SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N° 3

1-2-3-4 - 5-6-7-8-9-10

 

 

Juillet-Août-Septembre  2002

 

Illustration BD page 2

Patrick MERIC

Mot du Maire page 3

Guy BRICOUT

Reportage photos page 4

Emeline BRICOUT

Chronique Littéraire page 5

Denise LEPRÊTRE

JEUNES

 

Les fleurs

Le riche malheureux page 6

LUCIOLLE *

LUCIOLLE  *

Au beau temps de la plume page 7

Ecole Saint Michel

Trouvailles page 8

Ecole Ferdinand Buisson

Prison page 9

Denise JARDY

En ce printemps page 10

Léa

La France page 11

Floriane KUROWIAK

HUMOUR

 

Eclipse page 12

Jean-Claude LAMPIN

Pourquoi tu pousses ? page 13

Paule LEFEBVRE  *

Ch'eul vaque qui rit page 14

Hector MELON D'AUBIER  *

Soleil-Ciel page 15

Monique DELCROIX

l'Amour

Pantoum page 16

Jean-Claude FOURNIER

Jean-Claude FOURNIER

El camanette

El cop d'cottron page 17

Léonce BAJART

Léonce BAJART

Il s'en va faire s'partie d'cartes page 18

Marcel LESAGE

Allo ! j'acoute page 19

Daniel CARLIER

Les nouvés seigneurs page 20

Jean-Pierre LEFEBVRE

ADULTES

 

Les lutins page 21

Roger DEVILLERS

Abandonpage 22-23

Pascaline DAPVRIL-ANDREAZ

Pourquoi j'aime ma région… page 24

Andrée COUVREUR

Poème que je t'écris en couleur pe 25

Muriel VERSTICHEL

Viens dans ma maison page 26

Chantal LEFEBVRE

Bain de jouvence page 27

Thérèse FABIAN DECHY

Berck plage-Le Touquet page 28

Jean Charles DE BEAUMONT

Marchons page 29

Olivier CATIEAU

Au pays de Mormal page 30

Gisèle HOURIEZ-MACAREZ

Le grelot page 31

Yann VILLIERS

Regard page 32

Geneviève BAILLY

La Joconde et le baiser page 33

Charles LERICHE

Graine d'illusion

L'hirondelle page 34

SAINT HESBAYE  *

SAINT HESBAYE  *

Les lutins du temps bleu page 35

HERTIA-MAY

Je t'aime page 35

Charly WAL

Une personne que j'adore page 36

Maryse MARECAILLE

Les voluptés du chat page 39-40-41

Françoise LELEUX

Week-end d'autrefois page 42-43

Marie-Jo WANESSE

A mon d'chez Aline page 44-45

Henri MONTIGNY

Le rendez-vous page 46 à 49

Paule LEFEBVRE *

Un présent de valeur page 50 à 52

Denise DUONG

Infos et abonnement    

Editions littéraires

*  Retrouvez l’auteur dans la revue littéraire.

 

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P1

 

MOT DU MAIRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Déjà le 3° numéro de la CAUDRIOLE avec au sommaire de cette parution, une production littéraire éclectique mêlant avec talent tous les genres, de la poésie au patois "bien de chez nous" avec un petit détour par la bande dessinée.

A l'origine de cette heureuse initiative qui permet aux écrivains en herbe et à d'autres plumes déjà expertes de s'exprimer, on retrouve Madame LEFEBVRE, figure locale de la culture et l'Office Municipal de la Culture sous la houlette de sa Présidente, Madame DHOLLANDE.

J'adresse mes sincères félicitations à l'ensemble de ces personnes qui participent activement à la promotion de la lecture avec au delà de cette passion pour le livre, la volonté de faire lire.

 MEILLEURS SENTIMENTS

Guy BRICOUT

 

 

 

P2

Tirage de photos tirées pour une présentation de thèses en photographie

L'expression choisie fut tirée de " TINTIN au Pays de l'Or Noir"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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P3

 

PETITE CHRONIQUE LITTÉRAIRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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 UN CHANTRE DU BONHEUR : PHILIPPE DELERM

 Comme tout le monde vous avez lu : la première gorgée de bière … et vous avez aimé cette façon de valoriser les plaisirs simples de la vie …On peut rester sur sa faim … ou plutôt sur sa soif ( ! ) parce qu'on reste tout de même ici, un peu au ras des pâquerettes

Alors, lisons, lisez ses autres textes … par exemple Un été pour mémoire : il descend dans le midi pour l'enterrement de sa grand-mère : Demain j'arriverais… et c'est l'occasion, dans un style tellement limpide, de dévider le chapelet des souvenirs de l'enfance.

Mieux encore ! : Le bonheur avec, comme sous-titre : Tableaux et bavardages. Et l'on s'aperçoit, au fil des pages, que le bonheur, s'il est simple pour le prof. De lettres Philippe DELERM, sa femme Martine qui écrit comme lui - mais des ouvrages illustrés pour enfants - et peint de délicates aquarelles … oui, le bonheur est simple, mais d'une simplicité faite de renoncements à l'inutile, à la vanité, à un confort excessif … lisons avec lui :

Le malheur de Sisyphe n'est pas de rouler une pierre, mais de rester absent de la beauté… Il va s'arrêter… comme la terre est belle ! Comment avait-il pu ne pas la regarder ? Le monde est un spectacle, le bonheur ne se compte pas…

Et ailleurs :

Le bonheur est fragile. Tu avance pas à pas. Tu ne sais rien des jours, tu glisses sur un fil, au loin tu ne vois pas. Si tu regardes en bas, c'est le vertige, ne regarde pas … Tu marches un peu plus haut, mais le bonheur est difficile. Tu risque à chaque pas… à chaque risque le bonheur est là.

En quinze tableaux, parfois très quotidiens … tantôt faits d'humour, ou de poésie, ou de philosophie… DELERM, le peintre, nous révèle un bonheur qu'on avait oublié… comment cela ne nous tenterait-il pas ?

D. LEPRETRE.

 

 

 

 

P4

 

Au beau temps de la plume...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Petite plume qui vole,

Danse, danse et tourbillonne,

Petite plume qui vole,

Viens te poser sur mon beau cahier !

Petite plume, entre les lignes,

Danse avec les lettres de l'alphabet,

Petite plume, tu es fatiguée ?

Viens te reposer dans mon encrier,

Petite plume, tu te reposes ?

Tu m'as bien aidée pour ma prose !

Petite plume, dès demain,

Je te reprendrai par la main,

Petite plume, avec moi,

Tu valseras la danse de l'alphabet,

Petite plume, grâce à toi,

Je remplis bien mon beau travail d'écolier !

Classe 7 - 8 ans

ECOLE PRIVEE MIXTE SAINT-MICHEL

18 Rue Aristide Briand 59540 CAUDRY

 

 

 

 

 

P5

 

TROUVAILLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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J'ai trouvé

J'ai trouvé douze boutons dans la boîte à outils.

J'ai vu deux perles dans la rue, je les ai prises.

Sur la route, j'ai trouvé un anneau rouge

Et dans ma poche un élastique qui bouge.

J'ai trouvé dans mon cartable une jolie bille.

Dans la cour, je l'ai donnée à une petite fille.

Adeline Delforge

J'ai trouvé

Collé sur une gomme

J'ai trouvé un chewing-gum.

Caché dans un violon

Un joli papillon.

Et au fond d'un camion

Un joli p'tit cochon.

Kévin Desmoulin

J'ai trouvé

Dans un trou

J'ai trouvé un hibou.

Sous le balatum

Un petit bonhomme.

Et sur le petit pont

Deux papiers de bonbons.

Britany Douchet

J'ai trouvé

Tout au fond d'un carton

J'ai trouvé un mouton.

Une grosse coccinelle

Qui entre dans un tunnel.

Et des roues de bateau

Que j'ai mises à ma moto.

Rémy Lasson

J'ai trouvé

Tout au fond de mon lit

J'ai trouvé un petit chien gris.

Rangé avec mes poêles

Dormait une belle étoile.

En rangeant mon salon

J'ai trouvé un bouton.

Quentin Tardivel

J'ai trouvé

Au bord de la rivière

J'ai ramassé des pierres.

Et j'ai cueilli des fleurs

De toutes les couleurs.

Sous une ombrelle verte

J'ai mangé des noisettes.

Le temps était si chaud

J'ai donc nagé dans l'eau.

J'ai traversé le pont

Pour rejoindre la maison.

Je me suis réveillée

Je pense que j'ai rêvé.

Manon Lucas

J'ai trouvé

Au fond de mes souliers

J'ai trouvé un carnet.

Sous un énorme buisson

Un gentil hérisson.

Accroché à mon cou

Un joli scoubidou.

Et sur la table de cuisine

Un gros buisson d'épines.

Rodrigue Van Malder

 J'ai trouvé

Sous la patte d'un veau

Un très joli panneau.

Au pied de mon portique

Une boîte de mosaïque.

Sous l'aile d'une mouette

Trois ou quatre noisettes.

Maxence Blandin

ECOLE FERDINAND BUISSON -

Classe C E 1  CAMBRAI

 

P6

 

 

PRISON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Du sang entre mes jambes

Maman

Désormais, je ne verrai le monde

Qu'à travers une grille.

Tout me sera ôté :

Le soleil et le vent

N'atteindront plus mon visage.

Mes yeux, que tu dis si beaux,

Seront amputés de la ville.

Ce ne seront plus mes paupières

Qui choisiront de les dérober.

Qu'importera, que je natte mes cheveux noirs.

Qu'importera que je rie, que je pleure.

Personne n'aura pitié.

Mon regard restera inconnu et désespéré.

Seules peut-être mes mains

Crieront ma douleur

Pour tous je ne serai qu'une ombre qui se faufile

Sans désir, sans existence

Personne n'aura pitié

Pas même toi, ma mère

Qui est leur complice.

Je n'ai que douze ans

Et la lourde burqa

M'ensevelit.

Jardy-Ledoux

 

 

 

 

 

 

 

P7

 

En ce Printemps...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Il y a le plumetis des pâquerettes sur la pelouse...

Simplicité.

Il y a l'éclat d'or des renoncules sur les talus...

Lumière.

Il y a la profondeur violette des iris...

Mystère.

Il y a le bleu têtu des centaurées et la rose tendre des ancolies...

Harmonie.

Les bouquets de mariées des aubépines dans les haies vives

Les véroniques aux yeux doux dans les hautes herbes...

Et toutes celles qu'on ne voit pas,

Que devine seulement le regard amoureux...

Luxuriance...

LEA Mai 2002

 

P8

 

La France

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Haïr, souffrance

Solitude, souffrance

Liberté, Egalité, Fraternité, c'est la France

Proverbe que tu connais

Mais tu sais qu'il n'est pas vrai

La politique crée la Guerre

La guerre crée la Mort

De ton pays en es-tu fier

De voir recouverts de sang ces corps

Vois-tu une différence depuis le début du siècle

Tout ce que je constate c'est un simple cercle...

Sans fin.

Haïr ou aimer

Séquestrer ou liberté

Mourir ou bien vivre

De ces mots est un résumé

La France n'a pas changé.

Floriane Kurowiak

tiré du recueil "Autour du Monde"

novembre 1997

 

 

P9

 

 

ECLIPSE... EL' TOTALE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Ch't'évén'mint, mes brav' gins avot pindant des mos,

Défrayer la chronique, aliminter l' gazette,

Aux dires des racontaches d'inne mitan tiête ed' sot,

C' jour-là sérot l' dernier, tout dévot disparaître

A in croire c' qu'in lisot, Diu sait c' qu'in a pu lire

El' ciel pou nous punir invérot tous ses fux

In devot à cop sûr tertousse s'attinte au pire

In n' pes'rot pas pus lourd que l' mitan d'in fitu

Tous les malheurs du monte allotent nous querre ed' sus

Débuquant drot d' l'espace, du fond de l' galaxie

Les restes d'in viux spoutnik dont les russ' n' voulotent pus

Devot r'déchinte sur tierre, au bieau mitant d' Paris

L'affaire étot sérieusse, i n' fallot pas in rire

Not' bonne vielle tierre vivot ses tous derniers momints

El' sièque avot pris d' l'âche i' allot bétôt mouri

Important aveuc li, et les biêtes et les gins.

Après l'avoir eu belle et minger not' pain blanc

El' temps étot vénu d'in minger foqu' du noir

El' monte allot cangé, rien n' s'rot pus comm' avant

Toutes chés peurs d' nous taïons r' montotent à not' mémoire

Mais l'évén'mint passé, i a bin fallu admette

Qu'à défaut d' fin du monte, ou pire d'apocalypse

In avot à peinne vu à travers nos leunettes

El belle mucher l' solel jusse el' temps d'inne eclipse

Tous ches boniminteux, dijeux d' bonn' avinture

N'avotent qu'à bin s' ténir, i n'étotent pour leus frais

Et si su l' dos d' chés gins, certains ont fait leu burre

D'autes à n'in point douter pouvotent s'arbotter

L' morale de ch' t' histoire, in n' pouvot trouver mieux

Ch'est qu'à forche ed' crier au leup pour tros fos rien

In finit par passer pou z'autes pour des minteux

In a rien à gagner de s' moquer d' sin prochain.

Jean-Claude LAMPIN

14 novembre 1999

 

 

P10

 

POURQUOI TU POUSSES ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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RAP ( de Papy à l'Ado )

Tu nous chahutes

Et nous rebutes

Quand tu réfutes

Tous azimuts

Et tout est nul

Hormis les bulles

Hormis les "tiques"

Informatiques

Et robotiques

Et médiatiques

Tout hermétiques.

Tout est débile

Et imbécile.

Hormis les sigles

Où nos bésicles

Sont rivés ;

Circuit fermé !

Et tu nous foules

Et nous refoules

Et nous, on coule...

Pourtant p'tit gars

La vie qu' tu as

Tu nous la dois !

L'avenir, tu l'as,

Alors pourquoi

Tu piaffes comme ça ?

Nous, on rebrousse...

Pourquoi tu pousses ?

Paule LEFEBVRE

 

 

P11

 

SOLEIL, CIEL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Quand l'échancrure rose, imprécise de l'aube,

Enténèbre de bleu, les replis de sa robe...

Sous le drap de la nuit, dans le ciel qui sommeille,

Tu surgis brandissant ta lumière vermeille...

Le banc des Cumulus soudainement explose,

L'aurore sur ton front, les coiffe et les dispose...

Pour t'en faire un turban, savamment les empale,

Perforant leurs rondeurs, sur tes rayons d'opale...

 

CIEL,

Pour te peindre il faudrait : la touche de Watteau,

Celle de Michel Ange, au sublime pinceau...

Je ne peux te traduire, Azur et vainement,

Vois les mots que je cherche et teinte de tourment...

La peine que j'endure, aux pages du désert,

En fuite, à la vau-l'eau, la muse qui me sert !...

Les bleus de ta palette, impossible sujet,

A jamais l'ont chassée, aux affres d'un rejet...

M. Delcroix

1er Prix Poésie (Spaf 2001)

CAMBRAI

 

 

 

P12

 

L'AMOUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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 L'Amour, c'est une écoute, un regard, un sourire,

Une épaule qu'on offre, une main que l'on tend,

Une impulsion du coeur, un être qu'on attend,

Emu, troublé, fébrile, qu'on réclame, désire,

Que l'on appelle en rêve, que l'on sent, quel'on respire,

Qui vous habite l'âme, qui vous prend, vous surprend,

A toute heure du jour, de la nuit qui s'étend,

Vous transporte en l'éther - ô délices ! délire !

La cerise à l'oreille, la rose en pâmoison

Grande ouverte en ses bras embrassant l'horizon

Où jaillissent des sources avec des Eve nues

Qui procréent, qui allaitent de bouclés chérubins

A longs traits s'abreuvant, leurs bouchettes goulues

En forme de baisers : les fleurs de nos destins.

Pour qu'elles vivent à jamais en nos coeurs.

Jean-Claude FOURNIER

 

 

P13

 

PANTOUN A LA GRIFFE MALAISE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Elles étaient quatre, étaient jeunes, étaient belles :

Des fleurs respirant vie, joie, douceur, bonté,

Le cheveu long, le cheveu court, sage, éclaté,

Les sourires parlant autant que les prunelles,

Des fleurs respirant vie, joie, douceur, bonté,

De jolies primevères qu'on voudrait immortelles,

Les sourires parlant autant que les prunelles

Sur les quatre photos de l'actualité,

De jolies primevères qu'on voudrait immortelles,

Déjà des souvenirs, ombres d'éternité

Sur les quatre photos de l'actualité :

Les victimes tombées dans des mains criminelles,

Déjà des souvenirs, ombres d'éternité,

Pauvres Peggy, Audrey, Amélie, Isabelle,

Les victimes tombées dans des mains criminelles.

Bon Dieu ! que l'homme est triste, triste la société !

Jean-Claude FOURNIER

Anthologie 2000

de la Société des Poètes et Artistes de France

 

 

P14

 

EL CAMANETTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Vos l'connissez, vous l'camanette

In blinc-bonnet, l'fimme à Tintin

Qu'al a si cair boire inn'cainnette

Et berdouiller tout sin contint.

Sitôt qu'ess n'homme iest à s'nouvroche

Al queurt par ci, al jouqu'par là

Et al s'in va dins l'vosinoche

Faire aller s'linque aveuc éclat.

Al vos raconte les nouvelles

Les naissinc's et pi l'z'interr'mints

Et si ça li pass'pa l'cervelle

Al invintionne et al vos mint.

El camanette al racaquète

In direut inne affaire d'Etat

Et sin long minton i claquète

Et patati et patata.

Al passe in r'vue tous les minnoches

Su l'z'amourett's al dit sin mot

Et su tous les gins du villoche

Al berdouille à tir'larigo.

S'n'homme ia des treus à ses maronnes

Al n'a po l'timps d'faire sin mainger

Mais l'peuff' diape ia peur d'ess luronne

Ah si Tintin poveut cainger !

Et si dins tout l'coron in crie

I défind s'fimm'comme in démon

I souffert ed ses mintiries

Mais ia peur d'avoir du ramon.

C'est qu'el camanett' n'est po bonne

Et lorsqu'in jour in l'interr'ra

Personne i n'mettra pou s'couronne

In dira…vat-in choléra !

MORALITE :

L'ti qui marie inn'camanette

In paradis in devreut l'mette

Pourquau l'faire aller in infer

A m'mod'qu'iara assez souffert.

 CAMANETTE : une mauvaise langue, dans la région lilloise.

A Caudry, on dit : inne quaterlinque !

LEONCE BAJARD

 

 

P15

 

EL COP D'COTTRON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Dins l' z' invirons du quinz' d'a-oût

El fiu Hinri mo l'équimmette

Aveuc el fill' mo du brayou

In minnoche i v' neut d'ess mette.

C'éteut in marioch' d'amoureux

Qui s'aveutt' cair ia bell' lurette

Et qui s' marieutt' pou ête héreux

Et pou vir clair à leus buquettes.

Li iéteut grind, deux mètes d'hauteur

Aveuc in dos comme inn e amelle

Mais l' jonn' fimm' sèque à fair'peur

A côté d'li c'teut inne arcelle

Et in plondeut l' fill' du brayou

D'avoir pris in parel colosse

Tint pir' pour li si c'est sin goût

In diseut : al va prinn' quett' cosse !

Et veyez si l' hazard iest grind

Tindis qu'in trinneut pou l' sécronne

C'est l' fort coloss' qu' iest toudis r'crind

Et qui fonflit dins ses maronnes.

Ia eu beau prinn' du fortifi-int

Et fair' croir' qui n' teut po malate

I berloqueut tout in marchint

Et iest dév'nu sai comme inn'latte.

Tout comme du burr'dins inn'païelle

L'homme' fort ia fondu sous l'arcelle

Mais in s'edminn' çou qu'ia bé eu

Pour li avoir si vit' quéu

Et comme i n' d' a toudis d' z' in ponne

Pour ieuss' savoir tout t'qu'à l'daronne

Les méchint's lins, dins min coron,

Iont dit qu'iaveut eu l'cop d' cottron !

 LEONCE BAJARD

 

 

P16

 

IL S’EN VA FAIRE S’PARTIE D’CARTES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 Y’a ben longtemps qu’les cloches alls’ont fini d’sonner

Et de l’messe déjà sortent les plus pressés.

Lui, pourtant r’monte l’rue de s’tiote allure tranquille,

Son visage y rayonne, dans son fond il jubile.

Y’a laissé à s’maison ; l’souci et les misères,

De tout homme qu’ya des tiots, plus qu’il n’a voulu faire.

Peu bileux d’arriver pour quand les autres y r’partent,

Il s’en va faire s’partie d’cartes.

L’sortie d’messe ch’est l’occasion de s’rencontrer

On retrouve ses amis, on échange des idées :

sur les betteraves, les sports ou bien les élections.

Lui point d’tout ça, comme un chien d’berger ses moutons,

Il rassemble les habitués, vite il les presse,

Leur défend d’faire une cigarette et il n’a d’cesse

d’les voir tertous assis à l’table ;

Lui prend l’place l’plus confortable,

Et il crie en voyant qu’y en a un qui s’attarde :

On va-t-il faire l’partie d’cartes ?

A lui tout seul faut l’place de six : il gesticule,

Y’assomme ses camarades à force qu’il les bouscule.

Quand cha n’va point à s’mode, il s’met fort en colère,

Comme un démon y’attrape par l’gorge son partenaire,

L’appelle de tous les noms, lui foutrot des chiros

Parce qu’au lieu du roi de pique, y’a joué l’valet d’carreaux.

Des fois il rit tellement qu’il va jusqu'à en braire,

De toutes parts, dans l’café, tout l’monde lui crie de s’taire.

L’partie elle s ‘anime mais comme tout y’a une fin,

Chacun sur les 2 heures, vers sa maison s’écarte

Mais lui en s’en rallant, s’il cait sur son voisin,

Il lui raconte s’partie d’cartes.

Amis n’vous moquez point, ch’est plus heureux d’la terre,

A tous les hommes il faut une saquo pour s’distraire.

Ch’ti qui n’a point d’défauts, y’a un gros vice caché.

Lui n’à d’autre ambition qu’une bonne manille coinchée

Le dimanche faites comme lui : oubliez tous vos peines

Et v’nez cair dans l’partie, du bonheur pour la semaine,

Laissez donc tranquillement votre femme déméler s’tarte,

Et venez faire une partie d’cartes.

 MARCEL LESAGE

 

 

 

P17

 

ALLO ! J'ACOUTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Jamais qu' j'auros pinsé qu'ein jour el téléphone

Cha s' rot ein tiot boîtier, bleu, blanc, rouche ou bin jaune

Qu'in pourrot mett' dins s' poque ou dins l' fond d'ein cabas

Et qui n'importe d'ù, sonn'rot dins tous les cas.

Ej n'ai pont résisté, cha m' paraîchot bénache

Ed pouvoir d'ein seul cop archuvoir ein messache,

A l' rue, à ch' cabaret, arpintant ein trottoir,

Qu'in seuche indiminché ou bin dins sin peignoir.

Fallot qu' j'acoute ein' fos, ch'tot pour mi ein délice,

Chés zotess 's proposot't des tas d' nouviaux services,

Rin à dir' su chés voix qui comm' dins ch' zavions,

Arrivot't attindries ! Ej n' n'avos des frissons.

Pis au bout d'ein momint, cha lass' comme i dit l'aute,

Etoil', diesse, appoïez... cha n'avot pu la cote,

J' cominchos à m' rind' compt', malgré m' n' air inochint,

Qu' tout cha, ch'est bin gentil, mais j' païos largemint,

Su l' compteur l'unité rapid'mint al défile

Ch' tarif n'est pont parel ! In n' n'a vit' pou des mille !

Alorss, ouai, j'ai compris qu' ch'étot pont ein juet

Mais j' sus prêt à répond'... ch' ti qui veut, peut m'app'ler.

Daniel CARLIER

de Lambres-lez-Douai

 

 

P18

 

LES NOUVÉS SEIGNEURS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 Il étoit antan, un joli bourg ceint d’une belle forest. Moultes bourgeois et manants s’y promenoient sous les fraîches ramures.

Un jour le seigneur de ces bois fit ouïr aux gens du bourg que la forest lui appartenoit et que personne ne pouvoit y entrer sans son sceau. Onc les manants et les drôles ne purent plus s’esbaudir de ris et de jeux. La forest étoit réservée aux plaisirs de la chasse.

Le dimanche, des bourgeois aidés de manants chassoient moultes bestes nenni pour se sustenter mais pour le plaisir d’occire avec grands festins et ingurgitation de force cervoises et nectars de la treille.

Si vos créiez qu’c'est un conte du moyen ache vos avez tort. Ca se passe d’nos timps : comme quo in n’a pos évolué su tout. Comme dit Batisse : " in est tertous égaux à çou qu’in dit. Mais à m’mote qu’y n’d’a qui sont pusses égaux que l’z ‘eutes. C’est comme pou l’justice : si t’as du pouvoir t’aras bocop pus d’chince d’tin sortir qu’si t’es un peuffe diape ".

La Fontaine y l’aveut d’jà dit : " selon que vous serez puissant ou misérable... ". Et bin çà n’a pos bocop quigé !

  

DARONNES NOUVELLES

Alors in a un nouvé gouvernemint.

Pindint l’quimpane y’a eu des promesses d’faites.

In va bé vir si al s’ront t’nues. C’est vrai qu’y a queute chose qui n’va pos dins l’systinme police-justice. Quind inne tiote crapure y vole les gins et que l’police o bé les guindarmes, y l’arrêtent y’est r’lâché deux jours après et queuques feus, in pusse, y vié s’moquer des gins qui a volés.

R’marquez, mette tout l’monne in prison, çà n’peut pas ête l’bonne solutian.

Coù qui faureut, c’est obliger certains parints à apprinne à leus infints à bé s’t’nir et surtout à n’pos tronner, à mi ché rues les treus quarts de l’nuit.

Quint à l’télé al n’est pos là pou arringer l’z’affaires. Su la 6, le loft devient d’pusse in pusse débile. Les gins y n’sont pos au courint qu’tout y’est prévu, tout y’est calculé d’avince.

R’marquez, dins les lofteurs, tout l’monne y n’est pos chinchin. Eximpe : l’eute jour un des jonnes du loft y diseut : " su qu’on mangeait qu’avec des beaux mecs, beaucoup d’gens mourraient de faim ". Et un eute lofteur y l’y’a répondu : " Et s’y on n’mangeait qu’avec des cons y faudrait rajouter des tables au loft ! ". Vos véiez qu’y a dl’espoir !

RUBRIQUE PATOISANTE DE JEAN-PIERRE LEFEBVRE

 

 

 

P19

 

LES LUTINS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 Lorsque s’éteignent les lumières

Et que la nuit tombe sur nous

L’on voit venir des ténèbres

Des petits lutins un peu fous

 

A la lueur d’un ver luisant

Ils grimpent sur un champignon

Prenant celà pour le Mont-Blanc

Dommage qu’il soit si rond

 

Ils chantent à la deux, à la une

Faisant huhuler la chouette

Ils vont faire des galipettes

Sous l’oeil séduisant de la lune

On les voit autour de la mare

Où se reflète dame blafarde

S’étonnant de la voir dans l’eau

Où chantent sans cesse les crapauds

Quand Hélios menace l’horizon

Pour venir dorer la moisson

Le regardant tout attristés,

Avec dame lune, vont se coucher

 Roger DEVILLERS

 

 

P20

 

ABANDON...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Chacun de tes regards

Comme ferait un poignard

Me perce le coeur

Empli de douleur...

Je n'ai jamais su dire à quel point je t'aimais

Je n'ai jamais su dire, je ne saurai jamais !

Depuis ton départ, je ne suis plus la même :

Il me manque quelqu'un pour me dire : "Je t'aime".

Tu n'effaceras pas de ta mémoire ton calvaire,

Tu n'effaceras rien, tu appelais ta Mère.

Ta maman était là, partageant ta douleur,

Ta maman était là, près de toi, toute en pleurs.

Il n'y a pas un jour où je ne pense à toi

Il ya tant de jours où je suis en émoi.

Tu m'as trop fait souffrir, mais je ne t'en veux pas ;

Tu me feras mourir,... je ne t'en voudrai pas !

Depuis ton abandon, mon coeur bat la chamade

Et par ta trahison, c'est moi qui suis malade

Et j'ai si mal, et je pleure, personne à mon chevet.

Dis-toi bien que c'est toi qui m'auras achevée !

Je ne connais pas ta compagne

Qui, depuis quelque temps, t'accompagne.

Je ne connaîtrai jamais l'enfant

Que de toi elle attend.

Je ne la connais que par son prénom.

Je sais, il paraît que c'est un garçon...

La mère de ton enfant ne saura jamais me remplacer

Mais elle saura, sans doute, certaines plaies panser.

Je sais, pour l'avoir rencontrée, qu'elle sera capable de t'aimer.

Je le sais, je le sens ; une mère ne se trompe jamais.

Tu as décidé qu'à sa naissance, ton enfant,

Au début de sa vie, n'ait que deux grands-parents.

J'espère que ton enfant, un jour,

Ne te privera pas de son amour.

S'il n'avait plus besoin de ses parents,

Tu saurais ce que je ressens !

Tu as fait ton choix

Et c'était ton droit.

J'espère cependant

Que ce petit enfant

Un jour ne fera pas de même

Et que, toute sa vie, il te dise : "je t'aime !".

Il serait bien que je m'en aille !

J'ai si mal dedans mes entrailles...

Pascaline DAPVRIL-ANDREAZ

A mon fils Jérôme...

A mon petit-fils Axel...

 

 

P21

 

"POURQUOI J'AIME MA REGION DU NORD"…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 Pour les perles de pluie offertes par le vent…

Ce vent du NORD qui souffle en prenant ce qu'il aime,

En laissant orphelins les arbustes souvent

Et la fleur en deuillée à l'abri de sa haine…

Pour la timide approche aux rayons du soleil

Attendus, tard venus, tout contre une fenêtre …,

Quand l'oiseau se remet à chanter au réveil

Et que le volet claque au jour qui vent de naître…

Pour l'enfant endormi qui rêve dans la nuit,

En sa maison douillette auprès d'une onde grise,

Alors que se reflète encor de ce vieux puits,

L'or du miroir de lune en tornade et en brise…

Pour le chant de la mer, lancé dans un appel

Aux falaises dressées comme un rempart de trêve,

Ne pouvant caresser, par chaleur ou par gel,

Le chevalement, seul…; et qui pourtant, s'élève…

Pour les chemins pavés qui viennent du moulin

Aux ailes de dentelle en fond inexplicable

Avec un champ de blé, parfois un champ de lin

Qui tiennent compagnie à l'orage implacable

Pour ce petit village au détour du sentier

Caché par la verdure où s'éclipsent des êtres,

A l'ombre d'une haie en espace fruitier

Et le long du ruisseau qui va d'hêtres en hêtres

C'est pour cela que j'aime, en mon pays du NORD

Cette diversité qui n'est pas sans surprendre

Et qui donne à chacun un aspect, un support

Soutenant les murets qui ne sont pas à prendre…

                Andrée COUVREUR

CAMBRAI

 

 

 

 

P22

 

POEME que je t'écris, en couleurs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

 

Je t'écris des verts en filigrane

qui protègent leurs fruits jusqu'à la nuit tombante

aux petits troncs tordus par des gestes hostiles

des verts plus soutenus

qui cachent des sommeils de marronniers soucieux

de chênes qui déversent leurs grappes

se languissant des serpes

des ocres de muraille apprivoisant les nids

dont chaque creux se nomme dans un mouvement d'aile

Je t'écris des roses des violets

des rouges somptueux qui bourdonnent

baies gorgées de soleil

qui appellent les lèvres et la soif

Je t'écris le pastel

quadrillé de pariades et chiffonnant l'étoffe

pour asseoir sur la pierre le doute matinal

l'azur de midi qui règle les silences

jusqu'au milieu du jour

et le bleu presque nuit qui verse en son mystère

chuintements fraîcheur

Je t'écris la lumière

Muriel VERSTICHEL

 

 

P23

 

VIENS DANS MA MAISON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Si tu as froid, si tu as faim,

Viens dans ma maison,

Tu trouveras le gîte et le couvert,

Et un grand feu brillera.

 

Si tu as peur, si tu as mal.

Viens dans ma maison,

Tu trouveras la lumière,

Et la douleur s'apaisera

 

Si tu es seul, si tu pleures,

Viens dans ma maison,

Tu trouveras une amie,

Et dans ses bras tu pleureras.

 

Ma maison ouvre grande sa porte,

A toi qui souffres,

A toi qui as faim

 

Si un jour le destin

Te guide jusque là,

N'hésite pas, franchis le pas,

Viens dans ma maison.

    Chantal LEFEBVRE

 

 

 

P24

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

BAIN DE JOUVENCE

 

C'est une maisonnette aux jolis volets bleus,

Sur le bord de la route, elle sourit quand il pleut.

Elle s'offre aux regards, insouciante et sereine,

Je l'ai connue un jour où je traînais ma peine.

Un parfum de bonheur flottait dans le jardin,

Envahissait l'espace, imprégnait chaque fleur.

La vie semblait plus belle, illuminée soudain,

Par le rire d'un enfant, rayonnant de douceur.

Cascade cristalline, musique adamantine,

Minois de chérubin aux yeux remplis d'étoiles,

Boucles brunes légères que la brise taquine,

Tout chantait l'avenir, sans soucis et sans voiles.

Le coeur aussi léger que des plumes au vent,

Peignait dans l'harmonie ce tableau émouvant,

Captait dans la lumière ce qui est essentiel,

Cette félicité éclaboussée de ciel.

C'est une maisonnette aux jolis volets bleus,

Mon rêve inaccessible, mon espoir fabuleux.

Dès que je l'aperçois, parée de son mystère,

Je m'imagine en fleur, ourlée de rosée fraîche,

Poussée un soir d'été sur l'un de ses parterres.

Thérèse Fabian

Dechy

 

P25

 

BERCK-PLAGE - LE TOUQUET

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

De Berck-plage le Touquet jusqu'à Bray-Dunes

se marient vagues, miroir du ciel et dunes,

au soleil du nord couleur bronze un peu romantique

où sous la lune ses mystères secrets ont des chimères aquatiques.

De Dunkerque à Ambleteuse la marée gonfle et se creuse.

Dans la lutte contre le courant les vagues se meuvent,

et son flot caressant est la berceuse du nord.

A son rivage mouvant, les pêcheurs sont à son bord.

Sable blanc et vagues bleutées, plage envahie ou déserte

et dans la nue le vent du nord qui souffle à perte.

Elle se perd au vent du large comme un vol d'oies sauvages.

Long ruban de sable pâle, c'est la côte d'opale.

J'ai connu bien des ports, bien des rivages.

Avec lutte contre le courant, sous des cieux bleus ou d'orages

mais rien ne vaut la plus grande du monde : la baie de somme

où la mer pénètre dans le refuge des oiseaux : Mercanterre comme on le nomme.

Quelquefois sur les mers chaudes où le bateau ballote

je ne peux empêcher mon esprit de s'envoler sur la mer du nord, où il rôde

lieu de mes vacances, de repos, où mes secrets romantiques se méditent

on se voit partir en rêve aux découvertes, et que la beauté de ces lieux est bénite.

La mer, par ses ondulations magnifiques, devient contagieuse

aussi ses voisines les collines et les vallées qui s'enflent et s'abaissent sont merveilleuses.

L'oiseau bleu frôle l'onde, les grands échassiers invitent au voyage

au-dessus des champs et des plaines vertes en grands trapèzes, et les plus beaux villages.

Faites Dieu que mon voyage vienne finir son cabotage,

dans le nord tout le long de ses longues plages.

Et la mer que je préfère, celle où m'a conçue ma mère

c'est celle du nord, où j'ai mis sac à terre.

JEAN JACQUEMIN Alias

JEAN CHARLES DE BEAUMONT

et sa petite fille : NOEMIE.

 

 

 

P26

 

MARCHONS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

La pluie sur les gens qui avancent

Pour mélanger les différences,

Peindre l'Amour sur le pavé.

Marquer ce jour de sa présence

Et donner aux chemins de France

Ces petits pas d'Humanité.

Oublierait-on la Liberté

Quand pour tant d'autres elle disparaît

Sous les mots armés d'un tyran ?

Oublierait-on le temps d'un tour

Les mains tendues de tous les jours

Et l'avenir de nos enfants ?

De toutes nos poésies, MARCHONS !

D'une même plume ECRIVONS

Des mots d'Amour sur le pavé.

Sous les vents de l'intolérance

OFFRONS à nos chemins de France

Ces petits pas d'Humanité.

Olivier CATTIEAU

 

 

P27

 

AU PAYS DE MORMAL.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 Ce sont, dans l'AVESNOIS, des immenses troupeaux

Qui broutent les herbages, l'été, dans les enclos ;

Le long des HELPES claires, se côtoient les pommiers,

Tandis que les agneaux bêlent dans les sentiers.

Le soir, les herbagers, en attendant la nuit,

Dégustent la bolée de cidre de pays...

Bordant l'étroit chemin traversant les bocages,

Les petites chapelles, dont la plupart sans âge,

Témoignent la ferveur de ces vieux métayers,

N'ayant pour tout loisir que celui de prier...

Dans cet écrin précieux de verdure embaumée,

Fleurissent au printemps jonquilles et muguets.

Et venant de partout, l'été sous les ombrages,

Les citadins affluent pour goûter le fromage,

Ce fabuleux MAROILLES, dont le très grand renom,

Sur la table des maîtres, a séduit la région.

Dans les relais fleuris, tous viennent savourer

Les flamiches fondantes, et le verre de poiré,

Ecoutant avec joie ces bons vieux paysans

Narrer leurs souvenirs en récits patoisants...

Et puis, le soir venu, on se quitte à regret,

Gardant le souvenir d'une belle journée.

Dans les bois odorants, les chapelles sans âge

Paraissent s'animer, découvrant leurs visages :

Les gens de l'AVESNOIS, avec simplicité,

Ont su trouver les mots, les mots qui font rêver...

... BEAU PAYS DE MORMAL, laisse couler longtemps

L'eau sur tes vieux moulins aux rouages grinçants...

Gisèle Houriez Macarez

3ème Prix "VISAGES DU NORD" - ROSATI 1999

Poésie libre

"

 

P28

 

LE GRELOT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

L'on ne rencontre plus personne

Pour attacher un grelot

Au dénommé Rodillardot,

Car tout le peuple Rat foisonne

De gens prudents et avisés ;

Pourtant le courage est prisé

Chez la plupart d'entre eux… On en verra l'exemple.

Un jour qu'un grand conseil se tenait dans un temple,

Dans un temple de rats, je m'entends-,

Et qu'on vantait en chœur les faits d'armes d'antan,

Maître Rodillardot vint faire sa tournée,

Ruminant dans son âme damnée

Quel crime il pourrait accomplir ;

Puis, lassé de sa marche, il se mit à dormir.

C'est alors que l'on vit un gros rat débonnaire

S'offrir pour attacher le grelot salutaire :

Lui seul approcherait mais, si le chat bougeait,

Tous iraient protéger savamment son retrait,

Détournant l'attention de la bête surprise,

Offrant mille objectifs, pas de cible précise.

Ce projet plut beaucoup, l'on fit serments ;

Le plan d'attaque fut prêt en quelques moments.

Notre héros s'avance,

Ajuste le licou ;

Mais, pendant son absence,

Dans la troupe beaucoup

Reculent : la prudence

Reparaît tout à coup.

De sorte qu'à la fin de cette opération

Le recul est total, pleine la défection ;

Et, quand Rodillardot entrouvre la paupière,

Il voit son ennemi offert à sa merci,

Et crac ! d'un coup de croc fait mordre la poussière

A l'impudent raton délaissé par ses frères.

On dit que les humains n'agissent pas ainsi !

Yann VILLIERS

 

 

 

 

P29

 

REGARD

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Toi femme sans visage à l'ombre du tchadri,

Que de rêves de pleurs au creux de ton silence.

A ton corps prisonnier j'apporte l'espérance,

D'un coeur si fraternel, d'un sourire attendri.

Toi femme de Kaboul j'ai mal à ta détresse,

A tes yeux grillagés, à ton sort démentiel.

Garde en toi sans faillir un reste d'arc en ciel,

Bientôt de ton destin, tu seras la maîtresse !

Femme en robe d'esclave il reviendra l'été.

Nous condamnons ceux-là qui se disent des hommes.

Ils occultent la vie. Ils ont soif de royaumes.

Ici nous cultivons la fleur de liberté !

Toi femme de là-bas j'ai l'âme visionnaire :

Tu jetteras au feu tes sinistres atours ;

Du voile de la peur déchiré sans détours

Renaîtra le soleil au seuil du millénaire !

Geneviève BAILLY

Poème plusieurs fois primé.

Avril 2001

  

 

 

P30

 

LA JOCONDE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 La Joconde a perdu son sourire en voyant

Le monde dispersé aux mains de la tristesse

Et son regard si pur, parfum de sa jeunesse,

S'est mouillé d'une larme, imperceptiblement.

Entre le clair-obscur et le gris faux-fuyant

Quel décor reste-t-il pour la moindre allégresse,

Et jusqu'à quel refus de l'absurde détresse

Faut-il aller pour croire, encore, au temps présent ?

Telle une source en moi, j'ai capté le silence

Et la mort, elle-même, est devenue absence

Et depuis la Joconde a pansé sa blessure.

Alors j'ai cru revoir, là, sur la commissure

De sa lèvre, un semblant de mouvement très doux,

Comme un amant fidèle au premier rendez-vous.

Jean François SAUTIERE

  

 

P31

 

GRAINE D'ILLUSION

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Dans la clarté des roses

Mon coeur d'herbes closes

A semé la graine d'été

Au vent de l'amour ganté

A la table de la mousse aimable

J'ai mangé comme l'enfant

La fraise sauvage des fables

Le soleil riait dans son sang

Sur les petits cailloux roux

La graine à douleur béguine

Epie le musée des bois fous

Et songe aux moulins d'aubépine

Je me souviens de ces jours

Quand la reine et moi

Avons gémi en émoi

Pour la vie et pour l'amour.

Saint HESBAYES

 

 

P32

 

L'HIRONDELLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

J'ai vu passer l'hirondelle

Dans les feuilles du matin

J'avais mon coeur en elle

A la volée du destin

Le bonheur vient de passer

Dans le ciel désolé

Je suis son seul amant

Jusque la fin des vents

J'ai vu galoper ses ailes

Aux musées du ciel

Elle me tendait ses bras

Comme celle qui m'aima

Comme une fleur d'été

J'ai connu la gaîté

Qui baise le destin

Pour mourir un matin.

SAINT-HESBAYE

 

 

P33

 

Les lutins du TEMPS BLEU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Aux crépuscules blottis près des lunes

Sous les lucioles envahissantes

Au bord des jours électriques,

S'affairent de curieux personnages

De petite taille et d'esprit vif   

Ce sont les lutins du bleu…

 

Ils bâtissent les rêves en châteaux miroitants,

En tourelles grandioses, en palais marbrés

En minarets somptueux…

 

Un soir frangé d'incertitude

Je suis allé trouver l'architecte

Pour lui commander un village plein

D'habitants rieurs, plein de petites filles,

Avec des nattes et des taches de rousseur,

Plein de gars coiffés de casquettes à oreilles…

Depuis ce soir, j'attends les maçons

et leurs fils à plombs…

HERTIA-MAY

17 Mai 1977

 

 

P34

 

JE T'AIME

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Je t'aime

Je t'aime comme le vent

avec son souffle, ses caresses, ses folies.

Je t'aime comme le ciel

avec ses nuages qui déversent leurs larmes

de pluie, dès que ton regard les oublie.

Je t'aime comme le roseau

qui se couche sur ton épaule

à la moindre caresse de ton corps.

Je t'aime comme la prairie

qui t'offre au printemps ses plus belles

fleurs sauvages parfumées en été.

Je t'aime comme l'oiseau

qui chante sur la branche, pour sa

bien aimée, emprisonnée dans une cage dorée.

Je voudrais être, le vent, le ciel, la mer, le roseau, la prairie et

l'oiseau, pour toi, que j'aime et que je ne peux aimer qu'en poème.

 

CHARLY WAL

 

 

P35

 

UNE PERSONNE QUE J'ADORE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 Mon amie Christine

Moi qui vous estime

Vous méritez le bonheur

Car vous avez bon cœur.

Vos enfants vous aiment tant

Qu'ils ne deviennent pas méchants !

Malgré vos malheurs

Et vos douleurs.

Que vous rencontrez

Vous les surmontez

Où trouvez-vous le courage

Dans tout ce carnage ?

Vous êtes très forte

Et claquez la porte

Pour vous faire entendre

Le droit de vous défendre.

Vous vous battez avec effort

Et sans le moindre remords

Malgré votre grande peur

Vous aurez tout en votre faveur.

Vous travaillez à vous épuiser

Et vous abîmez votre santé

Pour gagner quelques sous

Quelle vie de fou !

Quand on se voit

On parle de soi

Vous me remontez le moral

Certains jours qui vont mal.

On se comprend beaucoup

Car on parle de nous

Cela fait beaucoup de bien

Malgré notre vie de chien.

                                               MARYSE MARÉCAILLE

 

 

P36

 

LES VOLUPTES DU CHAT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Quelqu'un de proche, très proche, m'a appris tout au long de ces onze années combien les voluptés peuvent peupler notre environnement au quotidien.

Les plus vraisemblables sont celles du chat. Ces exemples réels, pris sur le vif, en sont la démonstration. La volupté existe au quotidien ; odeurs, caresses... Il suffit d'être attentif, d'écouter, voir, toucher ou entendre le message, respirer ou humer odeurs et senteurs enivrantes, apprécier, sentir certains fluides...

Soussi est le plus dynamique des trois chatons de la portée, le plus glouton et le plus diable. Aujourd'hui, c'est la découverte des habitants de l'herbe : mouches, moustiques, puces, guêpes et frelons; une araignée tissant sa toile prépare une embuscade. Le plus excitant pour ce chaton sera sa première proie, son premier repas autonome et non lacté : un magnifique papillon aux couleurs vives, aux ailes majestueuses. C'est une danse magnifique à observer. Maladroitement caché derrière une touffe d'herbe, ses vibrisses en émoi, un coup de patte après un léger bond et le papillon immobilisé crisse sous les dents de lait pointues du chaton.

Avec sa famille, il a élu domicile dans les remparts du château breton : Sussigneaux.

Dans ce site ombragé à l'ombre du château, l'air embaumant les embruns du golfe, cette fratrie féline est heureuse. Chacun observe les qualités de grand chasseur de leur mère.

Un jour, un visiteur d'une dizaine d'années s'approche d'eux et choisit le plus gros des trois qui ronronne de bonheur, lové dans les bras, reniflant le pull rempli d'odeurs marines. Une autorisation demandée aux parents, qui, en vacances, hésitent à s'encombrer d'un chat, mais le coup de foudre existe entre animaux et humains... Alors, juché sur le cou de Bruno, intrépidement, nos deux compères sont heureux et partent à l'aventure.

C'est un feu d'artifice de découvertes pour ce chaton qui d'instinct avec sa petite langue râpeuse lèche l'arrière des oreilles, le cou, le coin des yeux.

C'est ainsi que commence l'histoire d'un joli Bleu de Prusse, baptisé à bon escient "Sussigneaux". Ensuite, il prendra le diminutif de "Soussi".

D'un tempérament calme mais très indépendant, il vivra sa vie de chat, uniquement en appartement. Si quelqu'un peut témoigner des voluptés de l'existence, c'est bien un chat heureux. Au quotidien, il en fait une démonstration sans mesure.

Cela commence vers 3 H 30 du matin... Lové sous la couette du plus grand lit où il a élu domicile, chaque nuit, c'est pour lui, après plusieurs heures d'un sommeil peuplé de rêves aventureux, l'heure de la chasse... Il bondit en miaulant sur des proies imaginaires... En l'occurrence des pieds qui ont eu la malheureuse idée de déborder du lit et de prendre le frais... Stupeur du dormeur et cris d'avoir été griffé et réveillé en sursaut. Heureux, riant dans ses moustaches, il redevient silencieux et jubile : c'est réussi encore une fois. Car, chaque nuit, Soussi invente un nouvel ennemi... Parfois il joue à la guerre, avec des miaulements stridents qui résonnent dans l'appartement voisin, joue à cache-cache ou à chat perché et entraîne avec lui un objet qui se casse avec fracas et résonance dans le silence de la nuit, évoquant une attaque guerrière.

Parfois, il lui arrive de faire un jogging entre les fleurs, se transforme en pelleteuse ou il gratte son bac de litière de graviers jusqu'à le vider, heureux de faire régner la pagaille jusqu'au milieu de la pièce. Il y ajoute un dernier ingrédient, un petit arrosage odorant pour bien marquer la trace de sa vie nocturne.

Agacé certaines nuits de lune, il s'ingénie à faire ses griffes sur la porte d'entrée qui gémit sous les lacérations des griffes ou sur la moquette murale.

Toute cette animation afin de réveiller ses maîtres, pas question qu'il soit le seul éveillé... Ceux-ci, le pensant affamé, lui distribuent quelques croquettes, avec lesquelles il commencera par jouer, les faire sauter sous le buffet, le pied de table, imaginant une souris, puis se délectant et ronronnant. Repu, c'est avec la plus grande satisfaction que, soixante minutes après, il viendra se recoucher au chaud sous la couette pour un nouveau somme agrémenté de doux rêves.

Un autre moment de la journée, délicieux, est celui de la préparation du repas. Perché sur le buffet, à quelques centimètres de la table de cuisson, il observe tous les gestes, les va et vient : casseroles, ingrédients divers, une eau qui dégage de la chaleur et de l'humidité, puis, l'instant sublime, l'arrivée de son plat préféré fait palpiter ses vibrisses, ses yeux s'arrondissent, il tend ses narines de gourmet... Une odeur délicieuse, celle du poisson, qui, maintenant, va exhaler ses effluves, celles de la mer, en cuisant dans une odeur de court-bouillon plein de fraîcheur. Pendant ces quelques minutes d'attente impatiente, "Soussi" va, en miaulant de plaisir, utiliser une gamme complète de sons gutturaux. Pour calmer son appétit aiguisé, il faudra passer son assiette quelques instants au réfrigérateur pour lui éviter une langue cloquée de brûlures... Après ce véritable festin de roi ou plutôt de seigneur, notre chat s'endort allongé dans un rai de lumière filtrant entre les plantes d'appartement. Nouveau sommeil de récupération, une digestion dans une position alanguie. C'est un vrai bonheur.

C'est ensuite l'heure de la grande toilette, les ongles, les interstices entre les doigts, les coussinets, un coup de langue par-ci, un autre par-là. On se demande comment elle est toujours pendant toutes ces années, aussi rose, râpeuse et voluptueuse.

Un autre plaisir : se rendre invisible quelques temps, en attendant que le panier soit rempli de linge repassé, propre, sentant l'odeur de lavande et encore tiède de chaleur. Avec les deux pattes avant, il pétrit le pull en mohair, fragile, qui domine la pile et qui a été repassé le dernier.

Il s'en fait un genre de nid douillet, les manches en accordéon pour être plus confortable. Pas désagréable cette sieste... Malgré les cris de la maîtresse de maison à son retour ! La prochaine fois, il veillera à nouveau à se trouver par hasard enfermé avec ce panier osier. Délicieux pour aiguiser ses griffes... Cela lui fait la même sensation que pétrir le coussin de velours bleu roi, couleur qu'il affectionne particulièrement.

Un autre bonheur de "Soussi" est de se faufiler sur le rebord de la baignoire pour attraper de sa patte, tel un jeune enfant, la mousse blanche, légère et vaporeuse du bain à la senteur de lavande.

Cette fièvre durera jusqu'à la disparition de l'eau. Qui a dit que chat échaudé craint l'eau froide ? Il est évident qu'un jour, une seule fois dans sa vie, la paroi de la baignoire étant glissante, il s'est trop penché et a immergé la moitié de son corps, sous les cris de Bruno dont il a confondu le dos avec un arbre... Téméraire, ce jeu était néanmoins un de ses préférés. Une photo sur le vif a immortalisé cet instant d'humour.

Une autre délectation est de s'asseoir sur le bord du buffet, dans le but de faire de l'ombre au poisson orange et argent, pas farouche, nommé Pacifique. Il vient faire des bulles à la surface de l'aquarium, le chat se délecte en essayant d'attraper les ronds à la surface.

Une réelle complicité existe entre ces deux animaux dans un environnement si différent. Soussi semble parfois sous état d'hypnose devant les mouvements de faux baisers successifs du poisson. Dialogue muet mais complice.

Aujourd'hui, "Soussi" n'est plus. Je rends hommage à sa tendresse et son Amour de chat qu'il a si bien su faire partager avec ses nombreuses espiègleries...

Françoise LELEUX

 

 

P37

 

WEEK-END D'AUTREFOIS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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 Samedi, jour de patience : il faut être belle pour la messe dominicale !

Le savon noir est prêt, on a fait chauffer l'eau de pluie du tonneau : shampoing, rinçage et séchage à l'air libre : mes cheveux qui m'arrivent aux épaules, brillent, mais restent désespérément, je ne dirais pas raides, mais souples : autrement dits pas "à la mode".

Une seule solution : le fer à friser.

Posé sur le poêle, Maman surveille l'outil attentivement, la chaleur doit être juste à point : pour ne pas brûler ce que sera ma parure de demain !

Et voilà la torture : chaque mèche est entortillée de façon savante, surtout ne pas bouger. Les "anglaises" se forment : je ressemble aux dames d'un autre siècle ! Combien de temps encore, cela va-t-il durer ? Pour moi, une éternité...

Pour dormir, je dois mettre sur la tête un filet à cheveux et remuer le moins possible dans mon sommeil. Facile à dire !!!!

Dimanche matin, je me réveille rien qu'à l'odeur du café et de la chicorée, et surtout celle du pain grillé sur le poêle. Vite, allons déjeuner, le beurre qui fond sur la tartine : un régal !

Un régal, seulement les jours où je ne dois pas prendre l'hostie au cours de la messe, car il faut être à jeun ! Quelle barbe ! Enfin, si Dieu le veut, quoique je me demande si ce n'est pas le curé qui a inventé tout ça....

La grande toilette est faite, les oreilles et le cou inspectés, j'ai revêtu mes habits de "sortie", je ne les mets que pour les grandes occasions. Ceux que je porte sous ma blouse d'école ne sont plus très neufs et sont l'héritage de mes soeurs.

Et voilà que recommence la séance de torture : on enlève la voilette destinée à laisser mes cheveux en place pendant la nuit, on me brosse, on me peigne. Le résultat n'est pas mal : me voilà parée d'une chevelure ondulée, toute fraîche et prête à partir à l'église.

Il est impératif que je ne bouge pas trop dans la journée pour ne pas trop démonter ce qu'on a eu autant de mal à édifier.

Maman me donne un peu d'argent pour la quête, un peu pour acheter des bonbons (il y a un magasin pas loin ouvert le dimanche matin) : notre institutrice nous accuse parfois de regrouper le tout pour les sucreries, moi, je ne le fais jamais !

Mais récomprense suprême, comme je travaille bien à l'école j'ai droit à une grosse pièce pour mettre dans ma tirelire, une vieille boîte en fer où papa a fabriqué une ouverture.

Elle commence à peser lourd, je ne l'ouvre jamais, mais un jour j'en ferai quelque chose, çà c'est sûr, mais quoi ?

J'avais pensé acheter un cadeau pour la fête des Mères, mais Papa n'a pas voulu. Il m'a dit qu'un bouquet de fleurs du jardin lui fera plus plaisir. J'ai été bien déçue, j'aurais voulu manifester ma reconnaissance avec mon argent et avec quelque chose qu'elle ne possédait pas, là, à portée de mains.

J'ai compris maintenant que c'est lui qui avait raison, car depuis je n'ai jamais été si heureuse que lorsque mes propres enfants m'ont offert de ces colliers de pâtes et leurs dessins maladroits avec leurs plus beaux sourires.

Marie J. WANESSE

2002

 

 

P38

 

A MON D'CHEZ ALINE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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      De l'époque de mon adolescence remonte à ma mémoire le souvenir d'une course que je faisais chaque jeudi matin : Maman m'envoyait chercher du pain à la Boulangerie DUFRENE. On disait "chez DUFRENE" ou "chez LONGATTE", mais plus souvent : "à mon d'chez Aline" (Aline DUFRENE était l'épouse d'André LONGATTE).

      Pour y être allé très souvent, depuis l'époque du catéchisme de persévérance (l'année qui suivait la Communion solennelle), j'ai intériorisé à la fois la topologie des lieux, les gestes de ses habitants et l'odeur du pain de l'époque.

      J'entrais dans la cour avec mon vélo, que j'appuyais contre une sorte de terrasse large d'un mètre environ et établie en avant de chez Félicie. Pour accéder au magasin, il fallait monter un escalier de cinq ou six marches en briques. Les personnes âgées s'aidaient de la rampe de fer branlante, à main droite.

      On poussait une lourde porte de bois et on pénétrait dans un couloir mal éclairé, au sol de carreaux rouges usés par les passages répétés. Trois portes dans ce couloir. A gauche, celle d'une cuisine-chambre à coucher, qui devait être l'habitation de Félicie. Celle-ci, âgée, marchant difficilement et y voyant peu, traversait parfois le couloir. Elle portait une très longue jupe (un "cotron") et parlait rarement.

      Si Aline n'était pas au magasin quand le client entrait, le bruit de la porte du couloir la prévenait et elle arrivait de la cuisine ou du fournil. Celui-ci était situé au-delà du couloir et j'y ai souvent pénétré pour porter du pain à cuire. Avec la farine blanche obtenue en tamisant le blé concassé (oui, durant la guerre, le rationnement incitait à la recherche de solutions, et l'imagination se conjuguait avec la connivence de beaucoup), maman avait préparé de la pâte à pain (en allant à l'école, au Cours Complémentaire de Caudry, je ramenais de temps en temps une brique de levure du boulanger) et j'apportais cette pâte, enfermée dans un torchon noué par ses quatre coins. Maman avait ajouté sur la pâte une ou deux étiquettes de carton avec le nom de la famille, afin de pouvoir identifier nos "pains blancs". Le boulanger plaçait cette étiquette sous le pain avant la cuisson et elle y restait fixée.

      De ce fournil, mes souvenirs me renvoient la vue du pétrin situé à gauche en regardant le four, sous une verrière donnant le jour au jardin.

Henri DUFRENE, un homme solide, bien campé sur ses fortes jambes, torse nu, y pétrissait la pâte avec de larges gestes du bras.

Le fond du fournil était occupé par le four. Lorsque la porte en était ouverte, on pouvait voir les gros pains de quinze cents, les petits pains et les baguettes, rangés sur les briques chaudes. C'est qu'alors André LONGATTE enfournait : la pâte avait levé dans des moules en osier, garnis d'une toile intérieure ; le boulanger retournait le contenu d'un panier sur la pelle de bois et, avec une habileté que j'admirais, il déposait la pâte à côté du pain précédant. Le four avait été préalablement chauffé au bois et il faisait très chaud. Plus que l'odeur du pain cuit, j'ai le souvenir de l'odeur chaude également de la farine.

André LONGATTE portait un grand tablier qui avait dû être bleu mais que la farine faisait paraître gris-blanchâtre. Il n'était pas avare de plaisanteries.

Mais revenons à nos achats. Aline donc, toujours alerte et le mot aimable à la bouche, ouvrait le magasin. Je dis "ouvrait" car la plupart du temps la porte vitrée du magasin était fermée à clef – et la clef restait toujours dans la serrure – On entrait dans une petite pièce dont le mobilier se résumait à un petit comptoir placé devant la fenêtre donnant sur la rue et à un rayonnage en bois où étaient empilés les pains et les baguettes. Au début du mois, on avait apporté les feuilles de tickets de rationnement de la famille (A pour les adultes, J2, J3 pour les enfants et adolescents) et nos boulangers inscrivaient sur le carnet qu'on leur présentait le nombre de pains emportés, mais ils n'étaient pas très regardants sur le respect des rations.

      Entre le magasin et le fournil était une fenêtre aux vitres opaques, par laquelle le pain chaud, sitôt défourné, était avancé pour être rangé, d'abord dans un grand panier d'osier de forme rectangulaire, garni lui aussi de toile blanche.

      Par la suite, après la guerre, le four fut chauffé par les brûleurs à mazout, un pétrin mécanique compléta le pétrin manuel et, dans la boutique, un autre rayonnage en aluminium prit place, pour ranger entre autres choses, les paquets de biscottes.

 HENRI MONTIGNY

 

 

P39

 

LE RENDEZ-VOUS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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 Il y a des années que cela dure ! A chaque mois d'Août, comme dit la chanson, nous fêtons nos retrouvailles.

Lui m'attend derrière le laurier-rose, à l'abri du vieil escalier de pierres, dans l'espace qu'on pourrait croire réservé au chien. Mais aucun chien ne le fréquente. Alors il s'y installe, bien au frais, calé contre le mur, énorme, superbe, et secret.

Une année, un jardinier prétentieux tailla le laurier-rose. La présumée niche blanchit à la lumière, et l'hôte de ces lieux s'en fut, fort dignement. Il se réfugia dans une cave dont la porte béait. Il ne fallait surtout pas que quelqu'un l'y enfermât ! Aucune nourriture n'était à espérer là-dedans, même pas des insectes. Mais qui oserait déloger le transfuge ? Il n'était certes pas méchant, mais il inspirait une crainte quasi mystique.

La famille vint le voir à tour de rôle. Il ne se déplaçait guère. Mangeait-il ? et quoi ?

Un jour Alain cria victoire. L'animal avait vidé les lieux. On referma vite la porte derrière lui. La voie était libre, allait-il rentrer ? On l'avait un jour installé dans un seau, malgré la répugnance que chacun en éprouvait. Il en occupait tout le fond. Même s'il n'en avait pas l'air, il avait bien cent ans ! Il y a dans la cour un olivier de trois siècles, il ne les paraît pas. Il porte encore des fruits, et, ma foi il n'est pas plus tordu qu'un autre.

Notre crapaud pourrait fort bien prétendre au grand âge biblique. Et comme pour accréditer cette thèse de la longévité de notre héros, l'animal nous croisa, tout gaillard, en route vers le havre récemment abandonné.

Le laurier-rose s'étant un peu avachi sous le soleil, le trou d'ombre avait repris son mystère et le locataire avait réintégré.

On l'appela Mathus, diminutif de Mathusalem.

Et notre vie reprit, simple et tranquille, avec en prime, le soir venu, découpé dans une flaque de lune, notre ami Alain, Noé des temps modernes, couvant sa créature, sereine et hiératique.

Nous nous revîmes l'année suivante. Je trouvai à Mathus un oeil plutôt coquin, celui des vieillards qui paraissent détenir toute la sagesse du monde et sourient dans leurs barbes en vous considérant. Par contre sa peau verruqueuse l'était nettement moins. Elle s'asséchait et prenait des allures de carapace. Et je me demandai si elle n'éclaterait pas un jour, libérant cette masse molle et écoeurante qui était un être vivant.

Ce qui devait arriver arriva. Des mouches odieuses et des fourmis avides me conduisirent vers le cadavre à l'ombre du laurier. Ca grouillait de partout, le crapaud bien en chair nourrissait bien son monde.

Est-il vraiment possible que ce soit là la fin inéluctable de tout un chacun ?

Quelques heures plus tard il ne restait plus rien. L'animal s'était sublimé. Même la peau, s'identifiant au sol, avait disparu. Tout autour de ce qui fut la vie, une autre vie éclatait de toutes ses sèves, de toutes ses couleurs, de toutes ses brûlures. Et au milieu de ce tintamarre aveuglant, je crus entendre s'enfler progressivement une petite voix coassante. C'est vrai, Mathus n'avait jamais coassé ! Mais là c'était net, quelqu'un me parlait en langage batracien, avec une voix d'avant la mue, une voix très haut perchée. J'en cherchai vainement l'origine. Et je commençai à penser à un appel de l'au-delà, celui du monde des anourés, l'au-delà même qui séduit les hommes. Peut-être les animaux ne supportent-ils pas mieux que nous de rester dans l'ignorance de l'après-vie. Peut-être réapparaissent-ils sous une autre forme ! Après tout, la métempsychose est faite aussi pour les chiens !

C'est à ce point de mes élucubrations peu rationnelles que je sentis bondir sur mon pied une grenouillette toute menue, toute vive, effrontée. Et puis une autre, encore une autre... Mon vieux Mathus, tu ne vas tout de même pas m'expédier toute ta progéniture, c'est vrai que nous sommes sur les lieux de ta disparition, mais tout de même... Ces insolentes petites sauteuses sont perturbantes ! Allez, rappelle-moi tout ça, au nom de notre vieille amitié ! Ces galipettes ne sont plus de mon âge !

Et bien, croyez-le si vous voulez, les trois filles s'en sont allées, mutines, aguicheuses, vers d'autres conquêtes plus adaptées. Et je suis restée rêveuse devant le mausolée du vieux Mathus, du moins de son emplacement.

Alors il fut décidé de meubler l'espace. Je veux dire d'installer un chien sous l'escalier. Le premier qu'on attacha, la première plus exactement, s'appelait Olga. Elle nous fut reprise, c'était une chienne truffière qu'on nous accusa d'avoir volé. Le second, Roméo, rompit ses chaînes et retrouva sa Juliette vraisemblablement. Quant au jeune Filou, il ne résista pas à un soi-disant chien-loup, ou un loup tout court. On le retrouva mort et déchiqueté.

C'en fut fini des chiens et la niche demeura vide derrière les lauriers-roses.

... Jusqu'au jour où, planté sur son séant, le regard provocateur et les flancs battants, un nouveau Mathus affirma sans ambages son droit de nouvel occupant. Notre silence fut considéré comme un consentement tacite et pour entériner ce contrat unilatéral un coassement étrange remonta des profondeurs de la bête avec des accents de tuba vibrant.

La citadelle était reprise.

Tout rentra dans l'ordre du monde, un monde où chacun a toujours sa place, et où il y a toujours une place pour chacun.

Nouvelle de Paule LEFEBVRE

 

 

P40

 

UN PRESENT DE VALEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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 "Partez en avant, je vous rattraperai en jeep !", avait proposé Rémi à ses camarades tandis que les voyageurs se hâtaient vers le littoral pour ne pas manquer le coucher de soleil derrière le vieux temple.

Affolée, une femme venait de harponner le petit groupe de Français qui sortaient de l'hôtel : elle savait que les touristes apportaient dans leurs bagages de nombreux remèdes qui guérissaient à peu près toutes les maladies. Son fils délirait au fond de leur paillote. La Balinaise avait déjà perdu de la même manière deux de ses enfants, et celui-ci, consumé par la fièvre, semblait vouloir rejoindre ses aînés. Le seul médecin qu'elle connaissait habitait à la ville, bien trop loin, et la femme avait mis ses derniers espoirs dans le savoir et les drogues des étrangers venus de l'autre côté de la mer.

Rémi avait tout juste terminé ses études de médecine ; il lui avait suffi d'un instant pour prendre la décision qui s'imposait, faire l'impossible pour sauver le bambin qu'il trouva recroquevillé sur une natte élimée.

S'il diagnostiqua une banale entérite, il fut beaucoup plus inquiet concernant la fièvre qui grimpait dangereusement. Il administra au petit malade des antibiotiques en doses fragmentées et, pour faire baisser la température, enveloppa le corps brûlant de serviettes mouillées. C'est ce qui sauva Moussi.

Le père, jusque là prostré dans un coin s'étira avec un long soupir ; pour la première fois la mère sourit. L'enfant, le front couvert d'une fine rosée de transpiration, reposait, blême, mais apaisé. S'il vivait c'était, les pauvres gens le comprenaient, grâce aux soins dispensés par l'étranger ; les cachets miraculeux avaient réussi là où les médecines à base de plantes avaient échoué.

La Balinaise essuya une larme sur son visage d'ambre, et le père étreignit avec force les poignets de Rémi. Ason tour, le jeune homme eut un élan de gratitude envers la providence qui lui avait permis d'éloigner le pire, du moins temporairement. Aussi, trois heures plus tard, était-il encore au chevet de Moussi.

Maintenant que la nuit était tombée, ses amis avaient terminé sans lui leur excursion, et le soleil ne l'avait pas attendu pour s'estomper dans une féérie chaque jour renouvelée. Le voyageur n'en avait aucun regret, il aurait bien l'occasion de voir le temple un autre soir.

Le lendemain, Rémi retrouva ses camarades sur la plage, leurs plaisirs, leurs jeux et leurs habituelles plaisanteries. Mais il pensait encore au regard angoissé des parents, aux yeux clos de l'enfant qui avaient failli s'ouvrir sur un autre monde. Il ne pourrait oublier cela pas plus qu'il n'avait osé refuser ce matin, alors qu'il venait prendre des nouvelles, le présent que les Balinais s'étaient entêtés à lui offrir.

C'était le seul élément décoratif de la paillote, et ils semblaient y tenir beaucoup : une sorte de plat, suspendu depuis toujours au mur de torchis. Les bords, très oxydés, en étaient rehaussés de curieuses ondulations et l'on pouvait déceler, sous la crasse et le vert-de-gris, d'élégants entrelacs... un plateau, peut-être, à moins que ce ne fût un ancien bouclier ou un objet rituel pour apporter des offrandes aux dieux ; c'était à coup sûr un trésor pour ces bonnes gens !

L'homme l'avait essuyé religieusement de ses paumes gercées par les travaux dans la rizière, puis, l'ayant emballé dans un journal, l'avait mis, presque de force, entre les mains du jeune médecin.

A leur hôte, la mère avait laissé entendre, dans son jargon ponctué de gracieuses mimiques, que leur sauveur ne partirait pas sans ce présent qui constituait visiblement toute leur richesse ; et Moussi, un peu pâle encore, avait approuvé avec un merveilleux sourire.

Rémi n'osa ni les peiner ni les offenser et repartit vers l'hôtel, son paquet sous le bras. Par la suite, et tout au long du trajet, il trouva bien encombrant ce surcroît de bagages. Il se promit pourtant d'astiquer l'objet à son retour en France et de l'exposer en bonne place, en souvenir de Moussi. Puis il l'oublia, absorbé par la rédaction de sa thèse.

Bien plus tard, il retrouva l'emballage jauni et en exhuma le présent des Balinais. Il voulut alors le décaper et, l'ayant débarrassé de son enduit verdâtre et crasseux, il crut bien mourir de rire en reconnaissant l'enjoliveur d'une antique roue de voiture !

Nouvelle de Denise DUONG

PRIX DE LA VILLE de TALANGE