SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N°21

PRECEDENT

21 22 23 24 25 26 27 28 29 30

 

Janvier-Février-Mars-Avril 2007

 

 

Illustration BD page 2

Patrick MERIC

Chronique : François Cheng page 3 

Denise LEPRETRE

Edito :    page 3

Paule LEFEBVRE

 

 

JEUNES

Le son de ta voix et Ma bonne étoile page 4

Stéphanie  BONNEVILLE

Noël page 5

Danielle ETHUIN

Le dauphin page 5

Florian CHATELAIN

Le garçon de Béatrice  page 6

Thomas WANESSE

Le lézard page 6

Fanny CANONNE

 

 

HUMOUR et PATOIS

Le Noël à Gaston  page 7-8

Léonce BAJART

Vélo volé page 9-10

HERTIA MAY

L'carette page 11

Marcel LESAGE

L'terri d'mes dix ans  page 12

Michel DAMEZ

Euch'l'euro  page 12

 

Hector Melon d'Aubier

ADULTES

Le tilleul et le papillon et Açvine page 13

SAINT-HESBAYE

Pourquoi ?  et  Un sourire page 14

Claude BOISSE

Les fauvettes  page 15

Roger DEVILLERS

Lourdes page 16

Claude SANTER

Le  printemps est arrivé page 17

Christelle LESOURD

Le loup et l'écureuil page 18

Yann VILLIERS

 

Nos aînés page 19

Jeanne FOURMAUX

Le verbe aimer page 20

Geneviève BAILLY

Les étrennes page 21

Paule LEFEBVRE

Requiem page 22

Thérèse LEROY

Lune rouge page 23

Jean-François SAUTIERE

 

 

NOUVELLES

A toi pépé page 24-25

Floriane KUROWIAK

Neige – Bout de ciel – Délire ferroviaire page 26

Julie VASSEUR

Le filet mignon de Manaus page 27-28-29

Le 2° Soir   page 30

Edouard DESMONS

Suzy DARRIBEHAUDE

Le P.C  page 31

 

Paule LEFEBVRE

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AVIS DE CONCOURS

Editions littéraires

*  Retrouvez l’auteur dans la revue littéraire.

 

 

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Connaissez-vous François CHENG ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Et connaissez-vous aussi son chef-d’œuvre : « L’éternité n’est pas de trop » ? (Albin Michel 2002)

 

François CHENG est à la fois resté très chinois : il est poète, philosophe, calligraphe, dans la plus pure tradition de l’Empire du Milieu, et tellement auteur français, reconnu en France, qu’il est membre de l’Académie Française.

 

Son roman se situe au 17ème siècle, à la fin de la dynastie Ming.

Un moine qui n’a pas encore prononcé ses vœux se décide à quitter son monastère pour retrouver, 30 ans après, la seule femme qu’il ait jamais vraiment aimée. Le roman brasse le passé et le présent, la nature et les temples, la passion et l’amour épuré, un amour si absolu qu’il ne pourra se réaliser et s’épuiser que dans la mort.

 

Si vous êtes lassé des fades descriptions d’une sexualité vulgaire, accompagnez les deux amants… lisez… et vous verrez…

 

D. LEPRÊTRE

 

 

 

 

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EDITO

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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    Cette année je n'ai guère qu'un seul vœu à formuler, mais ce, avec d'autant plus de force : "que la Caudriole vive !".

 

Serait-elle en danger ?

 

En quelque sorte….

 

En effet, notre brochure a beau être modeste et disposer gracieusement des services de l'Office Municipal de la Culture et de ses fournitures, elle a un coût.

 

Les bénévoles que nous sommes n'ont pas souvent conscience du prix de revient d'un périodique que l'on veut gratuit pour le lecteur. En effet, où allons-nous si la culture doit absolument se vendre alors qu'elle a besoin d'être véhiculée au maximum !

 

Nous avons donc cru devoir prendre une décision "économique" pour assurer la survie de la Caudriole. Cette année il n'y aura que 3 publications au lieu de 4 – à moins que mes propos affolés n'aient attendri quelque âme sensible…rêvons ensemble…

 

Formulons en tout cas nos vœux sincères et convaincus à nos amis lecteurs qui, eux, les chiffres le prouvent, ne doutent pas un instant de l'efficacité de nos efforts.

 

Bonne année !

 

                                      Paule Lefebvre

 

 

 

 

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LE SON DE TA VOIX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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J’ai entendu une voix,

Elle était loin et tout près à la fois,

D’une douceur bouleversante,

Comme un homme malheureux qui chante.

 

Au loin sa voix résonne,

Les syllabes se déchirent,

Me laissant comprendre l’ombre des consommes,

Et les syllabes s’éclairaient.

 

J’arrive à entendre mon prénom,

Qui peut être cet inconnu ?

Pourquoi m’a-t-il choisie pour me parler ?

Quel est le secret qu’il veut me révéler ?

 

Pourtant cette voix me rappelle quelqu’un,

Une personne que je n’ai vue qu’une seule fois,

Dont je suis subitement tombée amoureuse,

Et il fera sûrement partie de mon destin.

 

      Août 2005

        Stéphanie Bonneville

 

 

 

 

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MA BONNE ETOILE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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À des années lumière,

Je sais que tu me fais avancer sur le bon chemin,

Que tu restes avec moi dans les ombres passagères,

Que tu me prépares le plus beau destin.

 

À chaque malheur tu te rapproches,

Peu à peu tu me réchauffes,

Je reprends ma vie comme elle revient,

Les souvenirs restent mais j’ai oublié ce qu’était le chagrin.

 

Tu brilles plus fort que des yeux étincelants,

Tu es plus belle à chaque instant,

Tu affrontes les trous noirs

Dans cet immense espace dont on ne peut pas tout voir.

 

De près ou de loin je te regarderai,

Le ciel et la terre ne feront qu’un,

Même si une grande distance nous sépare,

C’est une des plus belles histoires.

 

Sept. 2005

Stéphanie Bonneville

 

 

 

 

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N O Ë L

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Aujourd’hui c’est Noël, nous sommes le 25 décembre.

Le père noël va passer, il parcourt tous les pays du monde entier pour apporter des petits et des grands cadeaux aux enfants pauvres et aux enfants riches.

En Afrique, en Asie, en Amérique du sud, au Canada, en Amérique du Nord, en France, etc…

Il offre rarement de l’argent et offre des petits cadeaux aux enfants qui ne sont pas sages.

Souvent on décore des sapins de noël pour accueillir le père noël dans notre maison.

Ensuite nous allons à la messe.

Pour passer un bon et heureux noël, nous passons beaucoup de temps avec notre famille et notre petite famille.

Souvent les mamans accouchent le réveillon de noël ou le jour de noël.

Ensuite le père noël saute dans son traîneau pour aller apporter d’autres cadeaux et beaucoup de joie et de vérité pour ceux qui ne croient pas au Père Noël, et répète toujours sa même phrase :  Oh !  Oh ! Oh! 

et Joyeux Noël à tous !!!

 

Danielle Ethuin

9 ans

 

 

 

 

 

 

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LE DAUPHIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Il était une fois un dauphin qui n’avait pas de copine.

Un jour il rencontre une dauphine, alors ils firent connaissance.

 

C’était un dauphin qui parlait toutes les langues,

il avait de la chance car la dauphine parlait chinois alors il comprend.

 

Et ils deviennent copains.

 

Soudain, un requin fonce sur eux mais ils nagent très vite

et réussissent à s’échapper… ouf !

 

Et un jour ils tombèrent amoureux et ils se marièrent

et eurent plein de petits dauphins.

Florian Chatelain – 8 ans

 

 

 

 

 

 

 

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LE GARÇON DE BÉATRICE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Il était une fois une jeune fille qui s’appelait Béatrice Trick,

elle était très gentille avec ses parents

mais ses parents n’étaient pas très bien avec elle.

Elle rencontre un jeune garçon,

il habitait dans un appartement très grand,

 il lui proposa de vivre avec lui.

Ils avaient même un travail tous les deux.

Ils eurent un enfant qui a 1 an aujourd’hui,

ils sont heureux dans leur belle vie.

Notre histoire se termine là.

 

                 Thomas WANESSE

 

 

 

 

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LE LÉZARD

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Le lézard qui est motard

Va dans sa mare

Pour faire une tarte aux poires.

À son travail il arrive en retard

Parce qu’il mangeait du homard

Avec son copain le canard.

Dans son armoire,

Il mange du caviar

En faisant ses devoirs.

Tu sens des panards

Dit son têtard !

 

Fanny CANONNE 11ans

 

 

 

 

 

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LE NOËL À GASTON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Petit père Noël, c’est moi Gaston,

Gaston Baudoux, le n’veu à Batisse-guette

Du zéro-un d’ la rue longuette…

Te sais où qu’ c’est ? en haut d’ Beumont.

J’ai pris des pages à min cahier,

Pis un’ env’lop’ chez l’épicier,

Et j’ t’ai écrit, hier, en classe

Mais comm’ m’ plume al’ fait des trous

M’ lettre elle est toute dégueulasse

Lis-la quand même, dis, jusqu’au bout…

 

D’abord Père Noël, faut que j’ te dise

Que j’ crois à toi malgré qu’ j’ suis grand

Tu penses j’ viens d’avoir mes huit ans

Mêm’ que j’ t’ai vu au fond d’ l’église

Quand l’ ratichon, jeudi tantôt,

Nous y a emm’nés, après l’ patro.

Te pionçais au milieu d’un’ crèche

Aveuc d’el’ paille comme oreiller,

Pour qu’ te soy’s comme ça dans la dèche

Ton vieux, y d’ veux être prisonnier ?

 

Pourtant, au ciel avec les anges,

Parait qu’ te tiens un grind bazar

Avec plein trucs pour les mignards

Des jouets, des bonbons, des oranges…

Pis des godass’s qui prenn’ent pas l’eau

Et pis des fringues ousqu’on a chaud…

Alors, avant que tu descendes

Dans les ch’minées comm’ tous les ans

Je viens t’ passer ma p’tit’ commande

En douce pour mi et pour moman…

 

Dis, pour moman’ te s’ras un pote

Si ti metteux dans ses croqu’nots

Du vrai café… un p’tit kilo

Bien planqueux au fond d’ ta hotte…

Pis un fichu pour son lavoir…

T’auras tout ça au marché noir !

A sa place il faut ben qu’ j’ cause

Car dans la lettre qu’ell’ t’écrira,

Ell’ te mand’ra pour elle qu’un’ chose :

        Papa… papa… oui, rien qu’ papa…            

Pour mi, j’aros voulu qu’ tu mettes

Dans mes souliers… Ah zut… j’os’ pas…

Un fort avec des tas d’ soldats…

Comm’ qui au môm’ de la pipelette.

Et pis aussi… c’est p’t’ être charrier ?

Un’ panopli’ de menuisier,

Ou un’ auto qui marche tout’ seule

Ou ben alors te va t’ marrer,

Un p’tit bonhomme qui s’ cass’ la gueule

Quand in l’ remonte avec un’ clé.

 

Pour les bonbons ou les oranges

Mi, j’ trouve pas ça assez calan.

Et pis si t’ reste assez d’argent

Pour mettre aussi quéqu’ chose qui s’ mange,

Alors j’ voudros un bat’ gâteau…

Tiens, un’ bell’ tarte aux abricots,

Ou ben, plutôt, un pain d’ quatr’ livres,

Un pain maouss, chaud, bien doré,

Qu’on s’ foutrait tout dans les gencives

Avec moman… à s’en crever l’ bonnet…

 

J’ te demande pardon… v’la que j’ débloque,

Papa… du café pis des jouets…

Et pis du brich’ton sans tickets…

Te vas m’ trouver un peu sinoque ?...

Si te m’ donnes c’te collection

Pour un Noël ed’ restriction,

Qu’est c’ qu’on r’filerait aux gosses de riches ?

Comm’ dit moman : nous les mouisards,

Avec la vie faut pas qu’on triche…

Faut raisonner, mêm’ tout mignard.

 

Alors, Père Noël, fini les blagues…

J’ te demande qu’un’ seule chose par souyer :

Pour moman, y a pas à s’ gourrer :

Tu ramèn’s papa du « Stalague »…

Mi laiss’ tomber, va, pour les jouets,

R’ fil’ meu l’ pain d’ quatr’ livres sans tickets,

Et mêm’, te vos, si dans la hotte,

Te peux t’ mouiller qu’ d’un truc pour nous,

Pour pas qu’ moman, l’ soir, ell’ sanglote,

Mets-y papa… L’ reste ! On s’en fout.

 

                                         Jean-Charles Jacquemin

                                               Alias Jean-Charles de Beaumont

 

 

 

 

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VÉLO  VOLÉ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Un samedi soir, sur la planète Nord, dans un café de village étouffé de fumée bleue.

Un soir chaud de début d’été.

Les tablées de beloteux rient et boivent.

 

- « Tiens, t’ remettras un d’mi ! » demande Claude, le cigare vissé dans la bouche. Les jeunes du quartier jouent au baby-foot ou aux astiquettes. Malgré la chaleur, la porte du couloir reste fermée sur les injonctions du patron. Le bistrotier ne supporte pas les portes ouvertes !

 

Une ambiance classique dans les années soixante.

 

« Et dix de der » : un joueur abat sa carte avec violence sur le tapis vert !

 

Une odeur de café vient de la cuisine. Il sera servi avec du « g’nief » pour en faire une bistouille.

Un client entre, faisant sortir un nuage de fumée.

« R’ferme t’ porte, vins dious ! »

 

Un jeune vient de mettre un but, entraînant un bruit de roulement.

 

Un autre bruit, plus métallique, survient !

« Y’ a quelqu’un dans le couloir ! ». Un silence fige les regards, même la fumée semble stagner au-dessus des tables, attentive.

 

Après cet instant de surprise passé, les jeunes se précipitent dans le couloir. Premier réflexe : les vélos sont toujours là, posés sur le mur.

 

« Il manque une pompe ! ». Une fraction de seconde plus tard, les plus rapides du groupe sont sur le trottoir, examinant la nuit et la rue. « Il n’a pas pu partir bien loin ! » En effet, les cachettes sont rares dans les environs. Les yeux de lynx trouent la nuit et trouvent dans un recoin de la porte du garage une paire de souliers ! Le voleur n’a pas eu le temps de s’éloigner. Repéré, il s’enfuit, laissant tomber la pompe ! Une vaine poursuite est engagée mais l’indélicat se terre dans un jardin proche. L’événement connaît donc une fin heureuse.

 

« Combien de cafés ? » La patronne apparaît avec la cafetière émaillée et le sucrier. Les bouteilles de genièvre et de rhum ambré suivent. « Mi, t’ mettras plutôt un triple sec ! ». Autour des bistouilles fumantes, les histoires de vélos resurgissent du passé.

« Ein’ne fô, j’ai eu un drôl’ d’ tour, j’avos laissé min vélo sur l’ mur chez Jojo ». La pipe coincée dans la bouche, le visage mangé par une barbe qui lui donne un air de vieux loup de mer, Hubert V. repose sa tasse. « En sortant, pus de vélo ! »

 

« T’avos oublié qu’ c’étot l’ jour des encombrants ! » intervient Claude C. surnommé le « ranchman » depuis qu’il s’est installé dans une vieille ferme, à la sortie du patelin, du côté de la « Fontaine Jamais ».

 

« C’est vrai, j’ m’en rappelle, j’étos avec Edgar, André et le « merle blanc » en rajoute Lucien D.

« À l’occasion, tin vélo, il a fini chez min voisin qui retapot les vieux clous à tout cœur ! »

 

C’est alors que Bertrand L. dit le « canari » choisit de raconter une de ses histoires qui font sa réputation.*

 

« Vous allez rire ! » Le ton étant donné, les auditeurs se taisent, suspendus aux lèvres du grand communicateur.

« T’ r’mettras un g’nièvre quand même ! »

 

« Ça remonte à quelques années. Nous les brodeurs, après les longues journées à guetter le moindre défaut, il nous arrive de faire un tiot tour à vélo. C’étot un dimanche, vers dix heures du soir, j’ardekends la rue Pasteur et vais boire un café chez Mélanie. Y s’étot tertous là. Y m’ont fait goûter s’ goutte et vous allez m’ croire si vos voulez mais l’ Bertrand y’ avot des tiot yux en sortant. Y’ étot bin minuit. Les rues étaient éteintes ! Mais surtout : pus de vélo !

Imaginez ces gins, tous épantés ! Pus de vélo !

En s’est vite retrouvé à pus de dis dans l’ rue, à crier, à ameuter les visins ! »

 

« Qu’y-a-t-il ? ». « On a volé le vélo du canari ».

 

- « De qui ? » - « Du canari ! » - « Où ‘ k’y étot, le vélo ? » - « Sur le mur ! » -« Comment y va  faire ?" -  "Y va r'partir à pinces"

 

« Tout un joyeux groupe, bien éméché, s’en va donc arpenter la place de la gare. Vlà tit pas qu’in vot de l'lumière dans le camion à bourlettes du « grand gourmet » qu’yétot stationné devant chez Roger. En se rapprochant, on voit ti pas l’ vélo posé sur l’ camion. Notre voleur était réfugié dans la boutique ambulante et, à la suite du rafus qu’on faisait, avait eu le temps de s’éclipser par le Chemin d’Aisances. C’est alors que Guy, le beau-fils de Roger, certainement à l’affût depuis un bon bout de temps, surgit tel un diable de sa boite et nous met en joue avec son fusil ! »

« Fais pas le con, ch’est nous ! »

 « Et c’est ainsi qu’il nous raconte : le camion avait reçu des visiteurs ces derniers jours et il faisait le guet , et que si on n’avait pas fait autant de bruit, il aurait pris son voleur de bourlettes (qui était bien sûr notre voleur de vélo !) »

 

« T’ remettras ein’ne tournée ! »

 

« Et les voleurs ? » - « Ils ont été pris par les gendarmes de Bus’gny. Ils ont été condamnés à des travaux d’intérêt collectif ! C’étot des gamins ! »

 

« Et min g’nièf, c’est pour demain ? »

 

Un samedi soir, sur une planète bleue, dans un village du Nord.

 

 

Hertia-May

 

*dernièrement, lors d’une observation organisée par le club d’astronomie, sur le chemin de Maretz, B.L. dit le « c » nous fit encore rire avec une histoire de garde forestier, le soupçonnant de braconner dans le coin, à onze heures du soir !

 

 

 

 

 

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L’ CARETTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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C’étot pendant la guerre : pour aller voyager,

On avot point d’essence pour faire rouler l’ s'autos,

Fallot bin s’ contenter d’une carette et d’un g'vo.

C’est ainsi qu’ sen allot François le boulanger

Pour distribuer l’ pain dans l’ village d’à côté.

Cor moins bileux qu’à ch’ theure, ce qui n’est pas peu dire,

Il perdait beaucoup de temps à blaguer et à rire.

Cette journée là pourtant, sérieux, il l’avot été

Et s’en revenait à l’ brune, au p’tit trot de s’ coquette.

Lui restait une maison, c’était un cabaret

Où y avait trois gaillards qui étaient aux aguets.

Il entre avec ses pains à la porte laissant s’ carette,

Ils l’attrapent aussitôt pour faire une tiote belote

Et deux minutes après, les cartes all s’abattotent.

Le temps d’ faire une partie, la revanche et puis la belle,

Et mon François soudain de s’ carette, y s’ rappelle ! ;

Il court à l’ porte, l’ soir était descendu

Et il faisait si noir qu’on se serait cru perdu.

Y’ entend dans le silence des pas d’ gvo résonner

Et le bruit d’une carette sur la route s’éloigner.

« Ça y est, qu’il dit, Coquette, elle est partie sans mi. »

Il ramasse sa sacoche, il s’élance dans la nuit,

Il fait cinq mètres et pan ! L’ vlà par terre assommé !

Du bruit, dans l’ cabaret, les verres en ont tremblé,

Et tous ceux qui sont là sortent émotionnés.

Sur l’ front, y a un boursot, gros comme un œuf de dinde,

Le sang coule de son nez, qu’y en perdra plus d’une pinte !

Il comprend tout doucement ce qui est arrivé :

C’est un autre équipage, qu’y avot ouïe roulé

Sa brave coquette, elle n’avot point bougé,

Et dans l’ cul de s’ carette, y étot allé se ruer !

 

Marcel Lesage

 

 

 

 

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L’ TERRI D’ MES DIX ANS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Min terri, i n’arsonnot pas à eun’ montanne,

Plachée au mitan d’él’ plaine, comme eun’ citadelle.

C’étot eun’ long’ colline pleine ed’ creux et d’ dos d’âne,

Avec un tapis d’herbe et des bouquets d’archelles.

 

 

Quand que j’ l’ai découvert, j’ venos d’avoir dix ans.

Comme tous ches gosses, j’ cachos un aut’ terrain d’ jeux :

In n’ pouvot pos toudis s’ berdéler dins ches camps,

Et faire el diab’ dins l’ cité, cha v’not dingereux !

 

 

V’là pourquo, qu’aveuc des comarates, eun’ bell’ fos,

In a sauté d’eun’ feull’té pa d’zeur ech grillach’,

Quate à quate, in a grimpé chelle pint’ jusqu’in haut

Et, qu’ d’un seul cop in a vu tout tiot, nou villach’ !

 

 

Mais d’ l’aut’ côté, ch’étot bin pus intéressant :

Ch’ terri-là i longeot ches lines ed’ quemin d’ fer,

Dù qu’ ches trains d’ voyageurs arrivotent in sifflant,

Pour passer in d’zous nous, aveuc un bruit d’infer.

 

 

Combin d’ fos qu’in l’ z’a attaqués ches trains express’,

Muchés dins ches taillis tout in haut d’ nous terri,

Ou bin, in dégringolant l’ pinte à tout’ vitess’

L’ fusil in bos dins s’ main, in poussant des grands cris !

 

 

Mais fallot fair’ vite pour armonter nous mucher

Quand, soudain, à tout’s pédales ech’ garde arrivot.

In savot qu’eun’ balle ed sel cha n’ pouvot pas tuer,

Mais qu’ cha brûlot quand in l’ prenot dins l’ bas du dos !

 

 

Quand qu’in n’ juot pas à « l’ charge d’él brigade légère »,

In grattot l’herbe et ches caillots qui étot’nt pa d’zous

Pour dénicher des empreintes ed’ feulles ed’ fougères

Qui avot’nt poussé des milliers d’années avint nous.

 

 

Ch’est quand mêm’ formidab’, l’histoire ed’ chés plant’s-là :

Alles ont grandi su l’ terr’ bin pus haut equ’nous chênes

Avant d’êtr’ noyées, infouies au fond d’un magma

Et pis d’êtr’ armontées, figées, pa d’zeur chés plaines !

 

 

V’là pourquo, jé n’ peux l’oublier min viux terri :

I fait partie d’ mes jonnes années d’ gosse ed’ coron.

Su sin dos, j’ai raracolé comme un cabri,

Bin avant d’aller, mi aussi, ramper au f ond !

Jacques HUET

La Flamengrie

Juin  2004

 

 

 

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LE TILLEUL ET LE PAPILLON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Bonjour ! Bonjour ! répète le Tilleul

Au Papillon

Tout seul

Que viens-tu faire sur mes fleurs

Prononce l’arbre de senteurs

Je me repose d’un voyage au Japon

Répond l’intrus aux écailles de soleil

Inquiet d’être chassé de ce paradis

Pourquoi ne visites-tu pas les jardins

Ajoute le Tilleul où tant de plantes à parfums

Enchanteraient encore tes aventures

Et toi murmure le Papillon palpitant

N’as-tu pas la crainte des orages

Lorsque du tourbillon des îles

La tempête te fouette le feuillage

Non non dit-il en rassurant le volatile

Je n’ai peur que de mon âge…

… Et en t’abritant comme un moustique

Sous l’ombrage

Tu ne vis que l’espace d’un aurore

Certainement renchérit le visiteur à mimiques

Mais je peux pondre des œufs par plaisir

Dans l’écorce de ton corps

Et les chenilles qui viendraient à sortir

Te mangeront silencieusement le visage

 

Saint-Hesbaye

 

 

 

 

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POURQUOI ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Dans les grands livres de lois,

Peut-on y trouver le droit de tuer ?

Au nom de quoi ou pourquoi

Y a-t-il autant d’actes de cruauté ?

 

Ne peut-on pas vivre sans violence ?

Pourquoi, dans ce monde de compétences,

Ne trouve t-on pas un terrain d’indulgences ?

La violence n’apporte que de la violence.

 

Claude BOISSE

 

 

 

 

UN SOURIRE

 

Un sourire ne coûte rien et produit beaucoup

Il enrichit ceux qui le reçoivent

Sans appauvrir ceux qui le donnent.

Il ne dure qu’un instant

Mais son souvenir est parfois éternel.

Personne n’est assez riche pour s’en passer

Personne n’est pauvre pour ne pas le mériter

Il crée le bonheur au foyer, soutient les affaires

Il est le signe sensible de l’amitié

Un sourire donne du repos à l’être fatigué

Rend du courage aux plus découragés

Il ne peut ni s’acheter, ni se prêter, ni se voler

Car c’est une chose qui n’a de valeur

Qu’à partir du moment où il se donne

Et si quelquefois vous rencontrez une personne

Qui ne sait plus avoir le sourire

Soyez généreux, donnez le vôtre

Car nul n’a autant besoin d’un sourire

Que celui qui ne peut en donner aux autres.

 

 

 

                                                                                    Claude Boisse

 

 

 

 

 

 

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LES FAUVETTES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Te souviens-tu, tendre brunette

Quand nous allions, près des roseaux

Écouter chanter les fauvettes

À l’ombre des vieux ormeaux.

Le laboureur creusait la terre

Du soc luisant de sa charrue

Et du brun sillon, vers les nues

Montaient les parfums de la terre.

Nous étions bien, près des roseaux

Te souviens-tu, ô ma brunette !

 

Te souviens-tu, tendre brunette

Quand nous étions, près des roseaux

Où se cachaient les fauvettes

Nos deux voix faisaient un duo

Qui effarouchait les pauvrettes

Par le langage des amoureux

À la chose à vous remédier

La bouche close par un baiser

Vous bécotant, à qui mieux mieux

Comme dans les roseaux, les fauvettes.

 

                        Roger Devillers

 

 

 

 

 

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LOURDES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Assise auprès du Gave,

La Vierge me sourit.

Ce n’est pas un miracle,

Et pourtant, Elle vit.

 

Je prie, je chante, je crie

Ma joie de La revoir ;

Un an, ça passe très vite,

Mais mes yeux veulent voir.

 

Elle a changé ma vie,

Un jour, et puis, et puis,

J’ai transmis cet Amour

Qui chasse mon ennui.

 

Vierge Marie, Pleine de Grâce,

Et puis Sainte Bernadette

Vous apportez la paix

Mais aussi le courage

Courage de ceux qui peinent,

Courage de ceux qui aident.

 

Vous nous aidez à croire,

Nos cœurs sont pleins d’espoir.

Remplie de cette ardeur,

Je garde La Ferveur

De Vous revoir un jour,

Là-Haut, près du Seigneur.

 

 

               Claude Santer

               Août 2003

 

 

 

 

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LE PRINTEMPS EST ARRIVÉ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Flotter dans l’air

Oublier ce désert

Etre adroit

Pour ne pas tomber dans le désarroi

J’entends une hirondelle

Elle est si belle

Le printemps est arrivé

Je l’avais deviné

Tout serait parfait

Si je ne t’avais pas rencontré

Je ne t’en veux pas

J’ai trop besoin de toi.

Je te suivrai pas à pas

Même si j’en perds la foi

J’ai traversé la Terre

Pour remettre son mal à l’Enfer

Je combattrai la Terre entière

Pour que tu me reviennes.

Je t’ai connu hier

Avant que le soleil pénètre

Que gagne la haine

Puis, je t’ai vu disparaître

Mais, que puis-je faire ?

Si ce n’est me taire.

              Christelle Lesourd

                      19 ans

 

 

 

 

 

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AU LECTEUR STUDIEUX DE « LA CAUDRIOLE »…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Je chante les héros qu’anima La Fontaine,

Légion dont l’histoire, encore qu’incertaine,

Renfermant la louange et la sévérité,

Enseigne des leçons valant des vérités.

Comme aux temps révolus, écoutons leur parole ;

Profitons du bon sens et de la parabole.

Tout vit dans nos récits et même les poissons ;

On les sent palpiter ; ils parlent, donc ils sont !

Studieux habitant de ce monde moderne,

Ces fables sont pour toi, sache qu’elles te concernent.

Notre bon La Fontaine, écrivant autrefois,

Dédiait son ouvrage aux dauphins de nos rois ;

Aujourd’hui que la roue a tourné, c’est toi l’être

À qui vont nos espoirs : tu trouveras peut-être,

En ces thèmes légers, de chétifs agréments…

Mais sauras découvrir de bons enseignements.

 

 

LE LOUP ET L’ECUREUIL

 

Le loup l’emporte et puis le mange,

Sans autre forme de procès.

Mais Grillot s’en vint à passer.

Il dit : « Il faut que je le venge ;

Allons quérir Médor, le bon chien de berger. »

Il va chercher Médor, mais le trouve allongé,

Séduit par quelque rêve et ne voulant bouger.

Il va trouver le pâtre,

Mais celui-ci, fâché,

Menace de le battre,

De le faire hacher,

Pour venir raconter des mensonges pareils.

« Je suis sûr du troupeau ; qu’il est en place sûre ;

Que jamais un mouron ne part à l’aventure ;

Que mes chiens de berger sont toujours en éveil.

As-tu seulement vu Médor monter sa garde ?... »

- Médor ?

Il dort !

- « Je te l’avais bien dit : rien à craindre, prends garde

Que je ne puisse plus céans te supporter. »

Grillot quitte le pâtre et s’en va rapporter

Tous les détails du crime au patron du domaine.

Mais celui-ci, cloué pour de longues semaines

Sur un lit de douleur, ne put à l’animal

Que dire ses regrets, crier ses plaintes vaines,

Echafauder des plans, pestant après son mal.

Alors Grillot

Part aussitôt,

Court au village,

Fait du tapage,

Revient menant

Tous les manants.

On organise une battue,

On prend le loup et on le tue…

Ici finit un grand orgueil :

Il fut vaincu par l’écureuil.

                       Yann Villiers

 

 

 

 

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NOS AÎNÉES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

A l’automne de leur vie,

Nos aînées suivent leur destin fragile,

Partant parfois dans le recul des ans,

Bien loin du temps présent.

 

Dans leurs cœurs gravés

Par la ronde des années,

Le sourire mélancolique,

Au hasard des souvenirs,

Comme un joli songe,

Avec nostalgie et abandon,

Elles revoient leur jeunesse

Dans un décor de rêve.

 

Le front baissé, songeur,

Evoquant avec douceur

Le temps heureux des bals musettes

Où, jolies midinettes

Amoureuses, silencieuses,

Cruelles ou généreuses,

Elles valsaient au son

Des joyeux accordéons.

 

Dans un soupir profond,

Chassant les jolis songes,

Les instants ardents de bonheur

Enfouis au fond de leur cœur,

Fuyant la solitude

Se greffant en habitude,

Elles recherchent, discrètes,

Chaleur et tendresse.

 

A l’automne de leur vie,

Nos aînées suivent leur destin fragile,

Se berçant d’une grande espérance,

Comme de petits enfants.

 

                     Jeanne Fourmaux

 

 

 

 

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LE VERBE AIMER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

De saisons en saisons, après les épousailles,

D’un édredon moelleux à la porte du four,

Et des odeurs de soupe, en obscures chamailles,

Du fond de la marmite… Il repêche l’amour !

 

  C’est le lien éternel aux multiples visages,

  Rebrodé de tendresse au fil de chaque jour,

  Entre la polémique et les raccommodages,

  Un mélange étonnant de sarcasme et d’humour.

 

Pour les bleuets offerts au détour d’une route,

Bouquet de souvenirs des campagnes d’antan,

Il laisse s’envoler la rancune et le doute,

Sous le charme imprévu, d’un romantique instant.

 

  Et puis bravant les flots quand l’océan délire,

  Il sauve le bateau, d’un élan vertueux,

  Le ramenant au port avant qu’il ne chavire,

  Pour un chant de sirène, assez voluptueux…

 

Dans les quatre saisons des chemins d’aventures,

Du berceau de la vie, au départ sans retour,

Il palpite en nos cœurs par-delà nos blessures,

Et vibre, à tous les temps, ce verbe de l’amour.

       Geneviève Bailly

 

 

 

 

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LES ETRENNES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Ce pourrait être de l’argent,

Ou des gaufrettes en dentelle,

Ô que nenni, mes braves gens,

Dans mon histoire, y a rien de tel !

 

C’était l’époque où les mamies

Se perdent un peu en souvenir,

L’époque de la nostalgie

Où le passé tue l’avenir.

 

Soudain, du sein du chapelet

Egrené bas, en confidence,

Jaillit, du monde des secrets,

Plus qu’un regret, une souffrance.

 

« Je l’ai perdu ! » crie la Mamma,

Je l’avais pourtant retrouvé,

Et puis écrit sur l’agenda,

Ce nom d’amis que j’ai aimés !

 

Mais l’agenda, je l’ai perdu,

Perdu le nom, perdu la tête,

Perdus les mots, oh c’est trop bête,

Et chaque jour, c’est un peu plus !

 

« Mais non Mémé, » dit la Mignonne,

Tendant la main, semi fermée,

« C’est mon étrenne, je te la donne,

Voilà ton nom, je l’ai trouvé ! »

 

Paule Lefebvre

 

 

 

 

 

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REQUIEM

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

1 Guerre éclate

Dans l’écarlate

Du couchant rouge

Et terre bouge

 

2.Fumée s’élève

Dessus le glaive

Ciel grisaille

Sur les murailles.

Brouillard s’étend

Sur les étangs

Fumée s’amasse

Et puis se tasse

 

3.Bêtes se cachent

Et le feu crache

La mort arrache

Et puis fait tache

Tache de sang

Sang qui s’étend

S’étend partout

Couvre la boue.

 

4.L’oiseau se tait

Dans la forêt

Les bois ont peur

 Car vie se meurt

Bêtes se taisent

Et cris s’apaisent

Mortes les fleurs

Et vient la peur.

 

5.Les hommes fuient

Les enfants crient

Bêtes se meurent

Et femmes pleurent

L’homme râle

Sous soleil pâle

Sang se fige

Femme s’afflige

 

6.Terre s’entrouvre

Se change en gouffre

Lumière s’enfuit

Car plus de vie

Terre se fend

Et nuit s’étend

Brume s’étend

Et plus de temps.

 

7.N’espère plus

Le temps n’est plus

Boue s’étend

Et le néant

Qu’on sent venir

Vient engloutir

Les survivants

Bourbe s’étend.

 

8.Terre calcinée

Sol tourmenté

Terre désolée

Sol torturé

 

Terre condamnée.

 

Thérèse Leroy  - 03/02/73

 

 

 

 

 

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LUNE ROUGE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Lune rouge, lune orange,

Quel est donc ce doux mélange

Dans mon cœur tout en émoi ?

Est-ce le clair bleu du ciel,

Les prés verts, le pain, le sel

Qui me font rêver à toi ?

 

Je parle des fruits sauvages,

Des ruches, des vieux villages

Et tout cela va de soi.

Est-ce le goût de la menthe

Qui a nourri mon attente

De ce qui deviendrait toi ?

 

Universalité ! Est-ce

Ta puissance qui sans cesse

Déverse en mon cœur l’émoi

Ou simplement qui palpite

Dans un bonheur sans limite

 

L’amour vrai que j’ai pour toi ?

 

Jean-François Sautière

 

 

 

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A TOI PEPE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Mon cher pépé,

 

Voilà un an passé qu’un vide nous a envahi. Un an avec toujours tant d’images devant les yeux, tant de sensations à y repenser, tant de sourires et même de rires rangés au fond de nos cœurs. Rangés dans un petit coin qui ne veut pas s’effacer. Voilà donc un an passé que tu as pris la décision de partir en solitaire pour un voyage que nul vivant ne connaît. Et moi, pendant tout ce temps, je me suis dit que j’avais un grand nombre de choses à te dire. Je voulais t’écrire, te dire combien tu me manques, ou plutôt combien tes bêtises qui me faisaient rire me manquent. Oui, toute ta personne me manque et dès ton départ j’ai eu l’esprit vagabond à des pensées lumineuses, des souvenirs et tout ce que tu m’as apporté.    

 

Dommage qu’il pleuvait le matin où l’on t’a mis en terre. Ce jour là, j’ai eu envie de prendre mon calepin et de t’écrire. Je pense que je voulais m’adresser à ce grand monsieur aux cheveux gris hirsute, glissé au fond de son vieux lit, toujours heureux de me revoir débarquer à Caudry. Je voulais te parler pour ne pas garder l’image de toi, seul, dans une boîte pas plus grande que ta taille et dans une petite pièce presque aussi froide que l’hiver de cette journée. J’ai voulu courir après une réalité qui n’était plus, mais je n’ai même pas eu le temps pour ça. Et puis entre nous, tu sais bien que maman aurait bondi à l’idée de voir mes fesses sur ta dalle fraîchement reposée. Elle a tellement de principes ta fille ! Je pense que ce jour là, je t’aurais écrit une lettre contenant mes joies et mes peines de jeune fille à la fois étudiante. Chose que je n’avais jamais faite avec toi.         

 

Finalement, avec le temps qui passe, ma vie qui continue et qui s’enrichit, ce sont les souvenirs qui ont repris leurs places et balayé cette morne image de toi. Et maintenant, c’est avec mon pépé en pyjama bleu au fond de son lit avec qui je discute. Bien sûr, je n’oublie pas la télécommande de la télévision que tu as dans la main gauche à toujours tripoter pour ne plus savoir comment revenir aux chaînes visibles et donc rester planté devant du crypté ! Certes ça t’occupait, mais mémé, elle, n’était pas sourde ! Ça me fait rire de te parler comme ça à nouveau. Comme tu le vois, je n’ai pas changé ma façon de m’adresser à toi. Certains diront que je te critique. Mais dans ton cœur, tu savais très bien que je te taquinais, que je remuais mon pépé tout vieilli, que c’était comme ça que je te montrais mon amour et oui, tu le savais très bien. Et puis comme tu disais, qu’est-ce qu’on en a à faire des mauvaises langues ! D’ailleurs, je suis sûre que malgré ton opposition, tu ne m’en veux pas trop de t’avoir veillé. Car tu savais que ton chameau préféré l’aurait fait pour soutenir maman (ton autre chameau). Je ne m’inquiète pas, tu ne te retournes pas dans ta tombe là !   

 

Le seul problème que je rencontre depuis le début de ton voyage est une simple habitude que je n’arrive pas à perdre. Elle est juste présente quand je rentre à Caudry. Je rentre dire bonjour à tout le monde et je passe donc naturellement chez toi. Ton chez toi durant cinquante ans passés. Cette porte tout en débris, le couloir que papa a refait en vert flashi, puis à droite la chambre. Et au beau milieu de cette chambre, le lit dans lequel tu te tenais sur la droite (ou sur la gauche si on regarde le lit en face). Il est maintenant un peu vide et seul avec mémé toujours à gauche. Seule dans ce lit mais un lit du coup neuf ! Ah oui, tu peux faire l’étonné, ton chameau de fille a encore désobéi. Et elle a enfin opté pour un matelas et un sommier tout neuf. Ce n’est pas mémé qui va s’en plaindre au contraire ! Comme elle dit, dommage que son vieux mari avait tant de sentiments pour ces débris de literie. Allez, range tes gros sourcils froncés et broussailleux, tu savais que c’était nécessaire.

 

Tu vois, je commence à peine à te parler et toutes mes idées sortent dans le désordre. Mon crayon file plus vite que mes doigts, plus vite que toutes les images de toi qui passent au fond de mon cœur et dans ma tête. Ah forcément, je m’y arrête à ces images, et de multiples souvenirs viennent s’y coller. J’aimerais tellement les partager. Dire au monde entier les souvenirs que j’ai de mon pépé. Pourquoi je l’aime tant. Accepteras-tu seulement que quelqu’un raconte quelques bribes de ta vie ? Et voudras-tu seulement que ce soit moi ? J’ai soudainement une petite honte qui m’envahit, voire même une déception. Je me rends compte un peu tardivement que je ne t’ai jamais fait lire ce que j’écrivais. Tout le monde me sait poète, enfin, le mot est vite dit. Tout le monde me sait romantique dans mes écrits. Certaines de mes œuvres (qui ne le sont pas d’ailleurs) sont même publiées trimestriellement dans une petite revue de Caudry. Et toi, je ne te les ai jamais fait lire. Je ne t’en ai même jamais parlé. Alors comment puis-je espérer ton accord pour écrire les souvenirs d’un pépé et de ses deux petites filles ? J’attendais peut-être de trouver mon style, ce que je comptais réellement écrire, ce que j’aurais décidé de faire publier. De plus, je te savais grand littéraire même si tout le monde te pensait scientifique. Tu dévorais des livres entiers en si peu de temps. Et par ma fierté, je n’ai certainement pas voulu te décevoir. Voilà qu’il est trop tard pour me rattraper. Mais seras-tu heureux de voir nos souvenirs devenir ma première publication ?

Floriane Kurowiak

Mai 2004

 

 

 

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NEIGE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

D’épais nuages chargés de froid et d’obscurité tuent le ciel. Le jour devient la nuit et la nuit devient le jour, et tout s’emmêle et s’entremêle. Comment ne pas s’empêtrer dans le temps comme on s’empêtre dans la boue ? De se laisser aller, de ne plus regarder les secondes qui s’écoulent, plus lentement que jamais ?

Moi, je suis dans la rue. Il fait un peu froid, et c’est pourquoi je suis chaudement vêtue. Il n’y a personne à pied. Quelques voitures passent, pleins phares, et m’éblouissent. Je continue pourtant. Bientôt, des flocons viennent s’écraser sur mes joues rose vif. Puis, c’est une multitude qui m’attaque. Au secours ! Tout est blanc, tout est froid, tout est mouillé, tout est lumineux et tout est sombre, le haut devient le bas, l’envers est l’endroit, et quand j’ouvre la porte de ma maison, je meurs du choc thermique.

 

Quoi ? Elle est pas bien ma chute ?

 

 

 

 

BOUT DE CIEL

 

 

Il se passe tant de choses dans un petit carré de ciel.

 

J’aime regarder mon petit carré de ciel, parce que je sais qu’il n’appartient à personne.

Il n’y a pas seulement des oiseaux se pourchassant à la saison d’amour, ni ces petits fils blancs si jolis qu’on appelle nuages, mais ce petit bout de ciel en lui-même. Un moment privilégié entre lui et moi, où le temps reste suspendu. C’est dans cet instant où je me plonge en lui et qu’il se plonge en moi que je suis vraiment heureuse. Il fond en moi comme si tout l’univers se mettait à remplir mes yeux. Il me raconte des tas d’histoires ce carré de ciel, mais je ne les comprends pas toutes. Mais ce n’est pas grave parce que, quand il entre en moi, rien n’a plus d’importance. Je voudrais le veiller toute la journée, rester accrochée à son sourire éternel.

Le meilleur c’est la nuit, quand ce petit carré de ciel est complètement nu. Alors on voit à travers. Un peu comme un fantôme sauf que le ciel ce n’est pas vraiment un fantôme. Il y a des petites lumières en son cœur, qu’il allume dès que le soleil s’en est allé. Le soleil c’est un peu sa couverture, vous voyez, pour le protéger. Et la nuit, mon petit carré de ciel se découvre. C’est là qu’il est le plus fascinant. Il montre l’infini, il montre l’éternité, il montre la mort, il montre le passé, et tout son être me fait peur. Je me fais toute petite en regardant son moi, j’essaye de savoir à quoi il pense ce petit carré de ciel. Il doit se sentir bien seul. Heureusement, je parle avec lui.

 

Il se passe si peu de choses dans un petit coin du monde.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DELIRE FERROVIAIRE

 

 

« Prenez garde à la fermeture automatique des portes. Vous êtes priés de n’y laisser ni bagages, ni quelque membre de la sécurité ferroviaire. Tout oubli volontaire ou non sera considéré comme infraction à la loi et puni comme tel. Le train s’arrêtera en plein milieu de la campagne, et vous devrez vous débrouiller par la suite pour retourner chez vous. Attention en descendant sur la voie : un train peut en cacher un autre.

Les issues de secours se trouvent à la gare. Je vous souhaite un agréable voyage en notre compagnie.

« Huruk-Haï compagny vous divertira tout au long du trajet, avec comme activités proposées aujourd’hui : dissection de gobelin (à but pédagogique, n’hésitez pas à vous approcher pour de plus amples explications) et un saut par la fenêtre sans élastique (celui qui établira le bon timing du crash remportera le gobelin disséqué).

« Bonne journée à tous. »

Tulu.

JULIE VASSEUR

 

 

 

 

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LE FILET MIGNON DE MANAUS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Nouvelle

 

Ce soir, mercredi 13 juillet 1994, Manaus la capitale de l’Amazonie brésilienne vit sans conteste, comme tout le Brésil d’ailleurs l’un des événements primordiaux de l’année.

En effet, aujourd’hui se joue la demi-finale de la compétition mondiale de football qui oppose le Brésil à la Suède.

Dans ce pays, encore plus que chez nous, le sport est roi. Deux réjouissances font battre intensément le cœur de tout brésilien : le football et le carnaval. Le touriste a nettement l’impression que ces deux activités ludiques prennent le pas sur toutes celles qui, à priori, semblent devoir assurer la bonne marche du pays.

Manaus se trouve située dans une région à très faible démographie. Pourtant depuis hier déjà, la ville est en liesse. Ce vocable n’est d’ailleurs pas assez fort : en fait c’est un euphémisme pour signaler qu’elle est en… folie.

Une foule immense déferle comme une houle. Elle occupe, colonise et investit toutes les rues de cette capitale régionale aussi peuplée que Lyon ou Marseille. L’agitation est délirante ; chacun se croise, se presse, gesticule, court en tous sens, s’interpelle et se congratule en vociférant et bien entendu une pléthore de pronostics alimente généreusement ce bavardage sonore et térébrant.

Jusqu’à une heure avancée de la nuit il est prévisible que, quelque soit l’issue de ce combat porté à la démesure, acharné, cruel et dantesque, sécrétera une rumeur incessante, se nourrissant de son exacerbation, au sein de ce gigantesque magma humain.

 

Certains touristes insensés, c’est bien connu, sont avides de tout voir de près. Imperméables au danger, avec beaucoup de légèreté et d’inconscience, ils confient leurs anatomies à cette immense marée mouvante, et se trouvent engagés dans un dangereux malstrom. On peut se noyer dans cette foule… car toute brasse ou crawl est impossible.

La moindre mésaventure qui puisse arriver aux intrépides c’est de se faire voler sa montre ou son portefeuille ou son passeport. Car, ici autant qu’ailleurs, les pickpockets… ratissent large avec une incroyable prestesse.

 

Pour ma part, j’adopte et j’écoute la voie et la voix de la sagesse en fuyant cette fièvre obsidionale et exponentielle, en demeurant à l’hôtel.

De la fenêtre de ma chambre où, de la terrasse située au treizième étage, je pourrai suivre sans danger les évolutions de la pantomime endiablée de tout un peuple… qui sera au moins heureux et sans souci pour un soir.

 

Le prologue de ce match s’étire pendant une heure ou deux et je me rends compte qu’arrive enfin la présentation des deux équipes… un peu avant l’heure du dîner. Je décide donc de monter au treizième étage où se trouve le restaurant-terrasse, car, en particulier ce soir, il est déconseillé de dîner en ville, surtout si l’on désire être correctement servi !

L’établissement n’est pas fermé… puisque la porte est ouverte. Pourtant je me rends compte aussitôt que mon arrivée surprend et paraît inopportune, car je suis et je resterai le seul client durant toute la soirée.

Les regards du personnel, réduit pour la circonstance, sont aimantés et rivés sur le petit écran. Il est à présumer que je serai ce soir persona non grata mais, sans me faire de tracas j’attends patiemment qu’un serveur vienne… prendre connaissance de la raison de ma présence !

 

Il faudra plusieurs toussotements préliminaires pour que l’un d’eux consente à regret à échapper un instant à la séduction de l’image.

Dans un portugais approximatif je lui fais comprendre que je désire déguster un filet mignon « non passado » c’est-à-dire saignant ou « bleu », avec légumes, le tout accompagné d’un excellent vin blanc, brésilien ou chilien, vin qui porte d’ailleurs souvent un nom français, coûtant environ 10 réals, soit 60 francs la bouteille. Ce désir particulier semble… aggraver mon cas. En effet les brésiliens produisent peu de vins et ce sont surtout des amateurs de bière.  

 

Ouf ! Ma commande est passée… mais je me demande si le serveur m’a bien compris, car il affiche un mutisme déconcertant et retourne vers la télévision, apparemment sans se soucier de transmettre ma commande.

A l’heure présente, des dizaines de millions de paires d’yeux, en Amérique, en Europe et ailleurs vont pouvoir admirer et savourer… la « victoire » du Brésil sur la Suède, car celui-là est le grand favori.

Pendant que j’attends, au début avec un flegme imperturbable, j’observe quelques brelans de brésiliens à la mise un peu débraillée qui attendent comme moi… un autre genre de distractions. Ils se trouvent à quelques mètres de moi, ne m’accordent jamais un regard et vident un grand nombre de canettes de bière en conversant sur le mode majeur. D’une voix truffée de tonitruance, ils s’expriment avec prolixité en ponctuant leurs propos à bâtons rompus de rires homériques et forcés à sonorité métallique.

Imbibé de ce tohu-bohu invraisemblable je ne risque pas de m’endormir, mais jusqu’à présent mon entêtement fait prime sur mon impatience.

Une bonne demi-heure s’écoule encore sans que rien ne bouge à mon intention ; suis-je un savoir ! cloporte ou un infusoire, un ciron ou un ectoplasme, ou même simplement une ombre : allez savoir !

 

A la suite d’une première réclamation on m’apporte enfin le vin blanc, de façon à me permettre d’user l’attente. Comme il est tiède, il faut que je réclame un seau de glace, impératif, qui remplit le serveur d’étonnement… mais le mien n’est pas moindre quand je vois arriver de gros blocs mal équarris dont le diamètre est presque supérieur à celui du verre !

Tout en dégustant mon vin blanc je regarde la télévision d’un œil terne car je ne suis pas un « fan » du football et, de quart d’heure en quart d’heure, j’aurai bu les trois quarts du contenu de la bouteille sans qu’apparaisse le steak tant désiré.

 

Le serveur à qui je m’adresse à nouveau vient vers moi sans empressement, un œil vif sur l’écran et l’autre vide sur mon encombrante personne ; pourvu que cela ne lui occasionne pas de strabisme divergent, me dis-je !

Bref, voyant que je perds vraiment mon calme, il se résout à alerter le maître d’hôtel qui vient vers moi en me disant : « Monsieur, sincèrement vous voulez que l’on vous serve un filet mignon », et je rétorque aussitôt « bien entendu, puisque le restaurant est ouvert, que ce plat figure sur la carte et qu’il y a maintenant plus d’une heure et demie… que je patiente sans résultat ».

Ce fonctionnaire marmonne quelques mots entre ses dents et sans autre commentaire s’en retourne d’où il vient. Peu après arrive une dame alerte et sémillante, le sourire aux lèvres, parlant un peu français. Elle aussi s’étonne que je veuille me faire servir ce plat « un soir comme celui-ci !! » Comme je maintiens ma demande, elle me quitte en me disant aimablement « je vais voir ».

Je m’entends dire en aparté : enfin, un tel retard est insolite. Si ma patience a des limites par contre mon humour n’en a jamais et j’ajoute : au fait, on est peut-être seulement en train de tuer le bœuf !

Vingt minutes s’écoulent encore et l’on m’apporte le steak tant désiré, avec un grand plat de légumes et de riz. Il y a de quoi nourrir au moins quatre personnes car le steak lui-même doit peser au moins 600 grammes. Il faut signaler qu’au Brésil la viande de bœuf de premier choix que nous payons chez nous 140 à 150 francs le kilo vaut environ 6 réals… soit 36 francs.

Maintenant il va falloir que je mange avec grand appétit une partie importante de ce plat succulent… ne serait-ce que pour prouver que j’avais vraiment faim et que mon entêtement était justifié.

 

Les préparatifs du match ayant pris également beaucoup de retard c’est au moment précis où il est procédé à la présentation des deux équipes que je m’attaque à la mastication délectable de cette viande rouge grenat, pleine de saveur.

Au cours de cette manducation il m’est donné de me rendre compte à quel point peuvent se comporter différemment deux races des antipodes : les suédois défilent dans le calme, avec sang froid et dignité alors que les brésiliens le font avec jovialité, en gambadant comme de jeunes poulains, et avec un certain air de forfanterie et de suffisance… comme si le match était gagné d’avance. De plus ils se tiennent tous par la main, attitude très américaine.

Alors qu’aucun essai n’a encore été marqué un crépitement de pétards retentit dans toute la ville. A ce hourvari assourdissant vient se mêler le vacarme discordant des klaxons. Cela paraissait assez prématuré en un temps où la victoire était loin d’être assurée.

Sans conteste la télévision brésilienne est d’une qualité inférieure à la nôtre à telle enseigne que parfois les couleurs se modifient à un tel point que les maillots prennent la place de celle des concurrents et inversement, ce qui ne facilite pas le repérage permanent des deux équipes !

Pour conclure, l’équipe brésilienne aux allures fanfaronnes gagna de justesse 1 à 0 et ce fut presque une sorte de victoire… à la Pyrrhus,… ce qui ne rendit d’ailleurs pas les joueurs moins matamores !

Je resterai à table environ trois quarts d’heure et comme je regagnais ma chambre au 8ème étage je me fis cette réflexion… mais alors si j’avais demandé un steak bien cuit, j’aurais encore attendu… au moins vingt minutes de plus !

 

Le lendemain j’ai narré ma mésaventure à mon guide brésilien. Il m’a semblé que cela allait le faire rire, mais ça ne fut pas le cas. Peut-être fut-il indisposé par mon allusion, relative aux carences de l’hôtellerie brésilienne. Désirant faire diversion il me dit simplement : « aujourd’hui 14 juillet, en France c’est l’évocation de la Révolution Française, mais ces cérémonies ne passent pas à la télévision brésilienne, car nous ne nous intéressons qu’aux choses… sérieuses ! Je me suis bien gardé d’ouvrir une polémique en observant que la susceptibilité est un grave défaut répandu sous toutes les latitudes.

 

Edouard Desmond

 

 

 

 

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2ème SOIR :

IL FAUT TOUJOURS UN PROBLEME

QUAND TOUT VA BIEN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Ce soir c’est avec un moral bien à plat que je vous écris. Pourtant, et pour une fois, je ne l’ai pas provoqué. Et bien oui, ne nous voilons pas la face : les trois quart du temps, les filles s’infligent à elles-mêmes le moral à zéro. Mais passons, là n’est pas le sujet.

 

Ne vous est-il jamais arrivé de vous sentir bien en soirée ? Si si. Vous écoutez une musique qui vous fait vibrer ou lisez votre livre de chevet du moment, que d’ailleurs vous dévorez à une vitesse inouïe. Vous n’avez rien à l’esprit ce soir, il est libre, tout léger. La journée n’était pas trop dure, pas trop stressante et vous avez fait un bon repas. Bref votre soirée est agréable. Seulement, il y a un hic. Trop bon pour que ça dure me direz-vous. C’est toujours mon cas ! C’est à ce moment précis qu’il faut qu’une « aimable » personne vienne me fracasser ma soirée. Un appel, une visite, un texto, un mail… tout est bon. Votre ex, par exemple, qui, trois mois plus tard, vous envoie un message pour savoir comment vous allez alors que c’est lui qui vous a quitté et qu’il sait que vous étiez en dépression. Et il ne trouve pas mieux après trois mois de silence que de revenir hanter votre esprit. Sadique ? Salop ? Méchanceté ? Vengeance ? Ou tout simplement inconscience ? Autre exemple : votre mère que vous n’avez pas appelé depuis 48 h qui nerveusement s’inquiète. Vous avez beau lui dire que tout va pour le mieux, elle insiste « Tu es sûre que tu vas bien ? » « C’est tout ce que tu as à me dire ? » « Tu passes quand nous voir ? » « Et ta santé ? Tu as la voie cassée ! ». Bref, de quoi vous énerver ! J’oubliais, le charmant voisin qui tout à coup fait une crise de solitude et vient squatter votre palier pendant une heure. Même en ne répondant que par des « oui » « mmmh » « ha bon », il tient quand même son monologue !

 

Bref, il y a toujours quelque chose pour vous saper le moral quand vous trouvez enfin la plénitude. À cela, il existe quand même un remède : éteindre son téléphone portable, débrancher le téléphone fixe, ne pas allumer l’ordinateur ou ne pas aller voir les mails, ne pas se connecter au chat, enlever le fusible de la sonnette et prendre garde d’avoir bien fermé les volets afin qu’on ne voit pas la lumière.

 Dès lors, votre soirée et votre nuit seront plus agréables mais gare au lendemain matin !

 

                                               Suzy Darribehaude

 

 

 

 

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LE P C

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Bien sûr que non, il ne s’agit pas du parti communiste. Ce serait un peu irrévérencieux, dans un titre, de le réduire à deux initiales. Rien à voir non plus avec l’informatique. C’est seulement ainsi qu’on appelait, affectueusement, et pour faire court, notre ami-l’ennemi, Le Père Curé.

C’était en l’an 1955, à Palavas-les-Flots, avant la poussée en hauteur de La Grande Motte, aux temps heureux où la plage était encore abordable en maints endroits, avant les constructions abusives. La colonie de vacances « Crabes et Mouettes » imposait déjà son énorme bâtisse aux petits pavillons voisins que les touristes occupaient durant l’été.

La sacro-sainte pétanque de 17 heures attroupait joueurs et badauds dans le chemin étroit qui menait au camping.

Un monsieur y sacrifiait régulièrement, en tenue adéquate, tee-shirt et short, mais assortie bizarrement de chaussettes et de chaussures noires qui tranchaient sur des mollets maigres et blancs.

Il était souvent dérangé par quelque enfant qui l’appelait « Père ». Je n’ai compris que plus tard que ce père innombrable n’en était pas un, et qu’il avait, sans complexe, adopté tous les enfants du monde. Heureusement pour lui et pour nous, il aimait aussi la gent féminine et le pastis.

A notre première dégustation, suite à une Fanny qu’il fallait laver, je mis les choses au point. Il était un curé, nous étions résolument athées. Il eut l’air absolument ravi ! Se sentait-il une âme d’évangéliste qui se met, aussi sec, au repêchage des âmes perdues ? Non ! Je n’en eus pas l’impression. Il trouvait seulement reposant, peut-être drôle, d’être loin de ses paroissiens, de côtoyer d’autres gens, de renouveler l’intérêt en quelque sorte. Il n’était pas de service, tout simplement. On le lui fit bien voir ! Tout ce qui pouvait le choquer, en taquinerie s’entend, fut dûment exploité par les chipies que nous étions. Rien à faire, il était ravi ! Et dans ce jeu, quelque peu pervers, prit naissance une belle amitié.

Nous hantions ses pensées. Il parlait de nous en chaire, sans nous nommer bien sûr, pour affirmer que certains athées valaient mieux que certains chrétiens. Avec nous, aucun prosélytisme direct. Je crois qu’il nous aimait.

Il ne tarda pas à nous associer à toutes les sorties de la colo. Celle de Méjanes-le-Clap fut de célèbre mémoire. Notre PC, déjà enclin à la chose, fut légèrement éméché et gentiment aguicheur. Paix à son âme, le pauvre ami n’est plus. Il sourirait à cette évocation. Une certaine faiblesse, reconnue, vous grandit parfois un homme.

Nous étions invités souvent aussi aux diverses agapes, et quand nous étions à table, on supprimait le « bénédicité » pour ne pas nous gêner. Je crois savoir que le Très-Haut a pardonné derechef à son fidèle serviteur.

Un jour nous crûmes bien l’avoir fâché.

Il adorait les blagues, et c’était monnaie courante que de voir disparaître pour quelque temps, notre matériel de jardin ou notre faitout en cours de mijotage.

« On a volé le lapin ! » criait la marmaille faussement effarée. Mais le lapin continuait sa cuisson à la colo dans une superbe indifférence. Et c’est là que notre riposte a fait mauvais effet. Nous lui avons volé sa soutane !

En avait-il un besoin immédiat ? Etait-ce un sacrilège ?

Il a bien failli le prendre mal !

Et puis un jour il arriva que sa hiérarchie le jugeât trop vieux pour diriger le centre. Il tenta de s’assurer dans la maison une chambre pour, l’été, passer d’éventuelles vacances à nos côtés. Mais nous n’avons pas compris son appel. Nous avions envie de bouger un peu. Nous irions en Provence plutôt. Il avait vingt ans de plus que nous. Il voulait se ménager un cocon, nous avions besoin d’air.

Le serrement de cœur de la séparation fut sans lendemain pour nous. Quelques coups de fil, un courrier qui s’étire… Et voilà quinze étés consécutifs balayés d’un revers de décision, sans raison valable. Nous étions encore trop jeunes pour mesurer.

 

Par la suite, nous avons eu les nouvelles suivantes : « Libéré » de sa paroisse dont il était chanoine, il avait été affecté dans un couvent, comme aumônier je présume. Il s’y était montré exigeant, autoritaire, voire odieux. Son neveu, qu’il avait couvé pendant ses jeunes années, ne le supportait plus. Sa mort fut une bénédiction pour l’entourage.

Les avis de décès, dont il avait prévu l’envoi en une liste très complète, ne parvinrent à personne…

Et voilà l’histoire banale de notre PC, dont la forte personnalité nous avait impressionnés, que nous avions lâché, puis totalement oublié.

C’est bien là notre infirmité à nous, nous ne savons guère aimer longtemps, ni très fort.

 

                                                                                               Paule Lefebvre