne t’en coûtera rien,

Pas même le moindre denier !

Touché par tant de sollicitude,

Le disciple de Compostelle

Qui n’avait pourtant pas pour habitude

De pousser la ronflette

Au verger,

Délaissa un moment les sévères grimpettes

Et alla s’allonger

Contre le flanc hospitalier.

Mal lui en prit

Le fallacieux animal était très mal appris :

À peine notre dormeur tombait-il dans les bras de Morphée

Que le fieffé bovin aux sabots de fée

Extirpa du sac à malice,

Sans autre forme de procès,

Le disque de l’année :

« Le tango corse »…

Comme chacun le sait

C’est un tango conditionné…

Promettaient les premières mesures.

Le quadrupède amateur de guinguette

Entreprit, à grands coups de baveuse,

De lécher la peau lisse

De l’innocent dormeur

Qui jouissait à souhait d’un sommeil réparateur.

Réveillé en sursaut par l’impénitente dragueuse,

Le pauvre saisit en un éclair toute la démesure

De la scabreuse proposition :

Accorder la danse à la belle

Eût entaché à jamais sa flatteuse réputation !

Qui eût vu à ces vêpres enlacés l’homme et la vache

Eût sur le champ renié les pommes et la Thiérache !

Mais c’est là que l’affaire se corse :

La bienséance va tomber du haut du pommier

« La lame est déjà sur l’écorce »…

« La vache et son prisonnier »,

Mufle contre joue,

Attaquent une série de fleurons immortels

Sous l’œil goguenard

Des automobilistes rares :

En dresser la liste

Eût été prétentieux,

Ils étaient par le fait trop peu nombreux !

Disk Jockey n’avait pas le choix

Marguerite avait dicté sa loi :

C’était le tango renversé

Ou les quarante cinq tours aux orties dispersés !

« Entre deux maux,

Il faut choisir le moindre »…

Désormais, il tenait le bon bout

De la corne

Qui donnait à la belle

Des allures de licorne !

L’honneur fut sauf :

Personne ne souffla mot !

Sur ce couplet-là, « off » !

Pas question de laisser poindre

L’indice le plus infime :

En boîte, faudrait surtout pas qu’une telle affaire se mime !

 

   Grasjacqs.

 


 

 

P11

 

LES MARINS, ÇA FAIT DES VOYAGES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Il m’avait dit seul’ment : « Je t’aime ! »

Et ces mots-là, ça compt’ tout d’ même.

On s’est aimé huit jours, tout plein,

Puis il m’a dit un beau matin :

« V’là que j’ m’en vais… N’aie pas trop d’ peine,

J’ suis un mat’lot… Faut qu’ tu comprennes :

 

Les marins, ça fait des voyages,

On rest’ jamais pour bien longtemps.

On part joyeux, on r’vient content.

Des fois, bien sûr y’ a les naufrages,

Mais les retours,

C’est tout plaisir,

Et nos amours

Peuv’ pas mourir.

On sait qu’on r’part, on n’a pas l’ cœur

De fair’ du mal à son bonheur.

Faut pas pleurer, aie du courage,

La mer est belle. Et puis dis-toi

Qu’on n’y peut rien, ni toi, ni moi,

Et qu’ les marins, faut qu’ ça voyage. »

 

J’ l’ai vu partir sur son navire.

I’ m’ faisait d’ loin un beau sourire.

Et d’un seul coup, je n’ l’ai plus vu.

Et puis l’ bateau a disparu.

La mer chantait d’un’ voix câline.

On a parlé comm’ deux copines :

Les marins, ça fait des voyages,

Ça rest’ jamais pour bien longtemps !

Si’ r’vienn’ joyeux, i’ r’part’ contents,

Pour les aimer faut du courage.

Mais les retours,

C’est tout plaisir,

Et leurs amours

Peuv’ pas mourir.

Le v’là qui part mon pauvr’ bonheur !

Dessus la mer vogue mon cœur !

Mais v’là qu’ je pens’ qu’ y’ a les naufrages :

Sois bonn’ la mer, ne me l’ gard’ pas,

Si tu veux bien on partag’ra,

Car les marins, faut qu’ ça voyage.

 

J’ l’ai attendu pendant des s’maines,

Et puis maint’nant c’est plus la peine.

Il m’a fait dir’ par ses amis

Qu’i r’viendrait plus, qu’ c’était fini.

Il m’avait fait cadeau d’un’ bague.

Je l’ai jetée au creux des vagues.

Les marins, ça fait des voyages.

On les espèr’ pendant longtemps.

Y’ en a qui r’vienn’, de temps en temps,

D’autr’ font voler l’ cœur au passage.

Y’ a plus d’ retours !

Y’ a plus d’ plaisirs !

Y’ a plus d’amour !

Y’ a qu’à mourir !

Celui qu’ j’aimais, i’ r’viendra pas,

Et puis si’ r’vient, i’ r’commenc’ra.

Car les marins, faut qu’ ça voyage,

Ça court toujours vers d’autr’ bonheurs,

Et ça nous laiss’ avec not’ cœur,

Not’ cœur fané, pour tout partage.

 

AUTEUR INCONNU

 

 

 

 

P12

 

Usure de la vie

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Assise sous un vieux chêne, je sens les premiers signes de vieillesse.

Le soleil et le vent m’ont laissé des rides et je me sens engourdie par des frissons qui irritent le coin de mes paupières.

Je n’ose me retourner de peur de faire fuir les animaux qui, autrefois, me chérissaient.

Il ne me reste plus qu’à regarder la transparence de la rivière, ravivée par des bouffées de tendresse.

Là, je retrouve les plaisirs du silence.

Mais mon dos me fait mal,

mes pieds sont douloureux…

Il me faut rentrer…

 

Claude Santer   Cambrai

 

 

 

 

P13

 

Mes parents

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Je veux vous parler de ma mère

Une personne qui m’est chère

Je dois vous dire quelque chose

De son prénom elle s’appelle Rose

Mon père l’appelait Rosita fleur d’amour

Ma fleur pour toujours

Je la revois encore pédalant

Sur sa machine cousant

Des chemises en coton

Des combinaisons en nylon

Mon père me berçait en sifflotant

Elle l’accompagnait en chantant

Sur mes jeunes années

Mes souvenirs sont restés.

         Nicole Duplouy

 

 

 

 

 

P14

 

FALAISE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Seule

Personne ne m’attend

Que faire de mon temps ?

 

Seule

Je quête un regard

Mendie les égards

 

Seule

Ma vie surbookée

Reste inoccupée

Seule

Mon cœur embourbé

Voudrait se sauver

 

Seule

Il faut occuper

Cet esprit désoeuvré

 

Seule

Prendre un taxi

Chercher la vie

 

Seule

Rouler rouler rouler

Chercher chercher chercher

 

Seule

Craquer jusqu’au malaise

Se jeter de la falaise

 

SEULE

 

Marie Antoinette Labbe

 

 

 

CIEL ROSE

 

Ciel rose, ciel bleu, ciel léger

Taille mince, soigneuse, appliquée

Tu ressembles à un menuet

 

D’un même geste répété

Tes cheveux tu fais ruisseler

En un flot sombre et mordoré

 

Ton corps a d’invisibles ailes

Ton âme vole en étincelles

Comme si tu étais éternelle

 

Marie Antoinette Labbe

 

 

 

 

P15

 

Honte à mon âme

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Honte à moi

Paix à mon âme

Fatiguée, exténuée, épuisée

Délivrez-la de mes pleurs

 

Honte à moi

Impure est mon âme

De cette immorale inexpliquée

Je ne trouve que rancœur

 

Honte à moi

Douleur dans l’âme

Si je pouvais me tuer

J’arracherais mon cœur

 

Honte à moi

Je n’ai plus d’âme

Délivrance suprême, assassinée

Etouffée sous mes erreurs

 

                   Floriane Kurowiak

 6 novembre 2004

 

 

 

 

P16

 

Encore un jour passé sans toi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Encore un jour passé sans toi

Une nuit à pleurer mon désarroi

Dans un monde trop grand pour moi

Où tu me manques pas à pas

 

Encore un jour passé sans toi

Le cœur submergé d’effroi

Une journée faite de solitude

Etre seul devient une habitude

 

Encore un jour passé sans toi

Ces journées où rien ne va

Où tout s’écroule autour de moi

Où vivre ne m’intéresse pas

 

Encore un jour passé sans toi,

Sans ta gentillesse, ni tes bras

Ta présence m’est si indispensable

La vie sans toi est insupportable

 

Encore un jour passé sans toi

Où vivre, je ne le sais pas

Le temps s’arrête peu à peu

Je m’éteins à petit feu

 

                                                          Antony Canonne

 

 

 

 

P17

 

Possession

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Joli matin ne sois plus chagrin

Mon désir est certain

Qu’il me revient

Joli jour célèbre notre amour

Fais-en un tour

Afin qu’il dure toujours

Mais, ne deviens pas nuit

Sans que je sois près de lui

Car quand mon être s’endort

Je sens mon cœur se fendre

Mon âme l’attendre

À tort ou à raison

J’aime être en sa possession

Christelle Lesourd

 


 

 

P18

 

Prière

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Voler juste un instant dans la fragilité

Rien de plus qu’un soupir sur une partition

Le moment suspendu d’une respiration

Qu’on voudrait retenir pour une éternité.

Un instant de coton douceur sur la peau triste

Une seconde implacable dans sa sérénité

Celle qui est si parfaite qu’on en vient à douter

Si elle n’est que rêvée ou bien si elle existe

Un moment que les mots ne peuvent pas décrire

Un souffle qui réchauffe la pire solitude

La caresse qui efface doute et incertitude

Cet instant que jamais rien n’oserait ternir

Je n’en voudrais qu’un seul de ces instants magiques

À garder dans mon cœur avec mes souvenirs

Qui me consolerait au moment de mourir

Et m’accompagnerait d’un sourire angélique.

 

  Claude Boisse

 

 

 

 

P19

 

Où êtes-vous ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Où êtes-vous, qu’êtes-vous devenus ?

Soupes aux choux des maigres menus

Saurets salés envolés en fumée

Ô temps de mon enfance

Envolés dans la danse…

Les vieux retraités en bleu

De travail, faisant le pignon

Avec leur tartine et leurs oignons

Sur les escaliers de pierre bleue

Ouvriers allant à leur boulot

Ricanant sur leur vélo

La gamelle dans la mallette

Le front sous la casquette

Brasserie pleine de vapeur

Éclairée par un phare

La rue baignant dans l’odeur

Du houblon, de l’orge, le soir

Les tisseurs commençant tôt le matin

Battent la mesure de mes pas d’écolier

Les métallurgistes cognant l’étain,

Les ménagères déjà sur leur palier…

 

Hertia-May

1977

 

 

 

 

P20

 

Dansent les mots

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Dansent les mots,

Font des ronds de sorcières

Dansent les phrases,

Font des rondes enfantines

Spirales joyeuses se mêlent et se nouent

Arabesques burlesques

 

Chantent les mots,

Font de jolis poèmes

Chantent les phrases,

Font de belles prouesses

Au bout de ton crayon,

Bulles de savon,

Légères, s’envolent.

Thérèse Leroy

2003

 

 

 

 

P21

 

Complainte

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Déjà l’été s’endeuille,

Un soleil buissonnier

Vient caresser les feuilles

Sous le vieux marronnier.

Dans les pleurs de l’automne,

Semblable au ciel chagrin,

Elle rêve et fredonne

Ce lancinant refrain :

 

Laissons là nos chimères

Et s’envoler le temps.

Trop d’amours éphémères

Sillonnent les printemps.

D’une saison à l’autre

Un espoir prétentieux

Trépasse, ou bien se vautre

Dans un cœur oublieux !

 

Par le pont, la rivière,

Le buisson mordoré,

Du champ à la clairière

Le refrain éploré

A rejoint le nuage ;

Mais en larmes sans bruit

Retombe ce message

Dans le jour qui s’enfuit :

 

- Oubliez ces chimères

Savourez chaque instant

Et vos âmes légères

Revivront leurs vingt ans.

Si d’un désir à l’autre

Vous voici désarmés,

Ce regard dans le vôtre,

C’est la grâce d’aimer…

          Geneviève Bailly

 

 

 

 

P22

 

LESSIVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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LessiveLes chaussettes de Josette

Propres, sur le fil tendu

Dans l’air tiède qui s’y prête

Sèchent, signe inattendu.

L’imagination fertile

Dépassant le contenant

Voit le contenu gracile :

Deux pieds au contour charmant.

 

Et le rêve bien en place

À petits pas mesurés

S’en vient, redoublant d’audace,

Futurs instants savourés.

 

C’est alors qu’au fil bien sage,

Tel un drapeau dans le vent,

Apparaît le blanc corsage

De Josette, joliment.

Qu’il est doux sans plus attendre

D’y voir deux tétons tentants

Qui se laisseront surprendre

Par les baisers débutants !

 

Et ce jupon qui s’agite

N’est-t-il pas le sien, léger,

Bleu pétale d’Aphrodite

Que le vent veut propager ?

Il cache, longues et fines,

Des jambes que l’Amour fit

Celles qui, tu l’imagines,

Mettront plus d’un au défi.

 

Jupon, chaussettes, corsage,

Vous recouvrez tant d’amour

Qu’il apparaît bien dommage

À ce cher fil prévu pour

 

De ne pas, simple anecdote,

Voir balancer sa culotte.

Jean-François Sautière

 


 

 

P23

 

LA TARTINE DE MARMELADE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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J’avais six ans lorsque survint l’invasion allemande de 1940, je vivais avec ma sœur Anna âgée de 20 ans, dans un petit village du Cambrésis, mes parents ayant disparu au cours d’un bombardement, lors de l’exode.

 

Ma sœur avait dû cesser son travail de secrétaire, et travaillait provisoirement dans une exploitation agricole, chez nos voisins et amis, Lucien et Renée.

 

Anna m’avait mise en garde, m’expliquant que des soldats allemands s’étaient mal comportés dans certaines régions de France ; malgré cela, leurs uniformes vert-de-gris, leurs bottes de cuir noir, leur maintien, me fascinaient.

 

Le village s’était organisé tant bien que mal, malgré la présence ennemie et les privations : la vie reprenait son rythme, et doucement Anna remplaçait mes parents : sa tendresse venait à bout de mon chagrin.

 

Je fréquentais l’école du village située dans la rue d’en face, et sur mon trajet, je croisais, chaque matin, un officier allemand qui ressemblait étrangement à l’un de mes oncles : ses cheveux blonds, ses yeux très bleus, et surtout son sourire, me rappelaient « mon Tonton Charles ». Bizarrement, cet allemand me dévisageait lui aussi, avec beaucoup d’insistance. Puis, un matin, il m’arrêta, et m’offrit une tablette de chocolat ; je le remerciai vivement et courus vers l’école, me souvenant des recommandations d’Anna. Mais le soir même, l’officier m’attendait à la sortie et me présenta une tartine de pain de seigle recouverte d’une épaisse couche de marmelade, j’avais très faim, et sans bien me rendre compte, j’engloutis la tartine en quelques minutes ; la marmelade avait dégouliné sur mon tablier d’école, je m’étais barbouillé le menton et les mains, et je ne savais pas très bien comment m’en sortir, mais je m’étais régalée. L’Allemand sourit, et vint à ma rescousse en dépliant un grand mouchoir qu’il me tendit, puis me demanda en excellent français : « Quel est ton nom, mignonne ? Tu ressembles à la petite fille que j’ai laissée en Allemagne ! Moi, je suis Karl. » N’étant pas d’un naturel timide, je lui répondis que je me prénommais Marie, et que son visage me rappelait « Tonton Charles » parti pour la guerre. –« Alors, dit-il, tu peux m’appeler Tonton, au revoir, Marie ! »- Il s’éloigna lentement, tandis que je courais raconter mon aventure à Anna, certaine de la voir sourire. Mais ma sœur se fâcha, m’interdisant d’accepter les friandises de cet Allemand, et m’ordonnant de ne plus m’arrêter en chemin. Pourtant, le lendemain, « Tonton Karl » m’apportait à nouveau chocolat et bonbons, et m’attendait le soir, tenant une tartine de marmelade dans un grand mouchoir blanc. J’eus envie de fuir, mais la tentation fut plus forte : j’avalai la tartine en remerciant Karl, et me mis à courir jusqu’à la maison : je ne racontai rien à Anna. Et chaque jour, durant des semaines, il me fut permis de déguster cette tartine délicieuse : Karl était devenu, tout naturellement, « Tonton », je n’y voyais aucun mal.

 

Mais nos rencontres avaient été remarquées par certaines personnes, jusqu’à ce jour où, au cours d’une dispute en récréation, un élève plus âgé de ma classe me jeta au visage ces paroles horribles : -« Ta sœur n’est qu’une collaboratrice et une putain d’allemand ! »- Ulcérée, je courus à la maison en sanglotant, pour me confier à Anna, lui avouant tout. Elle ne fit aucun commentaire                 . Le lendemain, le front soucieux, elle m’accompagna en classe pour rencontrer Karl ; tous deux s’expliquèrent, et je ne revis plus « Tonton », jusqu’à ce départ précipité des troupes allemandes : « IL » entra dans la classe ce matin-là, me prit dans ses bras, me serra longuement, et je vis briller deux larmes dans ses yeux bleus. J’avais noué mes petits bras autour de son cou en pleurant ; sa présence m’avait manqué, il avait remplacé, durant quelque temps, dans mon cœur d’enfant, ce père que j’avais perdu, mais personne ne comprit.

Vint la libération en septembre 1944 : les forces françaises intérieures entrèrent dans le village arborant les drapeaux tricolores, accueillies par une population en liesse. Anna était rayonnante de joie, et avait également sorti un petit drapeau français. Elle était occupée à le fixer à la fenêtre lorsqu’une « traction » noire s’arrêta devant la porte : quatre hommes en surgirent portant les brassards F.F.I. Ils empoignèrent Anna, la traînant de force dans la voiture. Aux cris poussés par ma sœur, je m’étais précipitée : je fus écartée, me retrouvant seule et terrifiée au bas de l’escalier. Je repris mes esprits rapidement, et courus pour tenter de retrouver Anna : personne ne put ou ne voulut me renseigner parmi l’attroupement qui s’était formé. Je rentrai à la maison en sanglotant, me demandant avec angoisse où « ILS » avaient emmené ma sœur : Lucien et Renée partirent à sa recherche, sans succès, quand soudain j’entendis des cris, et la musique nasillarde d’un pick-up : je me précipitai et restai pétrifiée d’horreur : quatre femmes étaient juchées sur une camionnette, les cheveux complètement rasés, une croix gammée peinte en noir sur le front, et parmi elles : ANNA !

 

Les yeux hagards, elle semblait ne rien voir, ne rien entendre : elle était là, debout, figée, exposée aux regards de tous, et les injures fusaient de toutes parts. Brusquement je compris la méprise, malgré mon jeune âge : j’étais la seule responsable de ce drame : c’était moi qui avais sympathisé avec l’ennemi, et c’était elle qui en subissait le châtiment. Je vivais un cauchemar ! Lucien et Renée m’entraînèrent hors de ce spectacle insoutenable…

 

Anna rentra très tard le soir, le regard fixe, le visage blême, et s’allongea sans un mot. Lorsque je voulus l’approcher, elle me repoussa presque brutalement. Elle resta prostrée durant plusieurs jours, puis un matin je la trouvai debout : elle portait un turban blanc, et me servit mon petit déjeuner sans un mot : pâle, les mains tremblantes, elle restait absente. Pourtant, huit jours plus tard elle reprenait son travail à la ferme. Nos amis l’avaient beaucoup aidée. Moi, je n’osais plus la regarder. Renée avait tenté de rétablir la vérité afin que cessent les commérages, mais c’était trop tard : Anna n’était plus que l’ombre d’elle-même tant elle maigrissait et son sourire avait disparu. Je l’observais souvent le soir, elle pleurait durant des heures, le visage entre les mains. Blessée, meurtrie, elle souffrait terriblement et même si ses beaux cheveux bruns repoussaient lentement, elle gardait en elle une cicatrice indélébile. Je respectais ses silences, mais les soirées me paraissaient très longues. J’aurais tant voulu me faire pardonner !

 

Puis un soir, en rentrant de l’école, j’aperçus deux valises posées sur la table : « Nous partons », me dit Anna, -« nous quittons la maison. J’ai trouvé un emploi en Charente, et j’ai loué un petit appartement ; tu iras en classe dans une école toute proche. »- J’appris par la suite que  nos amis l’avaient guidée pour obtenir ce travail. Je pleurai longuement dans le train qui nous emmena, et ce fut ma sœur qui, cette fois encore, me consola : -« Je suis là, »- me dit-elle, -« sois sans crainte, nous allons oublier et vivre heureuses ensemble. »-

 

Et nous fûmes heureuses ! Cet épisode dramatique de notre vie s’estompa peu à peu. Anna devint rapidement une employée qualifiée, ce qui me permit de poursuivre mes études. Puis je réussis un concours administratif, après quoi je rencontrai celui qui devait devenir mon mari. Quelque temps après notre mariage, Anna m’annonça son départ : elle entrait en religion ; les hommes l’avaient trop blessée, elle avait pardonné, mais ne pouvait oublier : je perdais ma sœur pour la seconde fois.

 

Quand je revis « Sœur Anna » dans son habit religieux, elle me parut plus belle encore. Sereine, elle avait, je crois, trouvé le bonheur.

 

Anna est décédée, il y a quelques années ; son souvenir reste très présent en moi, tout comme ce regard bleu, ces cheveux blonds, ce sourire empreint de bonté, et ces tartines de marmelade…

 

Gisèle Houriez

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P24

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Dérangements

 

Imaginez deux vieilles dames très dignes. Suranné ?... Pas du tout. Rejoignons leur univers, au cœur d’un minuscule village du Nord de la France.

 

De part et d’autre d’une rue étroite s’alignent de sages maisons de briques rouges. Comme il a plu, l’eau dessine d’étranges reflets moirés sur les pavés tout ronds. En approchant flotte un air de musette délicieusement rétro. Il vient de la maison d’à côté. De la nôtre filtre juste un cliquetis régulier. À l’angle du perron, un gros chat roux tout débonnaire s’étire intensément. Sous les voilages garnis de macramé, des balconnières de géraniums roses cascadent dans l’air humide du dehors. Tout est calme. Le cliquetis, l’arôme délicat du café qui passe, c’est tout.

Ah non ! Pas tout à fait. En tendant l’oreille on saisit parfois un murmure… Singulier. Rien de bien terrible, en tout cas rien qui puisse laisser présager un jour différent des autres. Pourtant, Madame Rose est inquiète. Madame Jeanne a l’air préoccupée. Au point même d’enfreindre sa réserve coutumière. Les révélations qu’elle laisse échapper bouleversent un silence devenu étouffant, et avec leur faux air de confidence, résonnent de façon incongrue au sein de la cuisine. Comme elle termine une deuxième manche, elle déclare brusquement que son fils est devenu si riche qu’il conduit des automobiles qui ressemblent à des paquebots. Rose hoche rêveusement la tête. Absorbée par son ouvrage elle hoche longuement, accompagnant les battements sourds de la grosse horloge posée près du buffet. Tic-tac. Tic-tac. Jeanne lève un sourcil critique. Rose ressemble à cet instant aux chiens de carton-pâte, ridicules et parfaitement « Kitch » qui se trouvent à l’arrière de certaines voitures. Prête à toutes les connivences et comme pour acquiescer, Rose opine du bonnet avec régularité. Heureusement le téléphone sonne :

- Allons bon !

Avec un profond soupir, Jeanne appuie lourdement la main qui ne retient pas son tricot contre la toile cirée, et dans un mouvement qui semble empreint de mille précautions, se lève pour s’éloigner à pas comptés. Le mouvement mécanique n’a pas cessé. Les aiguilles s’entrechoquent régulièrement. Cependant, l’œil avide de Rose s’est coulé derrière les verres épais de ses lunettes pour accompagner le cheminement furtif. Elle a beau tendre le cou, elle ne parvient pas à percer le mystère. Le timbre est trop lointain pour en saisir le sens. La revoilà ! Ses aiguilles s'activent quand l'autre en s'installant annonce :

-C'était une erreur... Et replonge immédiatement dans son occupation. La danse alerte des aiguilles reprend.

 

Le cliquetis se poursuit, s'arête le temps qu'il faut pour tirer la laine, repart dans un silence pesant. Observons attentivement ce bien-être apparent :

De temps à autre survient une profonde et soudaine inspiration, désespérée, comme si par une sorte de pudeur indéfinissable, l'une n'osait dire à l'autre ce que celle-ci brûle d'entendre. La tête obstinément baissée, les deux vieilles dames se comportent en automates que rien ne semble pouvoir troubler. Sauf peut-être, cette sonnerie stridente :

-Ah, mais !

Indignée, Jeanne se hisse. On dirait qu'elle est partie plus vite, elle doit être pressée d'en finir. Quelques vagues bribes, et la silhouette chétive reparaît. L'air affairée elle redresse ses coussins, et d'une voix qui se veut rassurante :

-Tout va bien, ne vous inquiétez pas !

Rose n'en saura pas plus. La curiosité la taraude, mais pas un mot ne franchira le seuil de ses lèvres. Elle a trop de générosté pour transgresser cette stupide discrétion, certaines révélations demandent de la confiance. À force d'écoute, Jeanne finira assurément par se livrer, il faut lui en laisser le temps. De plus, ça lui est déjà arrivé :

 

-C'était l'hiver dernier, relate Rose, pendant la vague de froid. Malgré les sages conseils du Docteur, vitamines, vaccins, repos, chaleur, bref, tout le tintouin et j'en passe, Jeanne avait chopé la grippe. Une très mauvaise grippe, compliquée d'une fièvre terrible, suffisamment carabinée pour être contrainte de garder le lit. Bien entendu je me suis tout de suite dévouée ! Chaque matin vers 10 heures je lui portais le déjeuner, et chaque après-midi après la sieste je lui déposais une bonne soupe passée pour son repas du soir.

 

Des liens se sont créés, inévitablement ! Par la suite nous avons pris l'habitude de partager de belles heures paisibles à tricoter...

 

La sonnerie reprend, interrompant le fil de ses pensées. Jeanne est partie si vite que la porte du séjour est restée entrouverte. Quelques mots bien clairs éclatent dans l'autre pièce :

-Tout va bien ? Vous êtes sûr ?... Bon. Elle semble presque déçue. Un temps mort se prolonge. Finalement la voix conclut :

-D'accord, d'accord, alors à bientôt ! Sur un ton un peu condescendant.

Elle revient se remettre à son ouvrage.

 

Rose, qui pense « Tiens, tiens... » Tout en poursuivant imperturbablement sa manche, reprend le fil perdu un court instant :

 

Jeanne se remettait donc lentement de sa mauvaise grippe, quand par malchance sa guérison faillit être compromise. En effet le colis, envoyé chaque année pour Noël à la mission de Soeur Marie, n'était toujours pas parti. Jeanne, fébrile, s'agitait, et son agitation faisait monter la fièvre. Inflexible, le Docteur Bernard avait été catégorique « Que je vous prenne à sortir et je vous expédie tout droit à l'hôpital ! » Catastrophée, Jeanne tremblait, et de sa voix chevrotante s'efforçait de me convaincre : « Ces pauvres enfants ne trouveront rien dans leur soulier ! Ils ont déjà tout perdu et même ce petit bonheur-là leur sera refusé ! » Je n'ai fait ni une ni deux, je lui ai aussitôt proposé de me charger du colis. Pour ce qui est du réveillon ma fille n'aurait qu'à venir me prendre plus tard. On ferait d'une pierre deux coups : elle m'expliquerait la procédure habituelle, je m'occuperais de l'envoi, et je reviendrais attendre ma fille chez elle. De cette façon nous pourrions en profiter pour goûter au délicieux cake aux noix dont Odile a le secret. Mais ensuite j'ai ajouté « Ne vous chagrinez plus, allez ! Noël est avant tout la fête des petits enfants ! », et je n'ai pu m'empêcher de laisser mon regard se poser sur le cadre du buffet dans lequel sourit un angelot blond. Alors là sa réaction m'a sidérée :

-Six ans que je ne l'ai pas vu ! Il n'a pas le temps. Ses petits à lui si je les croisais, je ne les reconnaîtrais même pas !

Une grosse larme avait roulé sur la joue parcheminée. Rose en était encore toute retournée. Elle avait fini par se dire qu'elle avait dû mal comprendre, c'était trop invraisemblable, l'enfant du cadre avait l'air si gentil ! Toute à ses pensées Rose incline la tête pour détailler le petit garçon du buffet...

 

La sonnerie qui les surprend la rappelle à la réalité. Elle n'a pas le temps de voir partir Jeanne, dont chaque mot retentit dans le silence tranquille :

-Bien ! C'est d'accord. Pour l'instant tout va bien. Très bien ! Oui. Surtout n'hésitez pas, rappelez-moi quand vous voudrez ! Bon. À plus tard alors !

Jeanne a bien de la chance. Elle n'a jamais le temps de s'ennuyer... Tous ces amis qui prennent de ses nouvelles ! Et des gens bien ! Pensez, ils communiquent par téléphone ou par l'Internet !

 

Rose imagine une vie débridée, riche, à « cent à l'heure » comme on dit. Elle envie Jeanne. Elle va même jusqu'à regretter l'image un peu désuète qu'elle donne d'une bonne grand-mère gâtant ses petits enfants avec des gaufres et du quatre-quart à la confiture. Elle gamberge avec enthousiasme jusqu'à ce que le téléphone fasse réentendre un appel percutant. Agacée, Jeanne ne manque pas de la rappeler à l'ordre :

-Mais enfin Rose ? Où diable avez-vous la tête ? Qu'est-ce qui vous prend de serrer les cols de cette façon ?

La pauvre femme en est si contrite qu'elle baisse le nez, pendant que sa virulente amie s'éloigne à pas vifs. Elle ne peut pas voir à quel point celle-ci rumine, malheureuse et déçue.

 

Elle pensait faire l'intéressante. Elle voulait épater cette Rose, à qui la fille confie régulièrement ses drôles de petits diables. Dieu qu'ils sont mignons ! Est-ce que cette gourde se rend seulement compte du privilège qu'elle a ? Elle est gentille, c'est sûr, mais sa manie de remuer en cadence sa permanente en forme de choux est réellement exaspérante. Et curieuse avec ça ! Elle est là à guetter, épier, et même à fixer Christophe, dans son cadre. Pourquoi elle ne demande pas ? Tant pis pour elle, elle ne saura rien !

 

Comme elle rejoint la cuisine pour servir le café, Rose, qui veut se faire pardonner, lui sourit avec chaleur et lui apprend tout de go que sa belle-fille attend un heureux événement. Jeanne a de la fierté. Elle réprime non sans mal un sursaut d'amour-propre et prend sa décision...

Cette fois, quand le téléphone sonne, Rose n'a pas à tendre l'oreille. La porte reste ouverte et chacune des exclamations retentit clairement jusqu'à elle :

-Ah oui ? C’est gentil d'appeler. Alors tout va bien ?

-...

-Donc, vous vous décidez enfin à me rendre visite.

-C'est très bien ça ! Vous savez bien que vous serez toujours les bienvenus !

-...

-Surtout dites bien aux enfants que même s'il n'y a pas de kangourous ils pourront s'amuser quand même.

-...

-Ah, et tant que j'y pense, évitez d'appeler si souvent d'Australie, ça n'est pas la porte à côté et la note risque fort d'être salée. Allez, à bientôt ! Bisous à vous tous.

 

Rose est comblée. Elle comprend enfin l'acharnement de Jeanne à apporter un peu de bonheur aux bébés africains de la mission. Les siens sont si loin ! Imaginez, l'Australie ! Avec un nouveau sourire insistant elle se promet de présenter Jeanne à tout son petit monde : Sa fille Odile et les petits dès mercredi prochain, et par la suite, son fils Georges et sa jeune femme Marion. L'âme en paix, Jeanne répond à son sourire, la curiosité de Rose est satisfaite.

 

Bientôt celle-ci deviendra sa confidente et résoudra tous ses problèmes, mais elle ne le sait pas encore. Pour l'instant elles vont tacher de terminer le prochain colis sans plus se laisser importuner par le téléphone...

 

À l'autre bout du fil l'employé des Télécoms est resté médusé. Puis il s'est mis à tourner en rond dans la pièce en se grattant le crâne avec son feutre vert.

-Reprenons, reprenons ! Fallait faire des essais... Ten es certain au moins ?

Le collègue des dérangements a confirmé :

-Hum, hum ! Il y avait de la friture sur la ligne. La cliente était prévenue ?

-Evidemment ! Elle a même choisi le jour. Je devrais dire Exigé. Celui-là et aucun autre, et insisté pour que l'on fasse plusieurs contrôles, le plus souvent possible.

-Et alors ?

-Au début, rien d'anormal. Ensuite elle s'impatiente. Elle m'envoie vertement promener. Et finalement décide que je passe chez elle. Ce qui n'a pas été prévu. Et c'est quoi cette histoire de prendre des enfants ? Je ne suis pas marié ! Je deviens fou avec tout ça. Je n'y comprends rien. Voilà en plus qu'elle me raconte des fariboles au sujet de kangourous ! Je me demande si je suis vraiment fait pour ce boulot moi !

Son collègue a haussé les épaules :

-T'en fais pas vieux ! Ici c'est quelque chose de fréquent. Dans le fond ce n'est pas bien méchant !

-Et les kangourous ?

-Tu es sûr d'avoir bien compris ? Par ici c'est plutôt rare. Ou alors dans les zoo... Et encore ! Tu t'es trompé de numéro ! Calme-toi, je me renseigne.

 

Madame Jeanne a brusquement lâché ses aiguilles, et s'adressant innocemment à Madame Rose :

- Je donnerais cher pour savoir pourquoi il faut que mon téléphone soit toujours en dérangement !

Danielle MIELLET