SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N°24

 

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Janvier-février-mars-avril  2008

 

 

Illustration BD page 2

Patrick MERIC

 

JEUNES

 

Le Bel oiseau blanc  page 4

Collège Renaud-Barrault

 

Sans toi  page 4

Marjorie

 

Petit ange  et  Souffrances éternelles  page 5

Stéphanie BONNEVILLE

 

Notre environnement pollué  page 6

Fanny CANONNE

 

La girafe malheureuse  page 7

Tedy AVRIL

 

Le trésor chatouilleur  page 7

Thomas WANESSE

 

HUMOUR ET PATOIS

 

Informations diverses page 8

 

 

Un bé Noël  et L'nouvel in page 9

Jean-Pierre LEFEBVRE

 

L'bal des sirènes page 10

Al dernian minute page 11

Amuseries page 12

René BAZAIN

Hector MELON D'AUBIER

Jean-François SAUTIERE

 

ADULTES

 

Le petit train du Cambrésis  page 13

Jean-Charles JACQUEMIN

 

Soif mon amour page 14

SAINT-HESBAYE

 

Dithyrambes page 14

HERTIA MAY

 

Droit au but page 15

Pascal BIRDY

 

Farandole  page 16

Véronique ROBERT

 

La plage en août  page 17

Thérèse LEROY

 

Les gens d'amour page 18

Marcel LESAGE

 

Savoir vieillir page 19

André NOIRET

 

Le cerf page 20

Roger DEVILLERS

 

Nature page 21

Pierre BABILLOT

 

NOUVELLE

 

Ultime cadeau page 22-23

Paul LEFEBVRE

 

Drôle de destin page 24

Mélodie CALVANESSE

 

Métempsychose page 25-26

Charly CAILLAUX

 

GPS Girl page 27-28-29

Le parc en face de chez moi page 30-31

Gilbert BASQUIN

Floriane KUROWIAK

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Editions littéraires

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AVE LA CAUDRIOLE !

 

Que nos vœux t'accompagnent en ta longévité,

Que tes auteurs progressent, en nombre, en qualité,

Que de nombreux lecteurs, de plus en plus fervents,

Viennent grossir nos rangs de leur engagement,

Ainsi sois-tu !

Paule Lefebvre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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COLLEGE RENAUD-BARRAULT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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LE BEL OISEAU BLANC

 

 

Le blanc de ton plumage

apparaît au dehors.

Est-ce un rêve ?

Ou mon ami est revenu.

Quelle joie de te revoir !

Tu viens chaque année me retrouver.

Mon jardin t'accueille, tu peux venir picorer.

Qui te pousse à revenir ?

Juste là, dans ce froid de novembre.

Mais ta visite est si courte.

Qu'il faut que tu t'en ailles.

Je ne sais pas où !

Je reste rêveuse.

Sûrement en pensant à ta prochaine visite.

Bel oiseau blanc reviendras-tu ?

 

Chloé – Collège Renaud-Barrault

 

 

 

 

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SANS TOI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Sans toi je ne peux pas,

Sans toi je ne suis plus moi

Sans toi cest comme

La haine sans lamour

Sans toi cest comme

La mer sans eau

Comme la pluie sans soleil

Tout ce qui m’émerveille nexiste plus sans toi

Tu es celui qui fait tourner mon monde à moi

Sans toi

Cest comme les réponses sans question

 

Si un jour un de nous doit disparaître

Ce nest pas un de nous qui partira

Cest aucun de nous qui restera

Parce que nous on

Saime à la folie

Toi sans moi cest comme

Moi sans toi cest impossible

Je taime

 

Marjorie 12 ans

 

 

 

 

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PETIT ANGE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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De Stéphanie BONNEVILLE

 

StéphanieUn petit ange s’est perdu,

Même au loin il ne trouve plus

Le moindre reste d’un espoir,

BonnevilleRien n’est visible à ce brouillard.

 

Les anges m’ont-ils laissée tomber ?

Sur cette terre dure et triste,

Toujours les larmes l’envahissent,

Jamais son regard ne vient se poser !

 

Les flammes de l’enfer fleurissent,

Endorment le bonheur, les sourires,

M’endorment dans ce cauchemar,

Me réveillant cet aigle noir !

 

Ce ciel beaucoup trop nuageux,

Ses ailes reprendront le chemin,

Le reste de vie dans ses yeux

Disparaît, oublie ton chagrin !

 

 

 

 

 

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SOUFFRANCES ETERNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Mes yeux sont devenus orage,

À force de larmes, colère,

Ne plus jamais voir ton visage,

La foudre te ferait poussières.

 

Une averse s’abat, le ciel

N’est plus bleu, demeure couvert,

Les rues meurent, semblent en enfer,

Les anges cherchant l’éternel.

 

Mais sans jamais trouver ce monde,

La force d’y croire s’oublie

Et devient misère, la nuit

Les démons s’éveillent dans l’ombre.

 

Tant d’agitation, de soupirs,

Près de nous tous viennent fleurir,

Se fanent nos derniers bonheurs,

Mais pourtant restent dans nos cœurs.

 

Je ne sais plus les soirs d’été,

Là où les souvenirs se perdent,

Où l’avenir était gravé,

Cette foudre entre nous s’y perd.

 

Maintenant gravé dans mon cœur,

Je ne peux plus rien effacer,

Je peux seulement oublier.

 

Cela est pour moi une étape

Trop difficile à surmonter,

J’espère ne plus avoir mal.

De Stéphanie BONNEVILLE

 

 

 

 

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NOTRE ENVIRONNEMENT POLLUE ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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J’écris ce texte pour tous les gens qui polluent notre environnement !!!!

 

Nos petits enfants se demanderont quand ils seront grands

« Pourquoi notre environnement est-il pollué ? »

Ils nous poseront des questions sur cette histoire, mais si cela s’arrête

Nous n’aurons pas d’histoire à leur raconter sur notre environnement.

 

Alors, voici un petit rappel pour tous les pollueurs :

 

Vous qui jetez vos déchets par terre, vous savez ce que vous faites ?

Vous polluez notre environnement !!! Cela n’est pas très gentil.

Attention, car si l’environnement est pollué, notre planète sera détruite

A cause des gens qui ne mettent pas leurs papiers à la poubelle mais par terre.

 

S’il vous plaît, faites attention où vous mettez vos déchets.

Un conseil,

Mettez-les à la poubelle.

Vous polluez notre environnement !!! Cela n’est pas très gentil.

Attention, car si l’environnement est pollué, notre planète sera détruite

A cause des gens qui ne mettent pas leurs papiers à la poubelle mais par terre.

 

S’il vous plaît, faites attention où vous mettez vos déchets.

Un conseil,

Mettez-les à la poubelle.

Fanny Canonne 12 ans

 

 

Regardez cette image :

C’est la planète polluée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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LA GIRAFE MALHEUREUSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Il était une fois un chien errant qui rendait une girafe malheureuse.

La girafe était emprisonnée par le chien errant.

La girafe criait, chantait…

Une fois, une fée avec une baguette magique fit un marché avec la fée qui lui dit :

-  « Est-ce que tu veux être transformée en une immense créature jusqu’au coucher du soleil, et au coucher du soleil je te transformerais en petite souris ? ».

La girafe lui répondit en hésitant :

- « Oui je veux me venger de ce chien errant de malheur, je veux me venger de lui, et au coucher du soleil tu me transformeras en une toute petite souris ».

D’accord. La fée lui jeta un sort pour qu’elle se transforme en un immense géant tout vert.

La petite girafe qui était maintenant un grand géant chercha pendant longtemps le chien errant, elle le trouva devant son ancienne cage.

Elle se cacha derrière le chien et l’attrapa et le tua. La fée apparut et transforma la girafe en une toute petite souris.

   de Tedy AVRIL

 

 

 

 

 

 

 

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LE TRESOR CHATOUILLEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Cette histoire commence en 1666 à Alexandrie en Egypte.

Il y avait un homme surnommé Ronchon, il ne riait jamais, il ronchonnait tout le temps. Un beau matin le facteur amena une lettre de sa tante Rosita Panpan qui lui écrivait que son oncle Augustin était fort malade.

Avant d’arriver chez sa tante, il trouva une carte au trésor, alors il alla à la quête du trésor chatouilleur. Il traversa une grande partie d’Alexandrie puis arriva devant la plus grande fontaine d’Alexandrie. Il y avait un grand coffre en fer forgé, à l’intérieur de ce coffre il y avait une machine à chatouiller et d’un seul coup il se mit à rire il ne savait plus s’arrêter !

Il ramena ce trésor chatouilleur chez sa tante et d’un coup la machine fit : « vrombladaboom » et l’oncle de Ronchon était guéri et toute la famille se mit à rigoler et ne sut plus s’arrêter.

                        Thomas Wanesse

                            9 ans

 

 

 

 

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UN BE NOËL   ET   L' NOUVEL IN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Gustaffe y' éteut un SDF bé connu dins sin quartier. L' soir d' Noël, après avoir avalé inne soupe queute à l'Armée du Salut, y s'éteut intortié dins sin viux mintiau râpé et y s'éteut couqué su un moncheu d' cartons pas d'sous l' voûte d'inne grinne mason.

Par nuit y sint qu'in l'alote. Y veut inne belle finme aveuc des longs cavés blonds et un bé mintiau d' fourrure qu'al y dit : "Venez mon brave, j'habite ici". Al l'inmonne dins sin grind salon plon d' linmières et al y' amonne un gros morcé d' gâtiau al crinme et inne grinne coupe d' chimpanne. Y' aveut un grind fu qui brûleut dins l' qu'minée. L' finme aux grinds yiux noirs, a s' pinche sur li et al commince à l'imbrasser su s' minne aveuc des baises toute queutes et toute crutes. Qu'y éteut bé !

C'est à c' momint-là qui s'est réveillé. C'éteut sin quien, Tino, qui l'arléqueut pou l' récauffer parce qu'y véeut qu'y trinneut d' freud.

Adieu belle finme, gâtiau, fu dins l' qu'minée. In bertonnint dins s' barbe blinque, Gustaffe y l'a ramonchelé sin mintiau sur li in s' disint qu'y aveut quind minme eu un bé Noël, minme in rêve.

Mint'nint qu' vos connaissez Tino, vos comperdez pouquo qu' Gustaffe y n' veut pos aller couquer dins un foyer d'accueul.

 

 

 

 

J' n'ai pos souv'nir d' réveillon d' nouvel in quind j'éteus tiot. Min père, y n' voleut pos s'intéresser aux fêtes d' fin d'innée. Noël : y bouffeut du curé !

Alors, ni réveillon, ni gueuleton. Quind au prinmier d' l'in, y n' voleut pos qu'in y souhaite l' bonne innée : y diseut qu' c'éteut des manières d' feux-diape.

R'marquez qu'y n'aveut pas complètemint tort. Mi, ça m'arrive "d' faire réveillon", l' trinte et un décimpe, aveuc des comarates. A minuit, in s' fait plon d' baises et in s' souhaite plon d' bonnes séquois, surtout inne bonne sinté. C'est çoù que j' vos souhaite à tertous,

mais çà n' m'impêche pos d' pinser à tous ces peuffes diapes qui couqu'tent à mi ché rues, à tous ces sins-papiers qui ont eu l' malheur d' vnir au monne dins des pays très très peuffes ; et je m' dis, qu' si y'a un Bo Diu, j' voreus bé qu'y s'armuche in tiot peu pour yeusses !

Jean-Pierre Lefebvre

 

 

 

 

 

 

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L'BAL DES SIRENES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Si no village i s'agrindit

I-a sin commerce qui s'ingourdit

Et j'vos avoue qu'ça m'turlupine

De n'pus intin-ne l'chant des usines

Car à Caudry l'marche du boulot

Alle teut réglée pa les sifflots

Et l'viu tulliste ça l'préoccupe

De n'pus intin-ne l'sifflot d'mo l'tupe

C'ti de l'Comète, d'mo Maréchal

C'ti d'Mélayers et du Transwal

D'mo Dézécache et du Maroc

Et l'tout daron, l'sifflet d'la Coop

Sins compter d'eutes qu'j'ai oubliés

Pou compléter min plaidoyer.

Pou vos app'ler à vos boulot

Qu'ça seut l'tulliste ou l'dactylo

In évitant d'être à la traine

I-avait pou ça deux cops d'sirène

I-a c'ti d'moins dix, falleut s'grouiller

Pou être à l'heure à l'ateiller

Et dins l'coron, c'éteut l'départ

D'inne véritable volée d'mouviars

Au jour d'à c't'heure, finie la fête

Toutes ces sirènes, alles sont muettes

I-ont vu l'commerce ben s'essoufler

Et ça lieu-s-a coupé l'sifflet

Mais si un jour l'commerce y r'prind

Ça n'a ré d'sûr, et ça s'comprind

In-ne miette à l'feus, els ateillers

D'in long sommeil vont s'réveiller

Et de nouveau, l'bruit des métiers

I-invahira tous les quartiers

Et comme rin n'passe et qui n'rapasse

Pou qu'les tullistes montent à leu passe

Tous les sifflets, de bon matin

I-r'front l'appel, tout comme dins l'timps

Et la dentelle, redev'nue reine

Ce s'ra d'nouveau, l'bal des sirènes.

 

René BAZAIN

 

 

 

 

 

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AMUSERIES 2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Il est interdit de nager dans ces eaux-là, Emile !

 

Cinq pétroliers sombrent en mer : le lieu noir est en promotion.

 

Vue de l’avion la piste est lisse.

 

Pour faire les yeux doux la jeune archéologue met des faux cils.

 

D’où vient cette oie ?

-     D’Inde.

 

Ce point brillant dans le ciel c’est Saturne, hein, mon canard ?

 

Dites-moi, Arthur, où est allé Paul ?

-     Vers l’Aisne.

 

Une locomotive fumante arrive près du quai et s’y gare.

 

Devant cette triste toile on peut dire que l’art est nié.

 

Pour vivre heureux, vivons couché.

 

Comme il avait à masser une grosse fortune, le kinésithérapeute prit sa retraite.

 

Cette année, les personnes alitées n’ont pas participé au défilé du 14 juillet.

 

Quand elle était petite fille, à Noël, ses parents souhaitaient à George Sand un « Berry Christmas ! »

 

Hésitant, le robot tique.

 

Le roi bedonnant ne veut plus grossir.

 

Depuis qu’il a acheté une propriété près de Paimpol, chaque week-end l’hébreu tond.

 

Du fond de l’horizon les blés d’or ondulaient

Et les vaches aussi.

 

Un pitbull attaque un passant : c’est la mort sûre.

 

Elle a été piquée à son insu, Line.

 

Son dessein ayant toujours été d’être bûcheron, Léonard devint scie.

 

La neige et la montagne c’est ski lui plaît !

 

L’ouvrier s’est cogné : ça lui a fait un bleu de travail.         

Jean-François Sautière

 

 

 

 

 

 

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LE PETIT TRAIN DU CAMBRESIS,

 MON AMI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Si vous allez un jour de Caudry à Denain,

Vous n’aurez plus la chance de prendre le petit train

S’élançant sur sa voie de village en village,

C’était le seul moyen jusqu’alors en usage.

 

Comme on l’a maltraité, ce train de ma jeunesse

Appelé tortillard mais aussi Camberlot !

Il a permis de joindre soupirants et maîtresses

Dans ses wagons de bois qui avançaient au trot.

 

Jamais été surpris en excès de vitesse,

La valse des records pour lui n’existait pas,

Il guidait sagement vers des lieux de richesse

Un monde laborieux l’attendant pas à pas.

 

Cela lui arrivait de se mettre en colère.

Sa machine essoufflée crachait des escarbilles

Incendiant le gazon de façon passagère

Ou même les récoltes, qui lorgnaient vers les filles.

 

Pour lui la voie unique lui était bien suffisante

Elle n’avait nul besoin d’électrification.

Romantique à souhait et pourtant si bruyante

Son haleine au passage pliait la végétation.

 

Pendant les années noires, il a rendu service

A tout un tas de gens, écoliers, métallos.

Cherchant les uns la science, les autres le boulot

Pour qu’un monde nouveau peu à peu s’établisse !

Sur toutes les voies d’accès, il est prioritaire

Renversant même un jour le tramway à Bessemer,

Ne faisant pas de honte à côté du grand frère

Qui, à la gare du Nord, était son partenaire.

 

Interdit de séjour en l’an cinquante et un,

Il a dû renoncer, devenant importun,

Il a laissé en nous le vibrant souvenir

D’un serviteur zélé qui ne pourra s’enfuir.

 

Mêm’ si la moindre neige l’empêchait de partir,

Même s’il suffoquait au moindre raidillon,

Le Cambrésis, chez nous, c’était la solution,

D’un voyage garanti, certain de revenir.

 

A la descente du train, la rue pleine de monde,

Dispersait au village toute une animation

Il a rythmé les heures d’une génération

Heureux par le travail qu’il donnait à la ronde.

 

Ne jetons pas la pierre à ce grand résistant

Qui a connu l’honneur d’une attaque aérienne

En gare d’Inchy-en-cis, un matin de printemps.

Inclinons-nous plutôt devant sa gloire ancienne !

 

Il a bien disparu ce train à voie unique,

On le savait bien sûr : ses jours étaient comptés,

Victime du progrès, des fermetures iniques,

Par défaut de vitesse, de rentabilité !

 

 

Jean-Charles JACQUEMIN

 

 

 

 

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DITHYRAMBES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Réunis en ce soir, gens de la Caudriole

Nous sommes tous venus souhaiter l’an à Paule :

Oh ! Point de cabriole, nenni de gaudriole,

Ici, nul ne se gausse, ni tape sur l’épaule !

 

Pas question d’encenser, de porter au pinacle

Notre aînée, l’égérie, pourquoi pas notre oracle ?

Les thuriféraires sont partis, ô miracle,

Avec leurs dithyrambes au tabernacle.

 

Amis sommes venus vous présenter nos vœux :

Des plumitifs en quête, ce soir pour tout aveu

D’une coupe de nectar pétillant de joie.

 

Sous l’égide d’Apollon, sous les fragons verts

Du nouvel an, célébrons sa pythie en vers

Sibyllins, près de l’âtre où les tisons rougeoient.

 

HERTIA MAY

 

 

 

 

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SOIF MON AMOUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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J’ai soif mon amour

Je bois de cette eau

Près des sources froides

Je languis agonisant

 

Le sang qui meurt là

Mon âme s’en va

En la beauté des bises

Que le vent déguise

 

Requiem en rêvant

De toi damoiseau

Impossible vision

D’un beau mirage

 

Mon amour a soif

De tendresse en délire

Mon amour a bu

Ta caresse du sourire

Saint-Hesbaye

 

 

 

 

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DROIT AU BUT..  020907  ( La Crau

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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)

 

Je les aime bien.. Ils vitupèrent, ils trichent, mais ils se congratulent en silence dans un clin d’œil approbateur ou s’ignorent d’haussements d’épaules réprobateurs.

Ils sont joueurs dans l’âme, taquins, mensongers, gaulois.. Sous les platanes ombragés, ils sont ombrageux pour celui qui bouge quand un, s’applique..

Ils font voler la poussière ou claquer le fer. Ils font encore des étincelles..

Ils sont une équipe soudée pour gagner ou pour s’enguirlander dans la défaite...

Ils entretiennent des silences compromettants ou des chuchotements de stratégie sournoise..

Ils sont frondeurs et toisent l’adversaire à coups de réflexions gentilles.. et perfides..

Ils se parlent et se répondent par boules interposées. Pour une qui brille un peu trop, pour une un peu plus ronde, alors ils se baissent et les voilà arpenteurs de centimètres voire de millimètres.. A genoux pour prier dans leur jeu et tenir le point..

Ils sont hâbleurs de leurs concours passés sur des champs de bataille, non des terrains aux tournois autrement plus difficiles..

 Ils se racontent des histoires du passé et ils en rient comme des enfants dans leur cour d’école.

Ils ont troqué les billes pour les boules et leur primaire, en face, s’est fait buissonnière, il y a bien longtemps..

Ils jurent et tapent des pieds pour une boule égarée de son parcours si soigneusement préparée, parce que ce petit caillou, cette branchette ou cette ornière de vélo de garnement l’a détournée du droit chemin..

Ce sont des éternels enfants. Entre la mairie, la pharmacie, le bar et la poste, ils sont sur leur terrain de jeu.

Malheur à celui qui le traverse, qui bouscule une boule ou qui commente sans comprendre, l’intention du moment.

Dans des cadences irrégulières, des boules viennent cogner les planches en bout de piste..

Ils aiment se retrouver, ils se connaissent par cœur, adversaires d’un jour ou d’une partie, équipiers le lendemain, en doublettes, en triplettes, ensemble..

Quelques jurons, d’un patois présent, pour ces jeunes à la retraite et les voilà souriants.

Pour une Belle qui passe, le regard bien droit et le déhanchement onduleur.. une gentille réflexion, et les voilà riants..

Ils lissent leurs vieilles moustaches quelques instants ou se rappellent que c’est la fille d’untel ou la femme de celui là..

C’est la cour des grands, quoi.. Et c’est toujours la récréation..

Mais revenons au jeu..

L’ombre des grands arbres se promène dans la cadence du vent.

Les boules se ternissent ou se mettent à briller à leur gré et les joueurs ajustent leurs casquettes..

Attention, il va tirer.. Grand silence. Même les plus vieux se taisent sur leur banc d’habitude..

Ils n’osent rallumer leur mégot froid et s’ils ne voient plus grand-chose et n’entendent plus très bien, ils savent qu’il vivent le grand moment de leur journée..

L’œil rivé sur la boule adverse, bien trop prés du but, il ajuste la mire de son tir, il calme sa respiration même si son cœur se bouscule un peu.

Il sait tous les yeux qui le regardent, tous ces gens attentifs pour son geste qu’il espère précis, pour ne pas se décevoir, ni décevoir personne..

Même les platanes se taisent et calment leurs feuilles d’été.. Tout le monde fait silence et l’assistance attend..

Quelques enfants crient bien, au loin dans la cour des petits mais ils appartiennent au village aussi.. Ils sont au paysage..

Comme on est dans le midi et qu’il sait que son public sera soit admiratif, soit déçu, il soigne son effet..

Les pieds bien dans le rond, la boule bien en main pour son destin dévastateur, il tire..

Et pan ! Voilà un beau carreau sur place !

Les jeunes pigeons s’envolent affolés avant que la foule, des connaisseurs, applaudisse, conquise.. La boule meurtrie finit sa course et heurte aussi sa planche de désespoir…

Les Vieux respirent enfin.. et si une larme chaude se colle sur quelque ride, c’est la poussière, c’est sûr..

On s’embrasse.

On se serre la main, on veut déjà la revanche.

On veut changer les équipes..

Ici, le temps prend son temps, il s’intéresse au jeu peut-être..

Il fait des jours heureux à ces troisième âge qui s’accordent des plaisirs simples tout en se mesurant leur performance, jour après jour..

Mais de vous à moi, juste entre nous, je crois qu’ils jouent un peu d’argent..

Parce que c’est défendu ou sans doute, ce sont d’anciens mauvais élèves, mais surtout pour pimenter la partie, lui donner un enjeu, de la valeur, et pour rester attentifs à l’intérêt de gagner.

Le drapeau Français s’étire et claque au fronton de la Mairie, la pharmacie écoule ses médicaments à tous ses malades, la poste envahie fait la queue comme d’habitude et le Bar fait couler ses limonades à la terrasse assoiffée..

Quelque aimant rattrape sa boule, on fait son rond et le cochonnet s’en va rouler pour une autre partie..

Ils sont dans leur monde, ici tout tourne rond, s’approcher au plus prés du but, le toucher même..

Cela paraît facile..

Atteindre son but.. au moins une fois dans sa vie..

Oui, je les aime bien.. ces boulistes…

Pascal BIRDY

 

 

 

 

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LA FARANDOLE DU TEMPS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

La farandole sillonne et vole.

Ces troubadours de l’espace

Voyagent dans les étoiles,

Parcourent l’univers à bord de leur vaisseau,

Recherchant ce qu’il y a de plus beau :

Ruisseaux, monts et collines,

Oiseaux, roseaux et ondines

Ils ont quitté la Terre,

Pour voir c’ qu’il y a derrière.

Oubliant qu’avant-hier,

Ils trouvaient super

De courir et sauter les rivières.

Enfants, ils étaient passionnés

Pour rouler, sauter, jongler

Maintenant, ils rêvent de revenir en arrière

Pour rire, jouer et chanter

Ils rêvent et c’est leur prière

De retrouver leur cour de récré

Avec leur prof bien aimé

Qui leur apprend, ces jeux géniaux, ces numéros :

Rolla bola

Rouleau en bois

Fil de fer

Assiette chinoise

Et jonglage

Véronique robert

 

 

 

 

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PLAGE EN AOUT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Au loin la mer se retirait

J’ai marché sur la plage souillée de papiers sales
Le sable suintait d’éclats de verre et de plastique
La mer cachait dans ses creux des petits poissons morts
Et cette couleur indéfinissable ponctuée de taches noires !

J’ai regardé avec stupeur cette vision de fin du monde
Cette foule de gens indifférents
Allongés, tels des morceaux de viande en train de cuire
Sous la chaleur écrasante du soleil
Qu’arrive t’il donc à notre mère la Terre ?
Même les arbres semblent mourir en plein mois d’août
Les feuilles sèchent, se recroquevillent et tombent
Taches de cendre sur couleur de sable terre
Je pleure la beauté d’autrefois
La pureté d’avant
Je regarde l’absurdité du monde qui m’entoure
L’inconscience puérile et tranquille de ces foules anonymes
Et je commence à avoir vraiment peur
Le monde n’est-il qu’indifférence !
Le monde n’est-il qu’incohérence !
N’y a-t-il plus aucun havre de paix sur cette pauvre terre malade !
Je regrette les eaux limpides qui criaient de vie
Les plages, immaculées, vierges et sauvages.

 

 

                        Thérèse Leroy

                        12 Août 2003

 

 

 

 

 

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LES GENS D’AMOUR (Chanson)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

On les devine à leur sourire

A leur regard qui semble dire :

« Nous sommes là pour vous aider,

Nous sommes là pour vous aimer »,

Ils sont la joie, le réconfort,

La lumière qui mène au port,

Les gens d’amour.

 

Les gens d’amour ont de grands cœurs

Qui s’ouvrent comme celui des fleurs.

Elles ouvrent tout grand leurs pétales

Et les abeilles s’y régalent

Pour se gorger du plus beau miel

Avant de partir vers le ciel,

Les gens d’amour.

 

Les gens d’amour prennent la main

De tous ceux qui ont du chagrin.

Ils donnent toujours aux miséreux,

Ils sont contents de votre veine,

Ils en oublient leur propre peine,

Et c’est ainsi qu’ils sont heureux,

Les gens d’amour.

 

Ils sont tout plein, de par le monde,

Beaucoup plus qu’on ne saurait croire.

Leurs yeux sont comme une eau profonde

Et les enfants y viennent boire.

Leurs bras sont source de tendresse,

Leurs mains sont chargées de caresses,

Les gens d’amour.

 

Nous avons tous une cuirasse

Collante comme de la crasse

Qui nous garantit de l’amour.

Il suffira peut-être un jour

Qu’un doux regard, un grand sourire,

Deux mains tendues nous la déchirent

Et nous serons :

Des gens d’amour.

 

Marcel Lesage

 

 

 

 

 

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SAVOIR VIEILLIR…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Savoir vieillir dans la tendresse

Te souvenir de ta jeunesse

Te redresser en maintenant

Ton corps au mieux, l’esprit gagnant

 

Savoir vieillir l’air malicieux

L’œil pétillant le cœur heureux

Offrir ton temps à tes amis

Et apprécier toujours la vie

 

Savoir vieillir toujours mûrir

Parfois se sentir rajeunir

Sans jamais vouloir relâcher

Et sans jamais s’apitoyer

 

Savoir vieillir dans la passion

De reporter son affection

De montrer d’ailleurs sa fraîcheur

Arborant toute sa vigueur

 

Savoir vieillir avantagé

Ne pas faire l’âge qu’il y paraît

Avoir ce regard attachant

Des petits vieux de maintenant

 

Savoir vieillir se souvenir

Des jours heureux… de l’avenir

Sans se soucier pour un instant

Des petits ennuis du moment

 

Savoir vieillir et profiter

Des derniers jours d’intensité

En sachant que rien n’est fini

Tant que cette vie nous sourit

 

Savoir vieillir tout simplement

Sans être vieux ou faire semblant

Sans jamais vouloir relâcher

Ce qu’il nous reste d’humanité

 

Savoir vieillir quoi qu’il arrive

Avec courage et sans dérive

Savoir vieillir sans renoncer

De faire enfin ce qu’il nous plait

 

Savoir vieillir sans renoncer

De faire enfin ce qu’il nous plait…

 

19André Noiret

– Mai 2005

 

 

 

 

 

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LE CERF

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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J’allais à pas lents par la sombre allée

En ce jour de septembre, cherchant sous la feuillée

Des cèpes, des girolles, en un mot enfin

De quoi déjeuner, par ce clair matin.

 

Une fuite éperdue, sous la branche froissée,

Et je vis… un cerf… au galop débouché

L’œil atone… hagard… d’eau ruisselant

Il me vit… haletant… il s’arrêta tremblant.

 

D’où venait-il, ce noble animal

Dont la beauté ne craint aucun rival !

Quel chemin parcouru depuis à peine une heure

Au matin, joyeux, et maintenant il pleure

 

Son sort est-il d'être toujours traqué

De feuillée en feuillée, un gîte rechercher,

De finir sous les yeux d'une noble lignée

Qui croit se grandir en voyant la curée ?

 

Mon coeur en le voyant se serra de tristesse.

Où étaient ses petits, sa femelle, sa clairière,

La limpide rivière où il buvait joyeux

En faisant retentir son long brâme sous les cieux ?

 

Je fis un geste qui semblait dire... quoi !

Me comprit-il, je ne sais, il fila sous le bois

Tandis qu'au loin retentissait... le Cor

Et que les chiens hurlaient tous à la mort.

Roger Devillers

12 Juillet 1956

 

 

 

 

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NATURE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Un beau jour de printemps une petite fille

S’en allait dans le bois pour cueillir la jonquille.

Elle était si jolie dans son manteau tout bleu

Que l’on aurait pu croire un bel oiseau des cieux.

Elle allait chantonnant le long du grand chemin

Inondant les ramures de ses joyeux refrains

Ses longs cheveux bouclés, ruisselant de soleil

Etaient comme les blés en juillet tout pareils

Et, la voyant passer si radieuse et si pure

Je compris le bonheur qu’apporte la nature.

Bannies soient la grand’ ville et ses tristes journées

Où l’homme le plus libre est toujours opprimé.

Ce n’est qu’au fond des bois ou au milieu des prés

Que l’on peut seulement vivre en toute liberté.

Pierre Babillot

 

 

 

 

 

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ULTIME CADEAU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Cette petite gare du Nord de la France est bien tranquille, et le train, à l’arrêt, respire la même sérénité. La guerre est pourtant proche, mais personne ici ne semble y songer.

Sur le quai, un couple d’amoureux se regarde au fond des yeux, plus sensibilisé, croit-on, à la gravité de l’heure. Le garçon est mobilisé, la fille envisage un proche exode.

André et Claudie se séparent douloureusement… Ils pensent amèrement qu’il ne passera plus guère de train ici avant longtemps.

 

Quelques mois plus tard, une frêle jeune fille trottine allègrement sur le trottoir d’une rue de Caluire. Elle est à la fois pressée et insouciante. A vingt ans le monde est toujours un peu à soi. Son inconscience est telle qu’elle tient à la main, sans aucune prudence, une liasse de feuilles que n’importe qui peut déchiffrer à un ou deux mètres. Ce sont des tracts de la Résistance.

La résistance fut quelque chose d’étrange : une machinerie particulièrement élaborée d’une part, un réseau de pulsions incontrôlées d’autre part. L’action sublime et l’activité brouillonne. Le même idéalisme pourtant et le même courage. Mais cette jeune fille, presque une ado, avec cette bombe entre les doigts ! Passe encore de mourir quand on est Jean Moulin, mais se faire prendre quand on n’est que Claudie, la petite amoureuse insensée de cette gare tranquille du Nord de la France, encore figée dans sa torpeur.

 

Naturellement elle s’est fait prendre… et emmener, Dieu sait où, par un occupant féroce qui ne convint jamais n’avoir arrêté qu’une petite « pointure » et qui s’acharna… Elle ne fut en rien épargnée. Ce fut la déportation à RAVENSBRUCK, de sinistre réputation. Ce fut la faim, la crasse, les coups, les maladies. Pire ! Les viols. Et ce, en groupe. Cela ne s’appelait pas encore « tournante » mais c’était déjà plus qu’odieux ! Les auteurs ? Des soldats allemands en service de garde et en appétit. Qu’auraient fait des Français, eux aussi en grand manque ? Un jour… ce fut un chien ! Les soldats étaient saouls… ils ont osé ! C’était tellement plus drôle ! On la fit boire aussi, « pour corser », et fumer… Il y eut des fausses couches, c’était à prévoir. Bref ! L’horreur, la chute, le désespoir !

En 1945 la jolie petite môme de 1939 avait fait place à une « fille », marquée, au regard torve, aux gestes raides d’un pantin malmené.

C’est cette malheureuse qui reprit un jour le petit train en direction du Nord, prostrée dans le coin le plus reculé d’un compartiment encore vide.

Chacun sait qu’après la nuit naît le jour, qu’après la pluie vient le soleil et que le drame précède l’accalmie. C’est dans le train du Nord qu’un souffle de douceur caressa le visage ingrat de notre voyageuse. Dans le cadre de la porte laissée ouverte venait d’apparaître un beau gars, un gars que Claudie reconnut. Il n’avait guère changé. La guerre lui était passée dessus sans dommage, et son éternelle mèche blonde adoucissait son front. C’était André ! Il y a des moments uniques dans la vie et qui vous paient de tout… Elle dévorait André qui ne la voyait pas. Le regard de l’homme avait pourtant balayé la silhouette recroquevillée, mais sans effet. Se pouvait-il qu’il ne l’ait pas reconnue ? Il y a des moments atroces dans la vie qui vous désespèrent.

 

Quelle décision prendre ?

Se taire et passer ?

Crier son espoir et se faire reconnaître ?

Certes André était merveilleux, il la retrouverait, l’accepterait, prendrait son avenir en main. Et s’il était marié ? Il trouverait une solution…

 

Mais serait-il heureux de ce chambardement ? Il avait laissé une adorable jeune fille, il retrouvait…

Il avait peut-être réussi professionnellement, serait-il content de présenter cette autre Claudie à son entourage ? Le passé ne leur sauterait-il pas un jour à la figure ? Avec tous les dégâts que cela suppose.

 

Un second regard, tout aussi indifférent, lui rebalaya la joue, sans le moindre effet. Il ne la reconnaissait pas. Qu’était-elle donc devenue ?

On reconnaît les gens perdus de vue, même après trente ans, s’ils ont vieilli normalement. Mais quand l’intérieur, en plus, est totalement délabré…

Tais-toi Claudie, tais-toi !

 

Le train se fit complice de la décision et s’arrêta. La pauvre silhouette déglinguée descendit péniblement les marches incommodes. Le garçon la suivit quelque temps du regard… Elle lui rappelait sûrement quelqu’un…

Elle se retourna, lui sourit… Un pauvre sourire dont il ne connaîtrait jamais le prix !

Paule Lefebvre

 

 

 

 

 

 

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DROLE DE DESTIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Marina, une jeune fille talentueuse et pleine d’ambitions, vivait avec ses parents adoptifs. C’était une fille bien élevée, elle était heureuse.

Tout commença le jour de son anniversaire lorsqu’elle arriva dans le salon et dit à ses parents :

 

« Papa, Maman, aujourd’hui j’ai 16 ans et je crois que je suis enfin prête à connaître ma vraie mère. »

En disant ces mots, elle se sentait gênée, elle avait peur de leur réaction.

« Tu en es vraiment certaine ? »

« Oui, je voudrais savoir tant de choses sur elle, son nom serait déjà important pour moi ! »

Son père essaya alors de changer de conversation, il avait peur, peur de quoi ? On ignore.

Les jours suivants, on remarquait que Marina n’allait pas très bien.

Heureusement que Cathy était là, c’était la seule personne à qui elle pouvait en parler.

Marina se confiait souvent à elle, elle l’admirait beaucoup et avait une grande confiance en elle, toujours là dans les moments les plus douloureux, peut-être tout simplement parce que Cathy était plus âgée de 18 mois.

« Mais essaie de les comprendre, ils ne veulent pas perdre « leur petite fille » ! », répétait sans cesse Cathy à Marina.

« Et puis imagine que ta mère soit la prof de gym ! Celle que tu admires tant ! »

Elles rirent toutes les deux.

« Ce serait la pire chose qui pourrait m’arriver ! » lui répondit Marina en riant.

 

Un jour, lorsqu’elle rentrait du lycée, ses parents étaient assis dans le salon en l’attendant. Sa mère lui tendit un morceau de papier blanc plié.

« Marina, voici les seuls indices que nous possédons sur l’identité de ta mère biologique. »

« Merci ! »

Elle les embrassa puis reprit :

« J’espère que vous me comprenez vraiment et de toute façon vous resterez toujours mes parents car elle m’a abandonnée. »

Marina courut dans sa chambre et s’allongea sur son lit. Elle était tellement stressée à l’idée de découvrir le nom de sa mère biologique qu’elle n’osa pas ouvrir le papier. Elle téléphona alors à Cathy.

« Allo Cathy ? »

« Oui ? »

« Tu peux venir chez moi, s’il te plaît ? » demanda Marina toute excitée et angoissée en même temps.

Cathy arriva aussitôt. Elle avait perçu au téléphone l’angoisse de Marina, elle savait qu’elle attendait ce moment depuis tant d’années.

 

Marina demanda alors à Cathy d’ouvrir le papier à sa place. Elle hésita un moment puis l’ouvrit.

Elle se mit à ricaner, c’était un rire assez étrange :

« C’est une blague ? » demanda Cathy.

« Mais de quoi parles-tu ? »

Cathy sanglota, elle jeta le papier et s’en alla en claquant la porte.

Ne comprenant pas sa réaction, Marina se leva pour voir ce qui était inscrit sur le papier.

« Mlle LOBET, née le 16 mars 1963. »

Ce nom lui rappelait en effet quelqu’un…

« Mais oui, c’est Cathy qui m’a parlé de cette femme, mais qui est-ce ? Je ne m’en souviens plus. »

Le lendemain, comme tous les matins, Marina rejoignit Cathy à l’arrêt de bus.

« Bonjour Cathy ! »

« Salut ! » répondit Cathy sans même la regarder.

« Pourquoi es-tu partie si vite hier soir ? » demanda Marina, impatiente d’en savoir la raison.

Cathy prit la main de Marina et lui dit !

« Tu sais… cette « Mlle LOBET »… »

« Oui… j’allais justement t’en parler… »

Cathy la coupa :

« Et bien, c’est… c’est ma… c’est ma mère… »

Marina fut très émue, elle lâcha la main de Cathy et s’en alla.

Mélodie Calvanese

 

 

 

 

 

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METEMPSYCOSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Romain et Boris avaient tous les deux 15 ans et ils étaient dans la même classe. Ils jouaient souvent ensemble au basket après les cours, sur le terrain extérieur du quartier où ils habitaient. A Marseille, il y a quelques terrains comme celui-là, en béton, avec les poteaux tagués et les filets en chaîne de fer, abandonnés au milieu des grandes rues. Romain et Boris jouaient aussi dans l’un des clubs de la ville. Ils n’étaient vraiment pas mauvais au basket. Ils habitaient dans le quartier « chaud » de Marseille, dans les malheureux HLM qui pourrissaient d’année en année. Le taux de violence y était élevé. Mais le basket était le moyen pour eux d’oublier tout ça ; quand ils jouaient à deux, ils laissaient leurs problèmes de famille et autre sur le banc de touche, hors du terrain.

 

Lorsqu’un jour, ils jouaient sur le terrain en béton défoncé au milieu du quartier, une fusillade éclata entre deux gangs ; ils coururent dans tous les coins pour se cacher mais Romain se prit une balle perdue en plein cœur. Le gangster avait vidé son chargeur « à l’aveugle », dans le vide, espérant toucher un gangster ennemi.

Boris n’avait rien pu faire, il n’avait plus que ses yeux pour pleurer sur le corps de Romain. Les gangsters s’enfuirent…

Romain fut enterré un 29 février…

 

Puis, des années après, Boris qui continuait toujours le basket, acheta un ballon dans un magasin de sport réputé. Un beau ballon de NBA jaune et bleu. Il rentra chez lui et essaya quelques paniers au terrain du quartier.

Soudain, des bruits sortirent du nouveau ballon, on aurait dit des mots même…

Oui ! C’était bien des mots, le ballon parlait !

-                       « Salut Boris ! »

Boris lâcha le ballon de suite, se disant qu’il était fou mais non, le ballon parlait vraiment !!! Il le ramassa :

-                       « Je suis Romain, je me suis réincarné en ballon. Je sais, ça paraît invraisemblable mais c’est vrai, la preuve ! » dit le ballon.

-                       « C’est pas possible… C’est pas possible… Ce n’est pas toi, je dois être en train de rêver tout simplement ! » s’exclama Boris, avec les yeux grands ouverts et la bouche bée.

-                       « Mais non, pourtant ; tu ne rêves pas, c’est bien moi ! S’il te plait, ne t’enfuis pas… »

Romain, en tant que ballon, pouvait faire ce qu’il voulait : il pouvait rebondir, avancer en roulant et… sauter dans le panier !!!

Il fallut un mois à Boris pour se rendre compte que Romain était bien devenu un ballon après sa mort…

 

Ils jouaient à nouveau ensemble maintenant, mais d’une autre façon : Boris envoyait le ballon vers la cible et Romain n’avait plus qu’à se glisser dans le panier ! Cela devenait plus facile pour Boris ! Il n’y avait que lui qui savait que Romain s’était réincarné en ballon. Il garda le secret pour que les gens ne le prennent pas pour un fou, ce qui se comprend…

 

 

Le 9 mai était un jour spécial. En effet, ce jour là, l’équipe du quartier Nord de Marseille où jouait Boris était en finale de la coupe du Sud de basket, l’occasion était unique : Romain n’avait jamais joué à un tel niveau ! Mais pour que la « fête » soit encore plus belle, il fallait la gagner cette finale ! Boris eut une idée…

Il proposa de jouer avec son ballon (qui n’était autre que Romain) ! Le match serait beaucoup plus simple ! Mais Romain dit à Boris qu’il aiderait son équipe uniquement si elle était en difficulté ; Boris comprit.

 

Le match commença, les deux équipes étaient très tendues ! L’équipe adverse était Toulon.

 

Le panneau d’affichage annonçait : 17 – 17 au premier quart temps.

32 – 32 au deuxième quart temps ; les deux équipes étaient de même niveau !

Le score était de 66 à 66 au troisième quart temps ; pas moyen de se départager !

Puis, dans le dernier quart temps alors qu’il restait 5 secondes, la marque était de 80 à 81 en faveur de Toulon : Boris envoya le ballon du milieu de terrain vers le panier car c’était la seule manière de remporter ce match, puis Romain, ni vu ni connu, dévia sa trajectoire afin de se glisser dans le filet du panier,

Résultat : 83 – 81…

Charly Caillaux

 

 

 

 

 

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< GPS GIRL >

Anywhere – out of the world

Charles Baudelaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

          “… Veuillez tourner à cinq cents mètres à droite, à la prochaine intersection…”

          Ah ! C’est le « GPS »¹ qui parle… Le « GPS » - ou plutôt cette énigmatique, à la limite agaçante, voix susurrante de femme qui nous invite très civilement à suivre ses indications. « Nous », car nous sommes plusieurs à bord : mon ami, un acharné des dernières prouesses technologiques, son épouse et moi-même – avec la mienne.

Nous nous rendons à l’enterrement de la mère d’un commun ami, une vieille et fidèle relation de travail… Et comme le lieu de l’inhumation se trouve à l’autre bout du département – dans « l’Outre-Forêt » comme l’on dit merveilleusement ici, tout un programme, et pourtant il ne s’agit pas de la forêt de Brocéliande- mon ami n’a pas trouvé mieux que de faire appel aux services d’un navigateur électronique !

Nous sommes censés suivre notre itinéraire sur le petit écran agglutiné comme un crapaud plutôt que fixé sur le pare-brise, mais comme je me trouve à droite et qu’il y a des reflets, je n’y vois rien… J’entends juste par intervalles cette voix étrange qui crachote dans l’appareil : « Attention, apprêtez-vous à quitter la route nationale… », « Père, gardez-vous à droite ; Père, gardez-vous à gauche ! »² et ainsi de suite. Le conducteur, aux anges et aux petits soins pour sa dernière acquisition, est littéralement fasciné par cette présence féminine virtuelle toute en suggestions courtoises. Par moments cela sonne comme le sifflement du serpent de la Tentation au jardin d’Eden. Et pour un peu, si elle lui proposait de s’arrêter sur le bas-côté… pour lui faire des propositions… hum, ma foi, pas très honnêtes, sans doute lui obéirait-il aveuglément : « Voilà, nous y sommes. A présent, veuillez desserrer votre cravate et enlever votre chandail… » Le connaissant, il y a fort à parier que son « instrument » comporte deux versions : une « soft » -lorsqu’il utilise son appareil en compagnie de son épouse-, une seconde, version « hard », -lorsqu’il se déplace en célibataire-…

Ah, mais là je me surprends en plein délire et en train de projeter sur lui mes propres fantasmes !

 

***

Pour l’heure, la route se poursuit sans anicroches – sauf lorsqu’il s’agit de faire totalement confiance à cette obsédante navigatrice du futur, ce à quoi mon ami répugne parfois car en fait –comble de l’affaire !- il connaît parfaitement le début du parcours.

Il rouspète :

« Ah, mais pourquoi « elle » veut me faire passer par le village ? Je ne comprends pas : c’est pourtant plus court et direct par la droite !... » - ce qui lui attire de l’arrière les reproches et moqueries bien compréhensibles de sa moitié : « Mais pourquoi tu as dépensé ces deux mille balles (cela fait davantage mal qu’en euros !), si tu ne « l »’écoutes pas ? »

On remarquera au passage que cette voix immatérielle a définitivement pris corps pour elle et pour lui : « elle » (Allez d’ailleurs savoir si lui, sournoisement, à l’insu de son épouse, en tripotant les boutons de cet appareillage complexe, ne peut pas la faire apparaître sur son écran dans le plus simple appareil cette fois, sans le moindre complexe !). De toutes manières cette voix, cette à tout le moins « présence », elle s’immisce dans leur couple ; désormais, c’est une véritable relation à trois qui s’est instaurée par delà le principe de la triangulation trigonométrique qui préside à l’élaboration de cette étonnante navigation, - et lui « la » défend :

« … En définitive « elle » a quand même raison : « elle » veut nous faire passer par le contournement de … au lieu de prendre la bête nationale… »

Oh, cette mauvaise foi ! s’offusque Mouslyne.

Chemin faisant – et faisant contre mauvaise fortune satellitaire bon cœur – après moult

incidents drolatiques (ainsi, entre autres « bévues » de la charmante navigatrice, nous sommes amenés un moment à rebrousser chemin et à effectuer un deuxième ridicule passage sur un rond-point, « …mais, commente toujours mon ami pour la dédouaner, « elle » n’a pas encore pris en compte les changements routiers intervenus depuis peu, - car il s’agit de la version 2005 (sic)… ») on finit par arriver à la ville de destination et, à vue de clocher – c’est « gros », c’est le cas de le dire, « comme une église », il n’y a pas à hésiter – à proximité du temple où doit se dérouler le culte d’enterrement.

Et comme d’un commun accord de simple bon sens on manifeste l’intention de prendre la première place de parking visible libre, mon ami s’obstine à écouter les conseils de son Ariane électronique qui s’évertue toujours à susurrer de sa voix la plus cajoleuse : « Vous êtes bientôt à destination… Vous êtes bientôt à destination… » alors que Mouslyne s’indigne :

Mais gare-toi là ! Tu ne vas tout de même pas rentrer dans l’église !

Mais « Vous y êtes ! » vient de déclarer sa rivale ; alors mon ami enfin s’exécute…

 

***

Quel contraste que cette agréable fraîcheur à l’intérieur de l’édifice où nous nous engouffrons, alors que sur la route et dehors il fait une chaleur d’ours !

A peine le temps de s’habituer à la pénombre ambiante après l’aveuglement du grand soleil de l’extérieur, de saisir au passage à l’entrée la feuille que nous tend une dame patronnesse, et enfin de prendre place au dernier rang occupé – après tout, nous ne sommes pas de la famille – que retentissent les premières notes de l’orgue accompagnant le chant d’entrée :

                      « Sur le seuil de Sa maison

                      Notre Père t’attend… »

Après avoir noté la présence de notre ami, de sa compagne et de ses quatre fils aux premiers rangs – Dieu, qu’ils sont grands ! – j’ai juste eu le temps de jeter un coup d’œil circulaire dans le sanctuaire pour constater son austère et majestueux dépouillement que j’attribue au culte luthérien prédominant dans ce bout d’Alsace sur la frontière allemande, que déjà la Pasteur – car c’est une très jeune femme au visage émacié et aux longs cheveux blonds qui pendent hiératiquement sur le noir de corbeau de sa tunique dont il s’agit – prononce les premiers mots d’accueil :

 

O, surprise et étonnement ! Ses mots sont à peine audibles… et ce même chuintement

des consonnes sourdes… Cette voix, - mais je dois rêver ! – je la connais déjà : c’est celle de la Navigatrice Céleste de l’Empire de la Route, - la Gépéèsse Gueurle !

Mes voisins ne semblent pas frappés par cette terrible découverte : ne l’auraient-ils pas reconnue ? Ou suis-je victime d’une hallucination auditive ?

J’ai reconnu dans ses paroles le Psaume 23 qui figure sur ma feuille :

                      « L’Eternel est mon berger (…)

                      Il me dirige près des eaux paisibles (…)

                      Il me conduit dans les sentiers de la justice… »

Tout y est. Les mêmes problèmes pour la comprendre : il faut tendre l’oreille pour enregistrer les informations distillées de cette même voix légèrement suave – et plus sûrement « souabe » ainsi que je finirai par comprendre un peu plus tard : ce Pasteur femelle qui officie en Français avec des intonations qui me semblent quant à moi exquises s’avère être en fait une Allemande. D’où cette prononciation parfois heurtée, aux accents entrechoqués délicieux. En réalité, il n’y a là rien d’étrange si l’on songe à la proximité de la frontière : c’est ainsi que j’apprendrai, dans la petite « Winstub » près du cimetière, après l’inhumation, de la bouche de l’une des autochtones présentes, que cette sacerdotale charmante personne est fiancée à un jeune Alsacien…

 

***

Je passe sur le reste des funérailles : l’homélie – le sermon si vous préférez – exquise car pleine de délicates attentions pour la défunte et les proches, cette subtile parabole des pas sur le sable – allusion aux traces que laissent derrière elles les personnes qui nous sont chères – et mon ravissement grandissant à écouter cette voix, cette fois avec le plus grand sérieux, qui tente de me naviguer par delà les chemins étriqués de ma condition terrestre sur les autoroutes des mystères de l’Inconnu de l’Au-Delà !

Et cette dernière vision – ne devrais-je pas plutôt dire apparition ? – au cimetière, devant le trou béant de la tombe, de ses cheveux se soulevant au vent léger qui venait de se lever – et son départ, après ses derniers mots de réconfort chuchotés encore en guise de viatique à l’adresse du pauvre mari et des assistants en général, - de son départ de sa démarche élastique, tout de noir semblablement chaussée !

 

Que n’ai-je eu, au cours de ma déjà longue vie – et surtout dès mes premiers pas, pour me guider dans la tendresse de mon enfance – dans le dédale périlleux de l’Existence une semblable « gépéèsse gueurle », Mentor en jupons, qui m’aurait évité bien des fourvoiements, qui m’aurait soufflé dans l’Epreuve par-dessus l’épaule :

« Attention ! Ne t’aventure pas par là, - doucement, petit – oblique un peu à droite où la pente est plus douce… »

Mais l’aurais-je seulement écoutée, moi qui n’en fais qu’à ma tête ?

 

                                                                                                                      Gilbert Basquin

 

¹ « GPS » : Global Positioning System

² Paroles légendaires attribuées à Philippe de Valois au cours de la bataille de Poitiers (1356)

 

 

 

 

 

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LE PARC EN BAS DE CHEZ MOI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

J’ai marché. D’un pas libre, mais d’un pas lourd. J’ai marché. Les yeux rivés sur mes pieds. D’abord le gauche puis le droit. J’ai marché. Mes talons claquaient sur le bitume, signe de froid. Dans ma région natale on dit qu’il va geler quand même les baskets se font entendre en marchant. Je voyais le bitume défiler, les trottoirs, les passages piétons. Je voyais aussi les pneus des voitures, des camions qui passaient juste à côté de moi. Mon nez se levait uniquement pour voir le petit bonhomme rouge passer au vert. Puis j’ai regardé à nouveau en bas mes nouvelles chaussures cuivrées qui avançaient sans même y penser. Enfin j’entendais le craquement des gravillons. Je sentais des petites boules se dérober sous mes semelles, glisser et rouler plus loin. Le gris sale du sol s’est transformé en terre bien plate parsemée de petits gravillons blancs cassés par les semelles perdues en promenade. Ca y était, j’étais dans le parc en bas de chez moi.

 

Quand j’étais plus jeune je me serais amusée à prendre mon vélo pour venir apprendre à faire des dérapages comme les garçons. Mais là, je marchais d’un pas lourd et lent. Finalement, c’était plutôt mes pensées qui étaient lourdes. La vue de ce chemin qui se dérobait sous mes pieds et le bruit des gravillons qui sautaient me donnaient envie de m’évader, de m’envoler très haut, de prendre le temps de regarder, d’écouter, de vider ma tête. Alors pour ne pas rester la tête dans mes pensées, je l’ai relevée et tout est devenu soudainement merveilleux.

 

J’avais dans les oreilles les cris des enfants qui, quelques cent mètres plus loin, jouaient dans le bac à sable et sur les jeux de toutes les couleurs au fond du parc. Les mamans étaient assises sur les bancs de bois, les entourant, parlant entre elles des prouesses et des bêtises de leurs petits bouts. Tout le long de l’allée centrale, les mamies et les papys s’étaient assis sur les bancs posés les uns à la suite des autres. Pas un n’était libre. Dans leurs yeux, on voyait du bonheur. Ils prenaient plaisir à regarder les gens passer devant eux, à écouter les conversations des uns et des autres, à regarder au loin les enfants, à parler de leur bon vieux temps. Ils se délectaient toujours et encore des couleurs et des odeurs de ce parc qu’ils connaissent depuis des dizaines d’années. J’ai alors levé les yeux encore plus haut. C’est un ballet de couleur qui s’étendait devant moi. Des arbres, petits, grands, voire gigantesques, rouges, jaunes, orangés et certains encore verts, s’élevaient vers le ciel avec un tel charme, une telle noblesse. C’est l’automne, et l’automne dans le limousin est une merveille pour les amoureux de la nature. J’ai continué d’avancer sur la grande allée et j’ai eu envie de couper par la pelouse. Une force m’attirait vers cette dernière. Mes yeux demandaient du plaisir, demandaient d’être éblouis. Je voulais profiter de la nature, profiter de ses odeurs, de ses couleurs, de ses images sur lesquelles on ne prend pas le temps de s’arrêter. J’ai enjambé la petite bordure et j’ai écouté mes pieds fouler l’herbe. Elle était tondue depuis peu, d’un beau vert, un vert parfait, un vert pur, je dirais même un vert vierge, comme si jamais personne n’avait marché dessus. C’était un plaisir de le faire. Mes yeux se sont baissés vers la pelouse, pour admirer l’éclatante couleur et la brillance que le soleil révélait d’elle. C’était une beauté. Les arbres perdent leurs feuilles et bientôt mon tapis vert s’est trouvé complètement jonché de feuilles rouges écarlates. Rouge sur vert avec un rayon de soleil jaune au travers des arbres. Qu’est-ce que j’aurais aimé avoir un appareil photo…

 

Je me suis mise à sourire sans pouvoir l’expliquer. Du baume au cœur, une vague de chaleur, une beauté à regarder, peut-être pour tout ça. J’ai récupéré le petit chemin qui longeait le ruisseau. Des roseaux, des herbes de la pampa et de multiples plantes vertes basses sont posées là comme si quelqu’un avait un jour mélangé des graines dans sa main et puis tout lancé en l’air. Il y avait les reflets du soleil sur l’eau. On aurait dit de petites étoiles qui scintillent dans un mélange de blanc et de bleu au gré de l’écoulement. Le petit chemin s’est transformé en petit pont de bois, fait de petites lattes, à fleur de l’eau sans protection comme ceux qui traversent les champs de tourbières que l’on peut visiter. Au bout du passage un patio, construit en rond autour d’un énorme arbre entouré de bancs. C’était peut-être un hêtre ou un séquoia, je ne sais pas. J’ai eu soudain honte de moi et le regret de n’avoir jamais voulu écouter mon père lorsqu’il se plaisait à parler des essences nobles quand j’étais petite.

Je me suis demandé pourquoi fallait-il être une jeune personne pour enfin s’arrêter sur de telles images et pourquoi les papas ne peuvent-ils pas comprendre qu’à l’âge d’un enfant on ne puisse pas être intéressé par autant de culture. J’aurais aimé qu’il soit assis à mes côtés pour me répéter son savoir. Mais à défaut, j’aperçois une petite pancarte sur le tronc de ce très grand arbre aux feuilles orangées qui pleurent légèrement vers le bas. Je sais maintenant que je suis assise au pied d’un cyprès. Papa, j’aurais tant aimé que tu sois là. J’ai les mains gelées en écrivant sur mon banc et pourtant j’ai le cœur chaud. Une douce chaleur me berce. Toutes ces couleurs chaudes relevées par les rayons du soleil me font plisser les yeux comme en plein été. Il n’y a que la pelouse et les bords du ruisseau qui rappellent la saison chaude où les enfants jouent au football et où les filles se plaisent à exposer leur peau blanchie par l’hiver. Oui, j’ai en face de moi un paysage magnifique que j’aimerais immortaliser.

 

Dans le petit patio où je suis assise, il y a un vieux monsieur avec son chien, probablement un clochard. Son chien aussi est assis sur le banc. Le monsieur, avec son bonnet enfoncé jusque sur les yeux caresse son compagnon de route. Un bruit dans les feuillages attire son attention. Ses yeux se détournent vers la haie. Je vois sa tête suivre quelque chose qui bouge tout le long de la haie qui nous couvre le dos. J’entends cette chose aller vite et vers moi. Le regard du monsieur se pose alors sur moi avec un grand sourire. Les sourcils relevés, insistants, il me demande gentiment avec la tête de suivre cette chose tout comme il le faisait. Je tourne donc la tête vers le bas de la haie et une petite boule de poils roux en sort, avec une longue queue en panache et des yeux noisette grands ouverts. C’est un écureuil qui se promène simplement, sans peur, sans crainte, juste derrière moi. Il a retrouvé son arbre et y a grimpé tout en haut. Mon regard l’a suivi tout du long. Quand je l’ai perdu de vue, j’ai regardé à nouveau le monsieur. Il m’a vu avec un sourire éblouissant et des yeux illuminés. Je crois qu’il est encore plus heureux que moi de l’image que je lui donne. Il s’est levé et est parti doucement mais fier. Je me suis alors souvenue d’une après-midi d’été chez mes parents où j’avais eu envie de lire au bord de l’étang de la ville. J’y avais enlevé mes sandales pour sentir l’herbe fraîche sous mes orteils. J’étais tellement plongée dans ma lecture que je n’ai pas entendu le couple de personnes âgées qui s’avançaient sur le chemin. Je ne l’ai senti que lorsque la main lisse et usée du pépé m’a chatouillé le dessous du pied avec un rire épanoui. J’ai sursauté et souri. Je me dis que nos grands-parents n’ont pas perdu espoir de nous faire découvrir les petits bonheurs qui ont fait toute leur jeunesse. Ca leur fait chaud au cœur de nous voir sourire devant un écureuil, de nous voir pieds nus dans l’herbe à lire ou assis au pied d’un arbre à tester nos talents d’écrivain.

 

Le patio est calme, j’y suis seule avec un paysage magnifique et tous les bruits qui l’entourent. Au-delà, le petit ruisseau est traversé par un jeune couple et leur premier enfant. Difficile apprentissage du vélo. Un jeune papa plein d’espoir de réussite et un petit garçon sans équilibre se battent pour faire rouler droit le vélo. Plus loin, une femme accompagne son fils trisomique : François. Il pousse des cris continuellement mais son visage sourit, il est content. Il ramasse des feuilles mortes rouges et jaunes. Plus loin, des papys discutent, pipes à la bouche et surveillent leurs petits fils dans le bac à sable. L’un d’entre eux est sur les genoux de son grand-père et boit ses paroles comme si on lui contait une histoire. Encore plus loin j’entends les voitures rouler à cinquante ou soixante kilomètres/heure sur le boulevard. Et toujours plus loin, des maisons, des immeubles, des grandes surfaces qui bougent : Limoges.

Mais je sais qu’un peu plus loin, il y a un autre parc. Dans celui-là, il y a des terrains de boules où je vois l’été des dizaines de pépés et papys tirer ou pointer comme dans leur bon vieux temps. Ce qui est amusant, ce sont les concours car les étudiants perdurent la tradition même si pour eux cela reste juste un délire. Si je continue encore plus loin, je trouve la forêt, le lac de Saint Pardoux, de magnifiques randonnées et je m’amuse à m’imaginer la forêt toute rougie par l’automne, les chemins recouverts de feuilles dans lesquelles on traînerait les pieds comme dans la neige. D’ailleurs nous l’avons fait le week-end dernier et nous y retournerons la semaine prochaine avec l’appareil photo.

 

J’ai maintenant les doigts engourdis, les ongles bleuis et le visage cinglé par le froid mais toujours les yeux plissés devant tant de lumière et de chaleur. Quel spectacle !

 

Floriane Kurowiak - Décembre 2004