SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N°23

 

21 22 23 24 25 26 27 28 29 30

 

Septembre Octobre Novembre  Décembre  2007

 

 

Illustration BD page 2

Patrick MERIC

JEUNES

Toc ! Toc ! Toc et Tut Tut  page 3

Collège Renaud-Barrault

Zéro à l’alcool  page 3

Collège Renaud-Barrault

J’ai vu  page 3

Ecole Ferdinand Buisson

Le poids du silence et Blessée  page 4

Stéphanie BONNEVILLE

Grégory  page 5

Fanny CANONNE

Le camping  page 6

Thomas WANESSE

Le Père-Noël est absent page 6

Sébastien DELPORTE

 

 

HUMOUR ET PATOIS

Mimile et les courts jours page 7

Charles LEMAIRE

Pouquo mi page 8

Hector Melon d’Aubier*

Inne tiote pinsée ed su l’s échassiers page 9

Francis LESAGE

 

ADULTES

Le temps passe  page 9

Véronique ROBERT

L'amour de l'écriture à la lecture page 10

Daniel JACQUEMIN

Le verbe aimer page 11

Geneviève BAILLY

L'armure et le chien page 12

Les Granges

La reine de mes pensées  page 13

Anthony CANONNE

La plage en hiver page 14

Georges RATEL

Tout est jeu page 15

Brigitte CAPLIEZ

Marcher  page 15

Brigitte CAPLIEZ

Le Pitre page 16

Roger DEVILLERS

La nuit des grillons page 17

HERTIA-MAY

Mon amant page 17

Floriane KUROWIAK

Les saisons de la vie page 18

Charles-Jean JACQUEMIN

Les mots-maux page 19

Marie-Antoinette LABBE

Lassitude page 19

Thérèse LEROY

Nos ancètres page 20

Gilbert de SAINTE MARESVILLE

Le moissonneur page 21

Marcel LESAGE

Point du jour page 22

Francis LESAGE

Cadeau du ciel page 22

Christelle LESOURD

Naissance page 23

Jean-François SAUTIERE

De vivre page 24

 

SAINT-HESBAYE

 

NOUVELLE

Le corbeau et la pie page 25

Yann VILLIERS

Dans ses yeux page 26-27

Pascal BIRDY

A la mémoire de mon mari page 28

Thérèse LEROY

Un incroyable voyage page 31

Mlle BARDIAUX

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Page 3

COLLEGE RENAUD-BARRAULT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

TOC ! TOC ! TOC !

 

Mamie arrive

Attention !

Mamie attention !

Tu vas tomber

Dans les escaliers.

Boum ! Boum ! Boum !

Sur les billes d’Anthony

Gliiing ! Gliiing ! Gliiing !

Heureusement

Papa la rattrape !

Ouf !!!

 

Vanessa

 

 

TUT TUT

 

Vrrrrrroum

Mon grand frère est content

Il essaie sa voiture

Tut tut

iiiiiiiiiiiiiiii.

 

 

Geoffrey E

 

 

ZERO A LALCOOL

 

Zéro à la conduite

En état divresse

 

Zéro à la bagarre

Des jeunes

Alcooliques

 

Zéro au décès

De son frère au volant

Zéro aux ravages

Foie malade garanti.

 

Karim

 

 

 

 

Page 3/a

J’AI VU DE MA FENETRE :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

J’ai vu une chouette

Qui faisait de la trottinette.

 

Il y avait un escargot

Qui faisait du vélo.

 

Il y avait un papillon

Qui mangeait un melon.

 

Il y avait un arc en ciel

Qui avait des ailes.

 

Il y avait un crocodile

Qui se faisait les cils.

 

Il y avait une fleur

Qui était belle comme un cœur.

 

Mathilde

Ecole Ferdinand BUISSON

 

 

 

 

Page 4

BLESSEE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Comment vas-tu réagir ?

Comment pourrais-je réussir ?

Sachant que tu seras là,

Mais en aucun cas pour moi.

 

Il n’y avait pas de mensonges,

Uniquement des secrets

Qui devaient rester cachés,

Mais rien n’aurait changé.

 

Ce sont des éclats de verre

Qui aujourd’hui sont à terre,

Chaque jour je les ramasse,

Et chaque jour ils me blessent.

 

Comme la pluie sur les pétales,

Mon sang glisse, finit par tomber,

Il n’y a pas que mon âme

Qui désormais est blessée.

 

De Stéphanie BONNEVILLE

 

 

 

 

Page 4/a

LE POIDS DU SILENCE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Une page blanche

Posée devant moi,

J’aimerais t’écrire

Mais je ne peux pas.

C’est un mot d’Amour

Ecrit sur mon corps,

A jamais enfoui,

Enterré sous terre.

 

Et je la chiffonne

Après avoir écrit,

Tellement d’effort,

Je tourne en rond.

 

À quoi bon y croire,

Ce fleuve qu’est la vie,

 

Un jour se termine,

Un nouveau regard.

 

Toujours ce papier,

Sentiments dévoilés,

Taché de larmes,

C’est mon histoire.

De Stéphanie BONNEVILLE

 

 

 

 

Page 5

 

        GREGORY

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Toi qui nous as quittés

 

De temps en temps, on verse des larmes

Quand on écoute tes chansons.

Et très souvent,

On sèche nos larmes pour te regarder,

 et on se dit :

 

Restons Amis,

Le temps que plus rien ne fasse mal

Le temps de se voir sous un jour différent.

Restons amis

 

Des fois on se demande :

Quel est ce lien qui nous tient vivants dans ce monde ?

Rassurez-moi

Si les douleurs nous rendaient meilleurs

 

Racontez-moi :

Quest-ce que Recevoir ?

 

Si vous ne pleurez pas devant les femmes

Quon opprime et quon affame

Si tu n’éprouves pas de la douleur

Devant cette peine qui est la leur

Si tu ne verses aucune larme

Si tu nes envahi de chaleur

Alors fais-toi greffer une âme

Alors fais-toi greffer un cœur.

 

Ce poème est inspiré de ses dernières chansons.

 

                        Fanny Canonne - 12 ans

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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LE PERE NOEL EST ABSENT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Un jour, le père Noël était prêt à partir

Quand, soudain, il glissa et resta bloqué du dos.

Donc, il ne pouvait pas faire sa tournée.

Comme il avait mal au dos, il partit se coucher

Et il confia une mission à un elfe.

Cette mission était dappeler tous les enfants

Pour dire quil ne pourrait pas passer cette année.

Les enfants étaient tout tristes.

Une fée arriva pour guérir le père Noël,

Et lui jeta un sort.

Le mal de dos du père Noël était fini,

Et il put faire sa tournée.

Tous les enfants étaient joyeux.

 

                       Sébastien Delporte

 

 

 

 

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LE CAMPING

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Il était une fois un camping fort, fort lointain.

Dans ce camping il y avait 100 places pour les caravanes et les mobil-homes.

Mais dans ce camping il y avait une caravane toute seule en dessous d’un arbre tout abîmé.

Dans cette caravane vivait un homme seul qui rêvait de quitter ce camping

pour vivre dans une grande maison.

Un jour, il vit une grande maison à vendre.

Et il eut cette grande maison qu’il voulait tellement.

Après il a trouvé une femme.

ls se sont mariés et ils eurent des enfants.

Ils en ont eu deux : deux enfants qu’ils ont appelés Clément et Clémence.

                        Thomas Wanesse

                             9 ans

 

 

 

 

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MIMILE et les COURTS JOURS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

        L’ solel’ y est devenu paresseux,

Y n’a pus l’ forch’ eud’ passer au d’ssus des masons ; y ara à pein’ caressé l’ gelée blinqu’, euq déjà, y ira s’eur couquer.

L’ frodure et les nuits à rallonches : In va vers chés courts jours, et ch’ n’est pas d’ gaieté d’ cœur.

        Pourtint, mi j’eurpins’ à un, quéqu’un qu’y étot fin cotint à chés momints là. Ch’étot pas hier ; ch’étot avint l’ guerre eud’ 40.

 Un gamin, l’ pu vi’ux d’ein fort’ famil’ : Mimile, qu’y s’appelot.

Acoutez-le :

        « Cha y est : Le pus dur y est fait. J’ai aidé min père à rintrer les truches, les carottes bin ringées à l’ caf’ dins du sap’.

Incor’ quequ’ jours à faire des bojettes d’haricots, à lier les bouquets d’all et d’ognons. Et pis, vu qu’in n’ peut pu travailler l’ tierre,

j’arai l’ drot d’aller à l’école. Comm’ tous l’ z’ans, ch’ s’rai dins l’ pus tiot class’ : forchément, ch’ sais pas lire, j’ bute à tous les mots ; l’ z’autes y vont rire eud’ mi ; y dites que ch’ sus un grind dadais.

Mais j’ m’in fous : Ch’ maîtr’ y les fait tair’ ; Y m’aim’ bin ; y m’ gard’ à la récré pour que ch’ finich’ mes lines d’écriture. Si ch’ prinds trop d’incr’ aveuqu’ eum pleum’ et que ch’ fais un vilain pâté, y fait les gros y’ux, mais y est pas méchint, y sait bin qu’ ch’est pas deum’ faut’ : J’ai des gros dogts et d’ z’injlures. A m’ mot’, j’eum’ dis, qu’ si y est si gintil aveuqu’ mi ch’est pars’ que j’y fais un biau tableau, bien lavé, et pis qu’ ch’est mi qui alleum’ euch’ fu d’ bonne heure au matin, que ch’ sais bin l’ faire ronfler quind y gèl’ fort. Ch’ maîtr’ y voudrot tant que j’ n’ minqu’ pas l’école ; mi aussi, j’aimeros bin… Mais y a beau faire, quind y s’eurmettra à faire bon, min père y ara b’zon d’ mi pou sin gardin. »

Et ch’est pour cha qu’ Mimile, pus tard, y a jamais su treuver ein bonn’ plach’. Alors y donne un queu d’ main, par chi, par là, pour ses nourritures. Pour mi, ch’est un pauf’ sacrifié, et cha m’ fait deul pein’ quind’ j’intinds quéqu’un qui dit d’ li, in s’ moquint « Mimile ? Y a été à l’école dins chés courts jours ! »

                                                                  Charles Lemaire

                                                                  Cambrai

 

 

 

 

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LE TEMPS PASSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Le temps passe passe lentement

Le temps passe passe évidemment

Rien ne viendra entraver

Ce lent cheminement

Pas même les épouvantables blessures

Pas même les interminables brûlures

Tous ces moments, les pires soient-ils

Finissent par s’endormir tranquilles

Pas d’oublis

Pas de fuites

Seulement, une cicatrice.

 

            Véronique Robert

 - Elincourt

 

 

 

 

 

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INNE TIOTE PINSEE ED SU L’S-ECHASSIERS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Daronn-mint, dins ls-invirons, in a vu des cigones dins des pâtures et pis aussi su ed s intennes ed télévisian..

Après inne paire ed craquettmints, alls sont parties ed bon matin.

    Ç’ n’étot quin passach EPHEMERE avouons-le.

 

    Nous, à Caudry, in a des grues

Grinnes, belles et fortes, alls aident pou bâtir ben des logmints. Sins manière ed leu long bec, alls lièv-tent d lourds fardeaux, alls font ben du boulot.

    Cest pos pou dire, ça c’é lAVENIR, hein !

 

 

                          Francis Lesage

 

 

 

 

 

 

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L’AMOUR

DE L’ECRITURE À LA LECTURE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

La chevelure aux pages blanches

Où on écrit des textes d’amour

Où gratte son ami le stylo à plume au sang bleu.

Il glisse sur sa chevelure

Il lui murmure des phrases secrètes

Qui formeront des lignes, sur des pages vierges

Ou peut-être innocentes.

Car les lignes qu’on écrit, ça veut dire tout,

Pour toute la vie d’une page blanche.

Combien il y aura de pages mortes,

Avant que l’on arrache ses feuilles blanches ?

Avant que la fin de la chevelure meure !

Il y a un texte écrit ou un livre,

Tout ça donne une histoire à lire,

À chanter ou à réciter.

Le couple sera parfait.

Les pages blanches sont ses amies,

Le stylo plume au sang bleu.

Dans le fond, infiniment,

C’est l’homme qui écrit son texte.

Le stylo à plume, dans le fond,

Son cœur, c’est sa plume.

Et la page donne ses lignes à l’infini

Car tout cela sera à découvrir jusqu’à l’infini.

 

Daniel Jacquemin

 

 

 

 

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LE VERBE AIMER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

De saisons en saisons après les épousailles,

D’un édredon moelleux à la porte du four,

Et des odeurs de soupe, en obscures chamailles,

Du fond de la marmite… il repêche l’amour !

 

C’est le lien éternel aux multiples visages,

Rebrodé de tendresse au fil de chaque jour,

Entre la polémique et les raccommodages,

Un mélange étonnant de sarcasme et d’humour.

 

Pour les bleuets offerts au détour d’une route,

Bouquet de souvenirs des campagnes d’antan,

Il laisse s’envoler la rancune et le doute,

Sous le charme imprévu, d’un romantique instant.

 

Et puis bravant les flots quand l’océan délire,

Il sauve le bateau d’un élan vertueux,

   Le ramenant au port avant qu’il ne chavire,

Pour un chant de sirène assez voluptueux…

 

Dans les quatre saisons des chemins d’aventures,

Du berceau de la vie, au départ sans retour,

Il palpite en nos cœurs par-delà nos blessures

Et vibre, à tous les temps, ce verbe de l’amour.

 

                    Geneviève Bailly

 

 

 

 

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L’ARMURE ET LE CHIEN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Dieu que ma jeunesse est à l’étroit dans cette armure,

Qu’elle est lourde à porter, qu’elle gêne aux entournures,

L’armure des ans, l’armure du temps qui passe !

 

Au début elle n’était que simple carapace,

Elle était aisance et donnait de l’audace,

L’armure des trente ans, des joies et des folies.

 

Encore un peu fragile elle devenait la belle,

La cible préférée des jeunes demoiselles,

L’armure des quarante ans, celle de tous les dangers.

 

Puis avec le temps elle était devenue assurance,

Pour se transformer ensuite en connaissance,

L’armure des cinquante ans faisait autorité.

 

Mais les ans la faisant de plus en plus pesante,

Mes pas devenaient courts et ma démarche lente,

L’armure des soixante ans manquait d’agilité.

 

Elle s’est tant alourdie la bougresse,

Pendant qu’elle atteignait le temps de la sagesse,

Que l’armure des soixante-dix ans avouait sa faiblesse.

 

Alors comment peuvent survivre dans un tel carcan,

Tant de passions, tant d’envies, tant de sentiments ?

Comment expliquer que l’armure cache une âme d’enfant,

Ou qu’à travers la visière de mon heaume, souvent

Je regarde les femmes avec mes yeux d’adolescent ?

 

Tout cela tient à mon miroir magique,

Où je me ressource chaque jour

Et qui ne reflète que l’amour.

Quand je me penche vers lui, c’est lui qui me contemple.

Miroir partial, attentionné et délicat,

Je deviendrais lépreux qu’il ne le verrait pas.

 

Ce miroir magique qui ne reflète qu’en beau, qu’en bien,

C’est le regard de mon chien.

 

                                                Les Granges  

 

 

 

 

Page 13

 

LA REINE DE MES PENSÉES…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Depuis presque une semaine, mes pensées ont trouvé leur souveraine…

Poème…

 

La souveraine de mes pensées

A un nom.

 

Reine de mes nuits,

Elue de mon cœur,

Impératrice de mes rêves

Non, je ne peux rien y faire,

Elle m’a conquis…

 

De mon cœur,

Elle a fait son Versailles.

 

Ma vie aurait-elle trouvé un sens ?

Et bien, peut-être,

Sa personnalité me fait dire Oui…

 

Pour moi, elle pourrait

Etre essentielle.

N’importe où, n’importe quand,

Sur Terre, dans mes rêves

Elle domine tout chez moi.

Elle a remporté la bataille.

Si seulement elle pouvait remporter

la guerre de mon Cœur…

 

                       Antony Canonne

 

 

 

 

Page 14

 

LA PLAGE EN HIVER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Un vent sec et guerrier

Courbe les argousiers

Et peigne les oyats

Dans les dunes, tout là-bas.

 

Il dessèche le sable,

Le pousse, imperturbable,

En longues traînées blanchâtres

Comme une poudre d’albâtre.

 

Une mouette rieuse,

Pour une fois silencieuse,

Sur une patte, l’air absente,

Résiste à la tourmente.

 

Sur le bord de la mer,

Elle guette le moindre ver

Qui pourrait, sans méfiance,

Lui servir de pitance.

 

Elle songe aux jours passés,

Au mois d’août envolé,

Où un soleil ardent

Se montrait très présent.

 

Où sont les jours radieux,

Les longs vols silencieux

Au dessus de la plage,

Dans un ciel sans nuages ?

 

                                                                 Georges Ratel

                                                                                                              Croisilles

                                                                                                              31 décembre 2006

 

 

 

 

Page 15

 

TOUT EST JEU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Tout est jeu !

Jeu de dés

Que je jette !

Courage

Que je guette !

Dés qui roulent

Jeu qui coule

Un jeu fou !

On s’en fout !

De ce jeu

Qui se joue.

Dans ce songe

Ça nous ronge

De partout !

C’est ce jeu

Jeu de dés

Qui se jettent

Comme je

Qui s’

Émiette…

 

Brigitte  CAPLIEZ

 

 

 

 

Page 15a

 

MARCHER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Marcher pour aller où ?

Pour aller jusqu’au bout

Jusqu’au bout de nos rêves

Et qu’ils n’aient pas de trêves.

 

Marcher jusqu’à demain

Et sentir le matin

Naître au creux de tes mains,

Comme dans un écrin.

Pour sentir tout autour

Le soleil de l’amour.

L’emporter sur ton dos,

Le semer aussitôt.

Au creux de ces chemins,

Par-dessus les jardins,

Les enfants endormis,

Sur ce qui fait la vie !

 

Puis, toutes voiles dehors,

Regagner ton port !

Avec comme trésor,

Les cris de vie du corps…

Brigitte CAPLIEZ

 

 

 

 

Page 16

 

LE PITRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Paillettes d’or et chapeau blanc

C’est moi qui attire les enfants.

Je les amuse et les fait rire

C’est moi que l’on nomme le pitre.

 

Je m’amène, bien doucement sur piste

Avec mon tout petit violon.

Quelquefois, j’ai l’air un peu triste

Mais pour vous, que ne ferait-on !

 

Pourtant hélas, mon cœur est triste

Celle que j’aime ne m’aime pas.

Vous seuls enfants, aimez le pitre

C’est pour cela que je suis là.

 

Mes larmes tomberont sur la piste

Car je dois pleurer en riant.

Pour toujours, je serai le pitre

Pour vous tous, mes chers enfants.

 

Roger Devillers

Bertry,

03 septembre 1976

 

 

 

 

Page 17

 

LA NUIT DES GRILLONS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

La nuit des grillons me berce d’amertume

La nuit grouille d’amours dans les foins

La nuit grille au vent sec.

 

La fenêtre reste allumée dans la nuit qui me grise

Carré magique éclairant mes rêves

Mes rêves blottis au creux de la nuit.

 

La nuit des filles me berce d’inquiétude

La nuit fouille les amours dans les coins

La nuit file au vent doux.

 

La fenêtre reste allumée dans la nuit

Qui veille la fille au triangle magique

Rêve blotti derrière la fenêtre.

 

La nuit baille sur le sentier odorant

La nuit des grillons me berce d’amertume.

La nuit brille à la fenêtre de la fille.

 

                                          Hertia-May

                                          Été 1976

 

 

 

 

Page 17a

 

MON AMANT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

J’ai le cœur qui bondit de haut en bas

Il bondit de sentiments et de tracas

Ne sachant où aller de-ci de-là

Le bonheur est passé mais il reviendra

Toi tu passes comme un souffle dans ma vie

À peine le temps d’un peu de profit

Chaque moment est si précieux et précis

Que je n’ai jamais le temps de te donner mes envies

 

Je vole quelques-uns de tes sourires

Je vole des caresses et c’est peu dire

Si je pouvais je volerais ton cœur et tes soupirs

Mais tu t’enfermes dans le temps avec tes propres désirs

 

Peut-être l’inconscience du bonheur que tu peux offrir

Ou l’inconstance de ta vie qui te fait fuir

Je fais peut-être fausse route à te suivre

Mais être avec toi est un réel plaisir

 

Floriane Kurowiak  6 mars 2004

 

 

 

 

Page 18

 

LES SAISONS DE LA VIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

L'hiver est le frère de notre sœur la mort

Il est le royaume de l'immortalité.

Il est la fenêtre de l'invisible bord ;

Le bateau qui mène à notre éternité.

 

Le printemps est soutien des espoirs enfantins.

La sève qui monte, renouveau de la vie.

La joie de notre âme en quelques clairs matins.

Il est le frêle esquif des rêves inassouvis.

 

L'été, saison de la claire lumière.

C'est l'effort, c'est la peine et les travaux ardus.

Les tracas, les soucis et les douleurs amères.

Il est le paquebot des bons désirs perdus.

 

L'automne, saison de la dernière espérance.

C'est la médiation sur les talents reçus.

La salle d'attente du bateau en partance.

Chargé du lourd fardeau de nos espoirs déçus.

 

Les saisons sont les pas de l'horloge du temps.

Elles nous emportent vers le ciel attirant.

Pour être présentés au seul Dieu immanent.

 

Oh ! Combien sont-elles ces brebis perdues,

Qui se sont égarées sur la terre qui tue,

Oh ! Mon divin berger, porte-les en ta nue !

 

Joies, peines, misères c'est le lot des humains,

Qui toujours avancent vers l'éternel matin

Vers l'ultime début du réel, du divin.

 

Jean-Charles JACQUEMIN

Alias Jean-Charles De Beaumont

 

 

 

 

 

Page 19

 

LES MOTS-MAUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Écoute voir un peu

À quoi servent les mots

Si tu ne trouves pas d’écho

Écoute voir un peu

                       Si comme la feuille en automne

                       L’espoir ou le rêve disparaît

                       Si s’évanouissent les projets

                       Cette vie n’est plus bonne

À quoi servent les mots

Si celui, plein de courage

Qui met tout son cœur à l’ouvrage

Pauvre misérable se perd

                       À considérer comme normales

                       Les guerres inutiles

                       À étendre le remords social

                       À se perdre sous un fil

                       Comment du réel s’arracher

Pour ne pas suffoquer

De la funambulie s’échapper

Pour ne voir que sa fratrie

                       Arrête, arrête

                       N’écoute plus rien

                       Ne regarde plus rien

                       Espère, espère et considère

                       Qu’on ne se paie pas avec des mots

 

                       Marie Antoinette Labbe

 

 

 

 

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ECLATS D’AME

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Chaque jour qui s’achève est un jour perdu

Chaque nuit qui commence un espoir qui s’éteint

Chaque jour qui s’enfuit un désarroi croissant.

 

Et ma vie se poursuit comme une feuille morte

Au soleil des étoiles froides et sempiternelles

Et ma vie se poursuit, continue son chemin,

Peu à peu s’achemine, vieux parchemin jauni

Roule son habitude.

 

Thérèse Leroy

22 Avril 1973

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Nos ancêtres nous ont laissé un patrimoine.

Il faut le préserver, le faire savoir, le respecter.

Dans l’écomusée de CAMBRAI on se souvient

qu’autrefois la France rurale avait une richesse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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On avait une nombreuse famille         on avait chacun un lopin de terre

On démariait les betteraves               on charriait avec le cheval en gare

On n’avait pas le remembrement       on avait la charrette à chien (transport)

On allait au puits chercher l’eau        on cultivait avec 2 grands mulets

On n’avait pas le courant électrique   on a été élevé au lait de maguette

On sonnait les cloches (la messe)      on nous jouait de l’harmonica

On avait le four à pain de ménage      on tuait le cochon 2 fois l’an

On faisait son service militaire           on était fier d’être soldat à 20 ans

On avait les marres aux villages         on parlait partout le patois local :

On portait 3 ans le voile noir (deuil)   "on va al série jué à carte à mo A.C"

On s’éclairait à la lampe à pétrole      on avait la cheminée au feu de bois

On n’avait pas d’allocations familiales        on circulait à pied, à bicyclette

On mangeait une tranche de lard       on griffait la tartine avec du saindoux

On n’avait pas de fiche de paye        on n’avait pas de congés payés

On n’avait pas d’accident de la route         on n’avait pas voiture, avion, TGV

On avait l’air pur en campagne          on ne connaissait pas la drogue

On n’avait pas de salle de bain          on avait la tinette dans la cour

On n’avait pas de sécurité sociale     on n’était pas remboursé par la sécu

On n’avait pas de pelouse à la maison        on agrandissait le jardin ! le confort

On n’avait pas les routes goudronnées       on ramassait les silex pour chemins

On n’avait pas la télévision à la maison       on n’avait pas le téléphone portable

On portait blouse grise et galoches    on portait le béret à l’école des garçons

On buvait la bistouille à l’estaminet             on faisait la prière en famille

On respectait les biens, *on se mariait*       on ne connaissait pas le divorce

On avait au village :        le charron, le maréchal, le tailleur, le bourrelier

On avait     le Curé, le bedeau, le charpentier, le remède de grand-mère

On était heureux avec notre sort.       (Va dire tout cela à tes petits enfants !)

 

C’est pour toi MAMAN que j’écris ces lignes,

ton garçon Gilbert de Sainte Maresville CAMBRAI.

 

 

 

 

 

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Chaque année à Carnières, la fête de la moisson était animée par un orchestre patoisant.

 J’y ai rencontré Edmond Tanières. Il m’a invité à écrire quelque chose pour célébrer cette fête.

 Je me suis souvenu que mon arrière grand père avait proclamé -à ce qu’on m’a dit- : « Tant que je vivrai, la batteuse n’entrera pas dans ma ferme ! »

 C’est ce qui m’a inspiré, décevant un peu les organisateurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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LE MOISSONNEUR

 

Quand le soleil, dessus la plaine,

Dorait l’avoine et le froment,

De la moisson venait la peine

Entre l’aurore et le couchant.

Parce qu’il avait les bras solides

Et le courage tout autant,

Parce qu’il était d’humeur timide

Il s’en allait seul dans son champ.

Avec la serpe ou bien la faux,

Avec la fourche et le râteau,

Il moissonnait de ses mains seules

Pour ne laisser que les éteules.

Parce qu’ainsi faisait son père

Et qu’il aimait bien ses parents,

Il a peiné dessus sa terre,

Si longtemps qu’ont duré ses ans !

Parce qu’il était de foi rigide

Et de courage tout autant ;

Parce qu’il avait les bras solides

Entre l’aurore et le couchant :

Parce qu’il avait un cœur vaillant

Qui battait fort dans sa poitrine.

Il a dit : non à la machine,

Il est resté seul dans son champ.

Sa moisson était sa prière,

Le travail son contentement,

Mais il repose au cimetière,

Et la machine est dans son champ…

Juste le temps d’un seul couchant !

 

Marcel Lesage  

 

 

 

 

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POINT DU JOUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Quand l’aurore ouvre un œil

Là-bas en Orient

Que l’aube en fait autant

S’annonce le jour au seuil.

 

L’engoulevent s’endort

Le mâle rossignol

De sa branche s’envole

Et charme sans effort.

 

De Rio à Pampelune

De Bombay à Pavie

Naît en son heure la vie

 

Et dans une folle ronde

Bat le grand cœur du monde.

Le soleil est fortune !

 

Francis Lesage

 

 

 

 

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CADEAU DU CIEL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Qui pouvait le prévoir ?

Tu viens à peine de me dire au revoir

Et me voici obligée de mûrir

Mon ventre s’est mis à frémir

Puisque dans tes bras,

Je suis devenue femme

Plus droit aux états d’âme

Je ressens déjà son aura

Me redonner foi

Et parfois même la joie

Moi qui ne m’y attendais pas

Demain, je serai Mère

Moi, qui n’en désirais pas

Je devrais être amère.

Un bébé sans père

Un bébé tombé du ciel

Ce n’est pas un impair

Mais, un cadeau de l’éternel.

 

Christelle Lesourd

 

 

 

 

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NAISSANCE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Lisa lisait sous l’yeuse, lascive,

Des vers d’Ovide à vif sur le velin.

Soif de savoir ! Au désert d’or sans fin

D’un rêve d’oasis source l’eau vive.

Pour elle seule s’offre le livre ouvert

Au monde issu de ses Métamorphoses.

Blanche, sa main laisse échapper des roses

Et mille échos dont l’amour seul se sert.

 

Quel vent divin avive son visage

Sinon celui qu’un pur bonheur souffla ?

Fête des mots au faîte du voyage :

Lisa s’enlise et n’en peut rester là.

 

Qui de son cœur, conque, fera conquête

Hormis poète au regard suranné

Dont la sagesse assignée et secrète

Force au respect tout bel esprit bien né ?

 

Elle, sait bien, ayant sondé son âme,

Lequel aura ses charmeuses faveurs.

C’est la rencontre au terme de la trame…

 

Demain seront les fragiles bonheurs.

 

Jean-François Sautière

 

 

 

 

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DE VIVRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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De vivre l’été perdu dans les longues herbes

Parmi la turbulence des sauterelles

Vrillant leurs trilles

Au pont de la cascade

Où l’eau émet un bruit de moyeu

Et d’huile chauffée

 

Jusqu’aux talus onglés de coquelicots

Comme des flammes-de-sang

 

Mêlées aux reflets solaires

Qui cachent le sabbat des frelons

Piquant les génisses de Cérès

Et de grimper à la cabane

 

Nichée dans les fourches du grand noyer

Où la mésange des chenilles toise la peau du ciel

 

De vivre la saison des chaumes

Lorsque la lune telle un ergot d’albâtre

 

Où s’accrochent les nuages d’araignée

Veille aux gibiers traqués même par le vent

 

Par le vent d’amour

Par le vent intransitif des êtres intraitables

 

Par le vent d’homme barbare où souffle

La torture des séquestrés

 

Par le vent qui vêt de moussures rousses

Le cœur du mal

 

Par le vent noble des plantes

Qui veulent vivre

 

Et vivre libres

Au vent immatériel.

 

Saint-Hesbaye

 

 

 

 

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LE CORBEAU ET LA PIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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« Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute ? »

Et ce fromage-ci vaut bien que je le goûte !

Mais il n’est pas midi, c’est trop tôt, attendons…

 

Tiens ! Voilà Dame Pie ! Hélons-la, plaisantons.

 

-                 Mes hommages, chère amie,

                      Toujours aussi jolie !

                      Venez voir quelle folie

                      J’ai sermonnée ce jour.

-      Permettez, dit la Pie à son tour,

Qu’à Monseigneur Renard je fasse aussi ma cour…

Aujourd’hui je vous trouve une mine réjouie,

Un port de tête aimable, une grâce inouïe ;

Et, si je ne savais que mes respects sont

D’un trop modeste poids, je dirais : « Votre front

Semble orné d’un diadème de gloire,

A connu victoire après victoire.

Quel heureux événement

Peut vous rendre aussi content ?

-      La chose en soi, dit l’autre,

Faisant le bon apôtre,

Est simple en vérité,

Mais j’y mets ma fierté.

Du Corbeau, cet imbécile,

Remplissait un perchoir de sa masse inutile

Et tenait en son bec un fromage odorant.

-      Votre Majesté, lui dis-je en approchant

D’une auguste façon, occupe cette cime.

Votre maintien est fier, royal, sérénissime ;

Vos sujets, à l’envi, doivent tous vous servir

Avec un grand honneur et beaucoup de plaisir.

Permettez qu’à mon tour j’apporte mes services :

Dites un mot, parlez, que votre voix remplisse

Et mon cœur d’allégresse et la terre de peur ! »

 

L’animal, à ces mots, défaille de bonheur.

Il entrouvre le bec et lâche le fromage.

Et, subitement rendu sage,

Au Corbeau,

Tout penaud,

Fit la morale aussitôt.

-      Mais pourquoi partir si vite, chère amie ?

Ce n’est pas que vers vous je m’ennuie,

Mais le Corbeau, pendant votre discours…

Vous a soustrait le fromage à son tour !

Je l’entends qui m’appelle et m’invite

A venir le déguster de suite ! »

 

Quant à vous, interprétez ses cris :

                      Tel est pris qui avait pris !

Yann Villiers

 

 

 

 

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Dans ses yeux… (De Buis… à Montbrun…)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Je suis devenu, pour elle et dans son regard d’enfant, le Prince de la campagne, le Sauveur des animaux sauvages… Un héros… moderne. Un Noé sans eau et sans reproche… Alors, pour son admiration sans limite, pour ses yeux encore brillants de gratitude et pour la reconquête de son grand cœur, je peux laisser courir en liberté ces quelques mots pour la remercier d’être… tout simplement.

Les phares aiguisés découpent la nuit et recalculent sans cesse la nouvelle route qui se dessine d’ombres fugaces et d’épaisseur de brume. Le vide abrupt s’imagine dans les profondeurs, derrière le parapet, ce petit mur inutile… sans aucune prétention de vouloir retenir une voiture assoupie ou trop nerveuse. Il est dans le ciel trop d’étoiles éclairées pour m’attarder aux paysages obscurs et je garde mon attention pour cette bande noire qui se rétrécit au fil de mes yeux fatigués. Des fantômes d’arbres et de rochers perfides jaillissent de la pénombre blanchie et s’animent au bord de la route comme des monstres dérangés dans leur sommeil incertain.

Le gravier blanc s’amuse à craquer dans les virages, ces épingles à cheveux qui enferment les plus belles crinières dans des chignons austères. Même la musique est confuse et se tait pour l’intérêt de cette conduite pénible. Soudain, une fouine, partie fouiner sans doute, s’enveloppe dans la lumière sans se départir de son voyage nocturne. Elle doit bien connaître quelques poulaillers accueillants, elle doit bien se permettre quelques festins de plumes d’oreiller et je la croise en douceur sans froisser son pelage luisant et sans savoir encore que cette route est un vrai zoo… Manon est plantée sur son siège, les yeux écarquillés pour cette leçon de nature en direct. Cette bête sauvage, sortie de la nuit sans trembler, a réveillé sa passion des animaux, réminiscences de peluches, d’images de livres, ici en trois dimensions dans la réalité de la nuit… Dans notre film en noir et blanc… On se regarde pour comprendre et réaliser qu’on a bien vu la même chose, au même moment, ensemble, cela crée des liens… éternels. Je le sais si bien, pour avoir mis mes petits pas dans ceux de mon père, il y a bien longtemps. Manon se retourne prestement vers la lunette arrière mais la nuit a englouti l’animal. Et voici une troupe de blaireaux, le papa, la maman et le fiston qui traversent sans crainte, sans courir, en m’ignorant comme une vieille charrette en panne. Ils trottinent et leurs poils brillent d’ombres et de lumières. On dirait qu’ils ont des masques sur les yeux, comme des bandits de grands chemins ou de petites routes… un maquillage pour se confondre avec les buissons et se faire inaperçus, mais Manon les a comptés et recomptés déjà. J’ai bien dû ralentir, aussi intéressé que ma fille de voir vivants et en liberté ces animaux encore presque sauvages.

Ils longent la route devant moi et profitent de mes phares pour se retrouver et se sentir, après mon dérangement. Puis, je les laisse à la nuit, à leur destin de blaireaux. Dans ce tableau, ils ne sont pas pinceaux… Encore quelques kilomètres et je suis attentif à tout. Ma fille n’est plus que deux yeux, elle doit plus éclairer que mes phares… Et c’est un renard lointain qui se dessine dans la toile blanche. Il doit bien y avoir une réunion importante, au sommet, dans cette forêt, pour accumuler autant d’animaux en si peu de temps ! Il semble peu pressé aussi, même s’il ne s’attarde pas pour nous demander sa route… Nous gardons la rousseur de son pelage en souvenir, comme un feu orange dans un croisement de chênes au milieu de la nuit. Manon est si excitée et me parle si fort de ces rencontres fortuites qu’elle en oublie presque de voir l’œil rond et inquisiteur du sanglier planté devant moi. Je dois pratiquement m’arrêter pour laisser passer Monsieur. Ses poils en brosse se lissent dans mes feux, je suis presque inquiet… pour ma voiture… Et s’il n’était qu’éclaireur de sa harde sauvage ? Un franc tireur pour son équipe ? C’est moi qui suis en phare et c’est lui qui éclaire… Il faudrait presque que je le klaxonne pour passer, mais il pourrait le prendre mal. Faire un constat avec un sanglier… Alcootest et tout… On lui a pratiquement donné un prénom quand il a fini de traverser… Il doit appartenir à quelqu’un, sans doute… Bon, je ne m’attarde pas. Ces routes sont mal fréquentées la nuit… Nous sommes presque arrivés dans les premières lanternes opaques du village endormi, quand un écureuil vient à notre rencontre. Je peux l’éviter de justesse et sans le faire vraiment exprès, tant il m’a surpris. Il est sauf et sain… pour s’échapper si vite… Il me reste encore l’illusion du panache de sa queue intacte.

Voilà notre tableau de chasse, à Manon et à moi. Une belle histoire d’animaux vivants et libres de tout. Ma fille a vu un peu de faune sauvage, ce soir. Est-ce que ses enfants la verront aussi ? Pour elle, j’ai sauvé les animaux de ses livres et dessins d’enfant et je suis médaillé par ses remerciements. Elle me fait sourire. Elle m’agrippe fort, me tient dans ses bras et m’embrasse à hauteur de ses lèvres. Elle est heureuse et rit sans bien comprendre cette belle aventure nocturne. J’habite en grand des nouveaux souvenirs tout neufs, pour sa vie. Je suis fier… comme un Papa…

Heureusement qu’il fait nuit…

 

Pascal_Birdy

Hyères

 

 

 

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À LA MEMOIRE DE MON MARI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Là, au milieu des champs et des prés inondés de soleil, caressés par le vent qui jouait dans nos cheveux, j’étais ivre de bonheur, ivre de paix, de soleil et de vent. Et tout était si beau tandis que nous marchions sur la terre labourée ! J’aurais voulu chanter tout ce que je savais : pour toi, rien que pour toi. J’aurais voulu t’aimer sous les yeux bleus du ciel et sa chevelure blanche de nuages fragiles. Oh ciel ! Vénérable vieillard qui as bleui tes yeux depuis le temps que tu contemples le monde qui rit à tes pieds ! J’aime à croire que tes larges yeux éblouis de soleil riaient de nous voir si heureux tous les deux.

Te regarder dormir comme dort un enfant, caresser ton visage du bout des doigts, du bout des lèvres, tout doucement, de peur que tu ne t’éveilles ! Blotti tout contre moi, tu dors. Et soudain me vient le désir farouche de te protéger, de me battre pour toi contre le monde entier. Tu dors et je te regarde. Dieu, comme tu es beau tout à coup, et que je suis heureuse de t’avoir près de moi !

Chaque jour agrandit mon amour comme un feu ardent qui me brûle le cœur. Je voudrais me fondre en toi, dormir près de toi toute une éternité.

 

J’ai beaucoup pensé à tout ce que tu m’as dit, et malgré cela je n’arrive pas à me détacher de toi. Car j’ai trouvé en toi autre chose de très beau qui efface le reste : c’est la confiance que tu me témoignes. Et ça me semble tellement pur, tellement nouveau, que j’ai peur de ne pas la mériter.

Quand ton comportement me fait de nouveau peur, alors que tu me parles de projets de vengeance et de combats sans merci, je me dis que ce n’est pas ta faute et que ça va passer. Mais je ne peux m’empêcher d’éprouver à chaque fois quelque douloureuse surprise en même temps que du regret.

Même à des centaines de kilomètres on arrive encore à se déchirer, à se claquer… le téléphone au nez ! Et cette impuissance à se comprendre, à s’expliquer ! Et ce froid de la solitude qui me fait couler les larmes malgré moi et me fait tourner en rond comme une bête en cage ! Personne à qui parler, se confier, hormis ces pages vides… comme ma tête.

Des centaines de kilomètres et chacun de son côté à ruminer, à réfléchir, à pleurer, sans pouvoir dormir, à se demander pourquoi et comment demain sera fait. Et de me demander s’il reviendra demain ! Quoi de plus bête qu’une dispute quand chacun sait que l’autre l’aime ?

 

Les yeux ouverts dans le noir, j’écoute les bruits sourds de la nuit. J’écoute la maison crier le trop-plein des souffrances qu’elle a vécues depuis qu’elle est là. J’écoute le silence. Les yeux ouverts dans le vide, je pense à cette drôle d’existence faite de « pourquoi ? », et de « peut-être ! », de « je t’aime », « je ne t’aime plus », et encore de « je t’aime » : ce drôle d’espace-temps où l’on navigue tous les deux sans jamais arriver à discerner vraiment la vérité de nos sentiments…

Partir hors de ces murs, sortir de cette vie !... Je sais que je devrais me ressaisir, protéger mes enfants qui n’en peuvent plus. Mais je me sens si inutile, si faible devant les catastrophes occasionnées par ce maudit alcool… J’ai peur de commencer demain une autre journée avec cet homme qui me regarde d’un œil accusateur. J’ai l’impression que c’est moi qui suis fautive.

J’ai peur de mon mari, cet être si tendre avec les enfants des autres, si serviable avec les étrangers. J’ai peur de la folie qui semble le guetter, nous guetter à la longue et qui, ce soir, sans prévenir, s’est emparée de lui. Lui si cruel, si moqueur quand il nous parle.

Réapprendre l’autre du bout des doigts, du bout du cœur, tout doucement et peu à peu, comme à contre-courant d’une rivière, comme traverser une route avec la peur au ventre. Et finalement, une fois arrivée de l’autre côté à la rencontre de l’autre, quelle plénitude, quelle symbiose ! Deux corps dans la fusion originelle ! Oubliées les rancœurs de chacun et viennent la tendresse et la complicité.

 

Soleil se lève sur mes problèmes, se rit de mes ennuis, se meurt sur mes angoisses. Lit de souffrance et blouses blanches ! Le temps est mort, suspend son vol. Eternité insupportable ! Attente noyée dans un brouillard épais. Anesthésie, neurasthénie ! Fièvre dévorante, mal insidieux !... C’est la valse des microbes dans les couloirs de l’hôpital.

Quand je nous regarde, je vois un couple partir à la dérive, deux êtres qui s’éloignent l’un de l’autre chaque jour un peu plus, sans savoir à quoi se raccrocher.

Quand je vois ce vieux couple se tenir par la main et que je nous regarde, je me demande ce que nous avons fait de notre complicité d’antan et de la tendresse qui nous font tant défaut aujourd’hui. Je ne vois que haine et mépris, je ne sens que douleur et amertume et mon cœur se remplit de pleurs.

Le soir du 1er novembre fut la descente aux enfers, soit dit un nouveau stage de B. à l’hôpital : hémorragie longue, laborieuse, jusqu’à la presque mort. Ce que l’alcool a fait de mieux dans la dégénérescence humaine : une « loque » ! L’apparence d’un vieillard proche du tombeau ! Les gestes ralentis jusqu’à l’insupportable ! Le blanc verdâtre du cadavre ! Maladie avec un grand M et le cortège des docteurs, infirmières, hôpitaux. Traitement, absence, avec au bout de la route l’incertitude ou l’espoir ? Vie nouvelle peut-être ?

 

Même çà, j’ai essayé : l’humour contre la colère, contre la rancœur. Mais toute une journée durant contre l’adversité, ça ne dure qu’un temps. Et le naturel est revenu au galop, aussi soudain que ma surprise, aussi brusque, aussi profond qu’a pu l’être ma douleur face à sa haine. Si brusque, si soudain, si… mal que j’en avais oublié le goût amer de la défaite et le salé des océans de larmes.

Tant de noires disputes ont assombri mon cœur ! Tant de mensonges, sur ma vie, accumulés, ont brisé ma confiance ! Tant de rancune et de colère sont restées, lourdes de larmes retenues et de promesses non tenues, incapables à présent de retrouver la liberté, enfermées là, dans ma mémoire à jamais !

J’ai déposé les armes, laissé couler les larmes, impuissante à comprendre. Ses paroles sont des coups de poignard.

 

Il se cache à présent, évite la famille comme s’il avait honte. Il ne veut pas entendre leurs questions, leur avis ; il ne veut pas voir la pitié dans leurs yeux. Il connait déjà la sentence, préfère se terrer dans sa solitude comme un animal blessé, comme une bête aux abois.

J’ai décidé de combattre sa faiblesse, le surveiller comme on veille un enfant, malgré la lassitude et l’incertitude. Ne laisser aucune chance, plus jamais, à cet ennemi maudit qui nous a séparés ; tenir bon, ne plus lâcher prise. Sa nouvelle maladie nous rapproche à présent : espoir d’un renouveau, d’une vie nouvelle.

Retrouver notre complicité, se parler à nouveau ; faire attention à l’autre, aller à sa rencontre ; oublier le passé perdu, nous retrouver à deux pour faire face ensemble cette fois à l’adversité. Et peut-être, un jour, … le pardon ?

Hier lundi s’est produit un évènement inattendu que je n’espérais plus. J’ai retrouvé, en cherchant des papiers, l’anneau perdu depuis des mois, et à côté comme un présage, la photo de notre mariage : un joli cadeau du destin pour notre anniversaire de mariage, avec en prime une hirondelle qui était simplement de passage et resta pour la nuit dans notre garage.

 

Un an après ta sœur, ta mère est partie à son tour. Petit bout de femme courageuse, distribuant des bouts de son cœur à qui voulait bien se servir, elle n’avait récolté que souffrance et malchance de ce côté-ci de la vie.

 

Un vol de corbeaux s’est abattu sur mon esprit en déroute. Une envolée de factures a dégringolé sur mon cerveau en délire. Lassitude sempiternelle, omniprésente. L’odeur de l’hôpital, l’odeur de la mort…

On croit que le pire est derrière et voilà que ressurgissent les vieux démons avec nos anciennes peurs : celles que l’on croyait enfouies au plus profond. De nouvelles querelles, pour tout, pour rien, les « piques » douloureuses lancées au long de la journée.

 

« Je te demande pardon de ne pouvoir t’aider. Je ne sais que me révolter face à ton attitude. »

Peut-être qu’un jour j’oublierai tous les mauvais souvenirs et je me blottirai à nouveau dans tes bras en ne pensant plus qu’au présent. Recréer un espace rien qu’à nous, retrouver l’homme enfant que je voulais protéger.

« Je ne veux pas que tu t’en ailles ! Je t’en prie, ne pars pas ! »

Je cherche ta main dans le noir de la nuit. J’ai peur comme une enfant qui se perd dans le noir.

« Ne m’abandonne pas ! J’ai tant besoin de toi ! »

 

Après une « énième » dispute pour t’avoir de nouveau surpris à boire, je t’ai demandé calmement, à bout d’arguments :

« Qu’est-ce que tu préfères ? Continuer à boire en sachant que tu peux en mourir, ou bien arrêter et te soigner ? »

Tu m’as répondu, ce jour-là :

« Je sais que je risque de mourir mais je préfère que tu me laisses boire comme je veux. »

Mais comment te laisser faire, rester là impuissante à te regarder te détruire ? Je ne veux pas que tu meures !

 

Je veux me dégager de cette spirale dans laquelle tu m’entraînes, me libérer de cet engrenage, sortir de ce trou sans fond qui nous aspire enchaînés l’un à l’autre.

Oh je t’en veux ! Je t’en veux tellement ! Nous serions si heureux aujourd’hui si tu avais cessé de boire ! Cette maladie engendrée par l’alcool est en train de te « bouffer ». Les chambres d’hôpital te connaissent par cœur. Je suis fatiguée ! Je veux vivre pour moi, trouver un travail, devenir indépendante ! Je veux prendre ma vie en mains, enfin !

Tournent les roues sur l’asphalte noir de la route tandis que la voiture dévore les kilomètres. Tournent les aiguilles sur le cadran de nos vies tandis que tu attends là-bas dans cette chambre. Coulent les larmes malgré moi sans que je puisse les retenir, se confondent avec le gris de la nuit qui ne veut plus finir.

Ta peau parcheminée, tes membres décharnés, et puis tes yeux hagards !... Elle a enfin gagné, cette drogue traîtresse qui se disait ton amie et que tu as fini par aimer plus que nous. Les médecins eux-mêmes ont déposé les armes et m’abandonnent, impuissante, face à ce mal qui te grignote peu à peu.

 

« Combien de volontés briseras-tu encore ? »

« Combien de familles voleront en éclats ? »

« Combien de vies voleras-tu encore avant que le monde réagisse enfin ? »

« Alcool combien maudit ! »

« Fléau exécré !... »

 

Les gestes au ralenti d’un corps qui n’en peut plus, ton cerveau qui se noie dans un oubli total… Parfois, dans un sursaut de lucidité, sur ton visage à nouveau éclairé apparait ce sourire satisfait de n’être pas là-bas retourné au bout de ces longs couloirs de souffrance dans ces lits recouverts de draps blancs.

 

Te voilà parti doucement en dormant. À force de lutter, fatigué tu étais. Je reste près de toi à te tenir la main. Ne t’en fais pas, surtout ! Tu peux partir là-bas retrouver tes parents et ta petite sœur. Dis-leur que tout va bien, qu’ils peuvent aller en paix !

Ils sont venus te rendre hommage : des gens que je ne connaissais pas, et d’autres… ô mon dieu !... Ce vieil homme qui t’a connu enfant et qui t’a vu grandir. Il te voit là étendu à présent et soudain se détourne, éclate en sanglots, accablé de douleur. Il cache ses pleurs, écrasé de chagrin, crie sa révolte devant tant d’injustice :

« La mort s’est trompée ! », dit-il. « Elle n’a pas pris le bon ! »

Vois comme ton chien te veille, assidûment à ton chevet… Et cette longue plainte quand ils t’ont emmené !...

 

C’est un rêve et je vais me réveiller ! Mais non ! Je ne me réveille pas ! Le vide est là. Tu n’es plus là. Je voudrais briser le mur du silence, combler ce vide qui crie ton absence et résonne dans les murs de la maison.

J’aurais voulu m’asseoir là-bas, près de toi, sans me soucier des gens qui sont là, qui m’entourent, et puis attendre là, attendre je ne sais quoi, peut-être que tu reviennes. Je regarde ces fleurs, je regarde cette tombe et je me dis que ça n’est pas vrai. Ça ne peut pas être toi qui es là. C’est un rêve, un mirage, une mauvaise blague. Le soleil brûle et pourtant j’ai si froid. Les larmes coulent malgré moi et je me sens « déconnectée ».

 

Je déambule dans les rues de la ville, de vague à l’âme en vagues larmes. Je me perds dans les rues de silence à l’abri de la nuit. Je cache ma douleur dans la fraîcheur du soir. Je marche dans les rues de mon âme. Je me perds dans le noir dédale de mes pensées tortueuses, torturées. Seule comme aux pires heures de ma vie, comme une peur d’enfant, une terreur inexpliquée. Je parcours le labyrinthe de mes pensées perdues.

 

Ils rient, ils crient, ils parlent là rassemblés à la sortie des écoles. Ils sont VIVANTS !!... Moi je me sens tellement vide ! Moi je suis morte à l’intérieur depuis que tu es parti.

Brouillard s’étale dessus la terre tel un suaire. Obscurité s’éternise dans un demi-sommeil. Nuit engloutit mon esprit à l’infini.

 

Je regarde avec une douloureuse surprise les guirlandes qui illuminent les rues de la ville, signes annonciateurs du prochain Noël. Déjà !... Ce 1er noël où tu ne seras pas là. Ce noël que tu ne verras pas. Ton absence me hante telle une présence en négatif. Brume de novembre alourdit ma peine, pèse sur les croix, obscurcit les tombes. Tu me manques…

J’ai acheté un bouquet de tulipes : tu les avais toujours aimées. Je les ai posées sur ta tombe. Elles sont là, encore belles. Imperturbables, elles résistent au vent et à la pluie, comme un gage éternel de mon amour pour toi.

 

Ne pas leur dire que j’ai eu le cafard ! Ne pas leur dire que je me sentais seule, que j’ai pensé à lui, que j’ai pleuré encore –impression de tomber dans un puits sans fond-, leur cacher mon chagrin pour ne pas leur causer de peine.

 

Je pense à présent à tes derniers instants et je me sens coupable. Je n’avais pas compris que tu étais en train de partir, même quand tu as balbutié :

« On va y aller, là-bas, de l’autre côté ! »

Mais tu disais tellement de choses bizarres depuis longtemps déjà et j’étais si fatiguée ! Je regrette tant ! J’étais là à côté de toi et je n’ai rien vu.

 

"Ces écrits, j’en ai peur, resteront dans l’ombre un bon nombre d’années encore. Quelques miettes, pourtant, se perdront au hasard des pages de ces livres donnés à qui veut bien les lire. Des miettes de pensée disséminées de-ci, de-là, des morceaux de ma vie avec parcimonie se mêlent à présent à d’autres poèmes, à d’autres idées.

Jamais je n’oserai me dévoiler entière, de peur de blesser mes proches.

 

 Riez donc, bonnes gens !... Je ne suis qu’une enfant égarée dans la cour des grands. »

Thérèse Leroy

 

 

 

 

Page 31

 

UN INCROYABLE VOYAGE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

La nuit va bientôt tomber, toutes les lumières s’allument : néons, enseignes, cafés, restaurants, lampadaires, salons ou cuisines où l’on aperçoit de temps en temps la télévision qui fonctionne selon l’envie des gens rentrés chez eux après leur journée de travail. Toute la ville s’illumine et c’est plutôt beau. Les passants s’activent encore plus, poussés par la nuit qui les couvre de son intense fraîcheur. Je me précipite vers ma maison, fatiguée par une dure journée bien remplie.

Enfin seule ! Une belle soirée bien tranquille en perspective. Je me dirige vers la salle de bain où je fais couler l’eau dans la baignoire en y ajoutant des huiles parfumées et apaisantes qui me détendent et quel bonheur ! Je m’enfonce dans le bain de mousse et de douceur où mon corps disparaît. Quel bonheur ces moments, loin du « blabla » quotidien ! Seule à penser tout haut, à rêver les murmures de la nature, à imaginer les bruits de la maison. Chaque nuit, nous voilà vagabondant au-delà de toutes limites. Nos désirs deviennent infinis. Le temps et les distances sont abolis. Le rêve nous plonge dans l’infini.

Sitôt couchée sous mes couvertures, je pars dans un autre monde qui m’est inconnu. Pas de transport, pas de bagage, c’est un voyage à la bohème. Dans mes rêves, il y a une liberté que j’aime particulièrement. Je visite tous les pays du monde car chacun a son histoire, ses mystères et ses paysages. Comme les cigognes d’Alsace, je prends le premier vent qui m’emporte. Je ne sais pas, est-ce avril ou décembre ? Est-ce lundi ou jeudi ? Je ne me souviens que des chemins qui se croisent et qui s’ajoutent à ma vie.

Ma première escale est le Canada où je découvre les chutes du Niagara et ses tonnes d’eau qui s’écoulent jusque je ne sais où ! Je mange ensuite de jolis et délicieux petits gâteaux au sirop d’érable mais, pas le temps de dire au revoir que je me retrouve en Italie, où la tour de Pise me regarde avec son air de travers. Je monte au dernier étage et j’admire l’horizon. Et je suis déjà en Grèce, pays magnifique qui renferme plein de secrets et les monuments historiques sont à en couper le souffle. Sur les ruines de l’Acropole, plane l’âme des dieux grecs. Puis je quitte la Grèce pour m’envoler ensuite vers la Chine, plus précisément sur la grande muraille de Chine qu’on voit depuis la lune avec des jumelles. Soudain un de mes amis Chinois me fait manger avec des baguettes. Avec maladresse, j’accomplis le geste. Cependant une baguette glisse des mains et en cherchant à la rattraper j’arrive au Kenya. J’y admire les beautés de la faune sauvage, sous le soleil brûlant. J’aperçois le Kilimandjaro, massif volcanique imposant du continent africain qui est toujours recouvert de neige. Cependant pour apaiser la chaleur, je préfère le pôle nord pour dormir dans un igloo et observer les chiens de traîneau courant sur la banquise. Je me sens propulsée jusque dans les Andes en Bolivie, au rythme de la flûte de pan m’amenant ensuite jusqu’en Argentine dansant le tango avec un cavalier au regard ténébreux et aux cheveux noirs. Lorsque la musique s’arrête, je me sens projetée et je suis en même temps abasourdie par le Big Ben de la tour de l’Horloge du Palais de Westminster à Londres. L’humidité glaciale du brouillard épais qui flotte au-dessus de la Tamise, s’abat sur mes épaules et je recherche aussitôt la chaleur que l’Egypte m’offre en m’émerveillant devant la pyramide de Khéops où trône le sphinx dont la tête tournée vers le levant nous montre ainsi qu’il règne sur le monde pour toujours. Je repars et me voici au Japon, un vrai petit paradis ! C’est bizarre cette sensation de savoir parler toutes les langues ! Je parle à des pêcheurs qui s’affairent à décortiquer les huîtres pour en retrouver la perle et voici que celle-ci roule et m’attire jusqu’en Australie. C’est parmi les kangourous que je me retrouve et j’apprends à faire des bonds qui me mènent jusqu’à Los Angeles, la ville des stars américaines. Je mange dans un grand restaurant, habillée d’une merveilleuse robe. Le ventre bien rempli, je pleure devant une romantique pièce de théâtre, à Paris. Une retentissante sonnerie s’entend au loin.

J’ouvre les yeux. N’avais-je  pas les yeux ouverts avant ? Mais oui ! Je faisais un rêve !

Souvent au réveil une drôle de sensation nous envahit, celle d’être étranger au lieu où nous avons passé la nuit. La chaude caresse des draps sous la couverture cherche encore à me protéger du doux sommeil dont je ne voulais pas vraiment sortir. Je m’étire sans hâte, tranquille et paresseuse, et je me retourne puis je reconnais l’étrange effet tamisé de la clarté qui envahit ma chambre, une lumière paisible bien de chez nous.

Je me rends compte que c’est ici, mon paradis. C’est ma chambre !

Melle Bardiaux