SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N° 1

1-2-3-4 - 5-6-7-8-9-10

Suivant 

 

Janvier-février-mars  2002

 

Illustration BD page 2

EDITORIAL :

Patrick MERIC

PAULE LEFEBVRE

JEUNES

SAISONS DE ROSES

 LES TOURNESOLS *

SI J’ETAIS

LUCIOLLE :

S’IL Y AVAIT

LEA 

ADULTES

MON PAYS, C’EST LE NORD

VIEILLIR

GISLENE HOURIEZ MACAREZ 

FEUX DE PAILLE

MARIE-JOSE WANESE 

L’AMITIE

SOLANGE MERESSE

AU PETIT MATIN

DENISE LEPRETRE

AU CLAIR DE SOI

REVE EXOTIQUE

GENEVIEVE BAILLY

RETOUR DE MUSE *

CES MOTS LA *

JEAN FRANCOIS SAUTIERE

SOUVENIRS

 NOBLE ESSENCE

DANIEL CARLIER

LE TILLEUL ET LE PAPILLON *

L’HOMME VERT *

SAINT-HESBAYE

NOUVELLE

LES JAVELOTEUX *

PAULE LEFEBVRE

MORT SUSPECTE *

HECTOR MELON D’AUBIER

Infos et abonnement    

Editions littéraires

*  Retrouvez l’auteur dans la revue littéraire.

 

RETOUR MENU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

P1

 

S'IL  Y  AVAIT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

S'il y avait un tout petit grain d'ellébore

Dans cet asile de fous...

 

S'il y avait une once d'équité

Dans cette foire d'empoigne...

 

S'il y avait une pincée de bonté

Dans ce chaudron de sorcières...

 

S'il y avait une lueur d'espérance...

Dans ces cachots aux murs qui s'élèvent...

 

S'il y avait un candide sourire

Dans ce défilé de masques...

 

S'il y avait...

S'il y avait...

 

Est-ce seulement un rêve de poète ?

Ou une tâche pour chacun d'entre nous ?

 

 LEA,        16  ans.   

 

 

 

P2

 

MON PAYS, C'EST LE NORD                   

 <<Néo-Classique>>

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Mon pays, c'est le NORD, où varient les saisons

Sur les façades grises, et les toitures roses,

Sur les blés ondulants, où le regard se pose

Quand grincent les chariots sous le poids des moissons.

 

Mon pays, c'est le NORD, qui pleure sa douleur,

Sur les ventres d'usines, à présent inutiles,

Où jaillit si longtemps cet acier qui rutile,

Quand brûlait la coulée de si vive couleur.

 

Mon pays, c'est le NORD, ses verbes patoisants,

Son langage picard issu du fond des âges,

Et s'effacent déjà les rides des visages

Dans les propos grivois de récits amusants.

 

Mon pays, c'est le NORD, avec ses vents d'hiver,

Sa bourrasque soudaine, et ses blanches gelées,

Ses villages épars, ses fermes isolées,

Dans la campagne nue, image d'un désert.

 

Mon pays, c'est le NORD, et j'aime ses frissons,

J'adore les échos de ses fêtes foraines,

Et tous les souvenirs de ses vieilles rengaines :

Chante mon plat pays, tes plus belles chansons...

 

                                                                                                               GISELE  HOURIEZ  MACAREZ (VERTAIN)    

                                                                                                                 2ème PRIX ROSATI 2000

                                                                                                                  Thème : Visages du Nord

 

 

 

 

P3

 

VIEILLIR        

<<Néo-Classique >>

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

S'avouer un matin que tout est moins facile,

Pour n'être point raillé, le taire à ses amis ;

S'interdire en labeur, puis en conseil utile,

Ce que la veille encor on se croyait permis.

 

Regarder le miroir reflétant un visage

Que l'on voit chaque jour un peu plus se fâner,

Caresser les sillons qui ne sont que l'ouvrage

De ce combat si long que l'on a dû mener.

 

Ranger les souvenirs, oublier les rancunes,

Mais saisir en chemin chaque instant de bonheur,

Même si dans l'esprit s'immiscent les lacunes,

Et que tremble la main en cueillant une fleur.

 

Savoir attendre enfin cette minute ultime

En cherchant un regard pour se réconforter,

Puis refoulant sa peur, face à l'immense abîme,

Vers la divine paix, se laisser emporter...

 

                                                                                                              GISELE  HOURIEZ  MACAREZ    (VERTAIN)

                                                                                                               GRAND PRIX DE LA VILLE D'HAZEBROUCK 

12 NOVEMBRE 2000

 

 

 

P4

 

FEUX  DE  PAILLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

 

Pourquoi exister, quand tout est glacé, gelé, indéfiniment

Quand tout est indifférence, figé, amitiés bafouées ?

Attendre, blottie dans la chaleur de l'âtre, foyer-pansement,

Posé sur la souffrance de la confiance abusée.

 

Revoir enfin, la nouvelle saison qui met ses douces flammes,

Pour se vouloir espoir : sortir de la léthargie.

Renaissante beauté de la nature, sauras-tu lui donner vie ?

Sera-t-elle l'épi de blé enfin épanoui ?

 

Joies, enthousiasmes, et feux de la Saint-Jean

Feront-ils oublier les absences, les non-dits, l'incompréhension ?

Que faire de demain, si ce n'est par raison ?

 

Le feu a atteint des courses folles parmi les champs,

Il a pris et brûlé les espoirs de récoltes fécondes,

Poussant, par devers lui à l'oubli de soi-même et au renoncement.

 

Accrochée au chêne, force réduite en cendres,

Elle s’était rattrapée aux brindilles fanées,

Mais fragilisées par le feu destructeur,

Elles se sont brisées, anéanties, consumées !

 

Inexorables poussières, elles, et son coeur.

 

Alors elle s'est couchée dans l'hiver du linceul,

Pour rejoindre ceux qu'elle aimait, dans la neige :

Seule, elle avait promis qu'elle y finirait nue,

De cet amour qu'elle n'avait su donner et n'avait pas reçu.

 

                                                                                                                              MARIE - JOSE   WANESSE   (2001)

 

 

 

 

 

P5

 

L'AMITIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Oui, vraiment l'amitié partagée est la plus douce chose,

Que l'on trouve ici-bas, en ce monde morose.

C'est un cadeau du ciel bien plus précieux que l'or,

Qui embellit la vie jusqu'à l'heure de la mort.

Jamais elle ne fluctue. C'est la seule valeur sûre

Qui éclipse en éclat Régent et Koh-i-noor

Plus sucrée que le miel. Plus belle que la rose

Que Ronsard célébra, et qui, à peine éclose,

Exhale au jardin son parfum délicat,

Dans toute sa beauté aux éphémères appas.

Plus pure que le lis, altier et virginal,

Qui écrivit l'histoire sur l'étendard royal.

Plus racée que l'iris qu'un peintre, dans sa grâce,

Pour la postérité fixa les traits fugaces.

Au jardin de nos coeurs, c'est la fleur la plus rare,

Celle qui nous émerveille au tout premier regard.

C'est l'orchidée sauvage aux pentes du Népal,

L'Edelweiss qui cache ses tomenteuses étoiles,

Sous le glacial azur des cimes enneigées,

Et s'offre sans réserve à qui l'a mérité.

C'est la rose des sables que l'on cueille au désert,

Le cactus qui fleurit au milieu de l'hiver,

L'arc-en-ciel qui succède au tonnerre qui gronde,

Et fait croire un instant au renouveau du monde.

Si vous la rencontrez, ouvrez-lui vos deux bras.

Et pour la conserver, ne l'effarouchez pas.

Partagez avec elle vos peines et vos bonheurs,

Riez quand elle rit. Pleurez quand elle pleure,

Donnez-lui tous vos soins, en tous temps, en tous lieux,

Elle vous remerciera en vous rendant heureux.

                                                                                                          SOLANGE   MERESSE

 

 

P6

 

 

AU  PETIT  MATIN...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Au petit matin, j'ai entendu des pas qui montaient la colline ; les cailloux du chemin dévalaient...

les cailloux rebondissaient sur le sentier...   Il est entré...   Un pâle soleil était dans l'embrasure de la porte,

juste derrière lui. Je ne lui ai pas dit de s'asseoir. La pendule affolée s'est calmée...     Il était déjà assis.

 

Je ne lui ai pas demandé s'il avait faim : j'ai posé la grosse miche devant lui. Il m'a regardé, et j'ai souri,

 moi aussi. J'avais envie de fermer la porte pour le retenir... mais j'entendais les clarines, très loin, et les effluves

 des foins entraient dans la pièce...

 

Il n'a rien dit, mais j'ai laissé la porte ouverte, et je me suis assise.

Il avait la miche dans ses mains, et il l'a partagée... et il m'a tendu un morceau comme si le pain était à lui...

presque comme si le pain c'était lui...

 

Et il a parlé longtemps, sans doute du pays, et du temps, et des gens... et du vent... mais je n'entendais

que la musique de ses mots.

 

Et j'ai pensé qu'il avait soif, et j'ai cherché de l'eau... mais je n'ai trouvé que du vin. Il a pris la cruche

à pleines mains et il a bu à même le goulot, à petites gorgées, lentement. Il m'a tendu la cruche et j'ai bu

après lui : c'était comme du feu qui m'échauffait du dedans.

Et il a dit : << Et toi ? >>

 

J'ai parlé... j'ai parlé..., des bêtes malades, de la pluie qui avait gâché les foins... et aussi du fermier voisin,

de son chien méchant qui effrayait mes agneaux, de ma peur aussi... Il ne disait rien, mais il avait posé sa main sur

la mienne, et rien n'était plus pareil...

 

Un grand soleil avait pris d'assaut la pièce par derrière, et j'ai su qu'il était midi. Ai-je vu qu'il se levait?

Il n'a pas dit merci, moi non plus : les mots étaient trop petits...

 

Il a dévalé le sentier, remonté la colline en face, et un épaulement de terrain me l'a soudain caché...

 

Je ne suis pas triste : il est encore là...

DENISE   LEPRETRE

 

 

 

 

 

 

 

 

P7

 

 

AU  CLAIR  DE  SOI             

  ( RECUEIL DE LA FLASSEU  2001)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Aimer.

Et de vibrer à fleur de mot

Naît de ma plume en un sanglot

Un monde noyé de pudeur,

Et de douceur.

 

Chérir la vie à fleur d'amour ;

Voici qu'il vient sourire au jour

Ce tendre cadeau du destin,

Ce chérubin...

 

Offrir à la main qui se tend,

Au coeur mendiant,

La fleur tendresse.

Pleurer, revivre à fleur d'espoir

Dans la détresse et l'au revoir,

Ou le pardon.

 

Se passionner à fleur de joie,

À fleur de peau,

À fleur d'azur,

Chaque jour est une aventure.

 

Et l'âme en fleur,

Vivre d'amour et d'amitié,

Ensoleillés !

GENEVIEVE   BAILLY

 

 

P8

 

REVE   EXOTIQUE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Avec sa peau de café noir,

Son sourire en sucre de canne,

Ce fut pour la danse océane

Qu'il l'enlaça dans l'air du soir.

 

Elle était d'humeur libertine

Et s'enflamma, pour la biguine.

 

Sur des rythmes très syncopés

Le rêve partit en goguette,

Dans un vent de rhum et de fête

Embrasant les corps chaloupés.

 

Toute de fièvre libertine

Elle craqua, pour la biguine.

 

Il n'était ni jeune ni grand

Mais fleurait bon la Martinique.

Après l'adieu c'est nostalgique,

Qu'elle lampa, son petit blanc !

 

                                                                                                                              GENEVIEVE   BAILLY

 

 

 

P9

 

 

RETOUR   DE   MUSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

La berge où se disperse un rêve de verdure

accroche ses reflets qu'on soupçonne d'argent

sans trop savoir d'ailleurs ni pourquoi, ni comment,

tels ces mots faits de riens mais prêts pour l'aventure.

 

De toi je sens bien là l'infime signature

plume de ciel, complice à mes chemins d'enfant

lorsque pêcheur de lune au culot étonnant

je te volais des vers pour tirer ma friture.

 

Tu es donc revenue ô ma douce compagne

sans qui ma vie était triste mât de cocagne

d'où je redescendais vite et piteusement.

 

Tu as rendu le souffle à mon désir précaire

et le bleu qu'il manquait à l'ordre imaginaire...

Et depuis j'ai repris mon vol, au gré du vent.

 

                                                                                                JEAN  FRANCOIS SAUTIERE

 

 

 

P10

 

CES  MOTS - LA...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Ces mots-là sont à vous, amis, je vous les donne.

Prenez-les sans façon, il n'y a plus personne

à part vous qui puissiez en tirer du profit.

Gardez-les bien au chaud au fond de la cuisine

ou dans ce ce meuble ancien qui sent bon la résine,

sous des draps de lin blanc où votre amour fleurit.

Semblables aux talents cachés de l'Evangile

ils porteront du fruit et deviendront dix mille

qui sait ? peut-être plus, j'en ai le sentiment,

moi-même les ayant reçus en cours de route

dans le jour de la foi ou dans la nuit du doute,

je les redistribue un peu, confusément.

Faites-en bon usage hélas ! il est si rare

de les voir employés au rang qui leur convient.

 

Et si rien n'est plus laid qu'un gros mot qui s'égare,

rien n'est plus beau qu'un mot dont le but est atteint.

Jean-François Sautière

  Le  05  Mars  2001

 

 

 

P11

 

SOUVENIRS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Dans ce camp de transit je revois ce soldat

Inquiet comme moi de rallier Saïda,

Emprunter le bateau pour une traversée,

Dans la cale parqué... Véritable odyssée.

 

En un port débarquant je revois ce soldat,

Rejoindre l'escadron, trimbaler le barda,

Relayer la patrouille ou bien la sentinelle,

Réparer les méfaits du fellagha rebelle.

 

Sur le terrain sanglant je revois ce soldat,

Barouder dans le bled, déjouer l'attentat,

Survivre à Palestro, rêver d'une baignade,

Etouffer de chaleur, tomber en embuscade.

 

Au terme du séjour je revois ce soldat,

Déplorer qu'un tel feu soit toujours en l'état,

Reprendre son emploi, retrouver père et mère,

Oeuvrer pour enterrer toute hache de guerre.

 

Lors de rassemblements je revois ce soldat,

De combattants anciens, investi d'un mandat,

Revendiquer nos droits, célébrer la mémoire

Des braves qui trop tôt sont entrés dans l'histoire.

 

 

La légende soutient que ce vaillant soldat

Parmi les vétérans groupés en armada,

Sous l'aspect d'un flambeau, pour les nations prie

Et qu'en la flamme on lit : << je me nomme Fratrie >>.

 

                                                                                                                                             DANIEL   CARLIER

                                                                                                                     de  LAMBRES - lez - DOUAI

 

 

 

P12

 

NOBLE    ESSENCE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

-  I  -

 

Un chêne sagement commentait les saisons ;

<< Je savoure Cérès et ses tièdes soirées,

En automne chéris les teintes mordorées

Que mon fuyant feuillage offre aux tendres gazons.

 

Puis décembre me vêt d'une blanche mouture

Qu'un printanier soleil, fidèle aux feuillaisons,

Rétablit en ondine adepte d'égoutture.

 

Mes branchettes, mon tronc, par la faune adulés,

Offrent gîte, couvert sans ordres libellés >>.

 

L'arbre à bon escient chérissait la nature.

 

-  II  -

 

<< J'administre, ma foi, respectueusement ;

Ma riche frondaison, rayonnante faisselle,

De la clarté du jour filtre quelque étincelle

Afin d'enluminer les tapis d'ornement ;

 

L'écorce de mon fût caresse l'épiaire,

Informe le bouvreuil piaffant plaintivement

Que le bruit porte ombrage à tout silentiaire >>.

 

Et les siècles passaient... hissaient haut le niveau.

Il semblait évident, qu'en ce sain baliveau

 

Circulerait toujours un sang nobiliaire.

 

                                                                                                                                             DANIEL   CARLIER

                                                                                                                                                                  de  LAMBRES - lez - DOUAI

 

 

P13

 

LE   TILLEUL   ET   LE   PAPILLON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Bonjour ! Bonjour ! répète le Tilleul

Au Papillon

Tout seul

Que viens-tu faire sur mes fleurs

Prononce l'arbre des senteurs

Je me repose d'un voyage au Japon

Répond l'intrus aux écailles de soleil

Inquiet d'être chassé de ce paradis

Pourquoi ne visites-tu pas les jardins

Ajoute le Tilleul où tant de plantes à parfums

Enchanteraient encore tes aventures

Et toi murmure le Papillon palpitant

N'as-tu pas la crainte des orages

Lorsque du tourbillon des îles

La tempête te fouette le feuillage

Non! Non! dit-il en rassurant le volatile

Je n'ai peur que de mon âge...

... et en t'abritant comme un moustique

sous l'ombrage

Tu ne vis que l'espace d’un aurore

Certainement renchérit le visiteur à mimiques

Mais je peux pondre des oeufs par plaisir

Dans l'écorce de ton corps

Et les chenilles qui viendraient à sortir

Te mangeront silencieusement ton visage.

                                                                                                                                             SAINT - HESBAYE

 

 

P14

 

L' HOMME  VERT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Seul comme le grand soleil rouge

Un homme vert marche

Il est vert

Parce qu'il y a des noirs et des blancs

Des rouges et des jaunes

Et que tous ces coloris

Ne savent pas se blairer

Lui il n'a point de couleur

Il est vert

Tous les autres il les ignore

Il ne veut les connaître

Et cet homme vert a ses amours

Vertes aussi

Le feuillage et son habitat

L'oiseau le papillon

Et l'homme vert n'a pas de dieu

Devant qui jouer le dévot servile

Non il aime le soleil

Le grand soleil rouge

Et dans le chemin de

Ce grand soleil rouge

L'homme cherche une femme verte

Qu'il aime sans la connaître

Mais en qui il prend confiance

Car l'homme vert a confiance

Ce que les hommes blancs noirs

Rouges ou jaunes n'ont pas

Peut-être parce qu'ils ignorent

Le grand soleil rouge.

 

SAINT - HESBAYE

 

 

P15

 

LES JAVELOTEUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Il y a javelot et javelot.

Le premier d'abord, le grand, le noble, celui des jeux olympiques, celui qu'on propulse à plus de quatre-vingt mètres, et pour lequel un athlète élégant affine son appel, séduisant le public par la grâce de l'élan, superbe, un vrai danseur étoile.

Et puis l'autre, celui de nos villages du Nord - Pas de Calais, qui prend des airs modestes de grosse fléchette empennée et qu'un javeloteux adroit dirige avec précision sur une cible en bois de peuplier, et ce à environ huit mètres. Ici pas d'élan pour l'artiste, un mouvement de balancier de bas en haut, d'arrière en avant, et l'engin pique son nez métallique au sein d'un cercle de vingt et un centimètres de diamètre, voire d'un autre, bien au centre, de six centimètres seulement, la cible se trouvant, elle, à quatre-vingt centimètres du sol. Strict, le règlement !

Il est joli le petit bolide. De loin, on dirait un plumet, richement et diversement coloré ; les plumes sont, dit-on, d'authentiques plumes de dindes du Canada. Ah mais...

C'est naturellement un sport d'équipe, les javeloteux font toujours bloc, mais on peut s'entraîner seul, et les résultats aux championnats ne sont, tout bêtement, que les additions des points récoltés par chacun des douze meilleurs joueurs de l'équipe.

Le décor, c'est le décor magique d'une salle enfumée qui jouxte celle d'un café, dénommé, c'est original, "Le café du javelot".

Les femmes y viennent le dimanche, à l'heure de l'apéritif, admirer leurs javeloteux de maris, et certaines d'entre elles s'essaient aux jets avec, je dois dire, autant de bonheur que ces messieurs. Et l'on se sent si proches entre lanceurs, se contant encore et toujours, des histoires de javelot, tout en se mesurant sans complaisance.

Le Fauqueux, ainsi nommé parce que son geste n'est pas orthodoxe et rappelle celui du faucheur, est un assidu. Un lanceur malheureux aussi, et pour cause, mais opiniâtre. Un jour il atteindra sa cible... lorsqu'on la lui mettra un peu plus à gauche.

Léona suit souvent son père, elle a les instructions maternelles. Le Fauqueux ne rate pas toutes ses cibles, les jeunes femmes entre autres. Et Joseph, "a mo du Maïeur", -lire " de la maison du maire", n'est pas le dernier non plus. A la cible et aux filles.

Il y a des passions qui s'agitent dans le microcosme javeloteux !

Aujourd'hui, c'est un championnat intercommunal Solesmes-Caudry. Les "seringueux" solesmois, qui s'illustrent à grands jets durant le Carnaval, contre les "tullistes" caudrésiens qui travaillent aussi dans la dentelle. Il n'y a ici aucun représentant des dites corporations ou associations mais les appellations demeurent. Tout est profondément ancré dans ces petites communes du Nord de la France : les sobriquets, les histoires de famille, celles de l'industrie dentellière ou celles du socialisme local.

Pour s'intégrer à tout ça, il faut bien du temps à l'Etranger, en dépit d'un accueil chaleureux au premier abord. Mais Le Fauqueux, Léona, Joseph, Henri, Raymond... c'est du solide !

On se positionne. Sur deux files. Javelots à disposition. Go... L'atmosphère se tend. On commence à noter les premiers points pour une capitalisation ultérieure. Qu'y a-t-il à gagner ? Une oie peut-être, de la réputation à coup sûr.

Il y a peu de jeunes à ce sport ancestral. Trop statique sans doute. Trop individuel peut-être. Trop calme surtout : là, pas l'ombre d'un fond sonore. La maîtrise du sage, la concentration du philosophe. Joseph a un bon score, les Caudrésiens jubilent. Le Fauqueux n'a pas joué. Tiens... où est-il celui-là ?

Ce n'est pas qu'il soit d'un grand secours mais... Depuis quelque temps Léona s'agite. Il est infernal, ce père qui joue les Don Juan ! La scène de ménage aura bien lieu ce soir, si ça continue. Le moindre jupon lui est une cible, et pas besoin de javelot.

La partie se termine. On célèbre au bar, ou on se désole. On commente à l'infini. On accuse, on regrette, on refait le match, on prépare la revanche, tout ceci autour d'une bonne bière pression sans l'ombre d'un faux-col.

Le Fauqueux n'en est pas... et l'on se pose des questions... on est plutôt narquois.

Le Fauqueux n'est pas rentré de la nuit. Cette fois la police est au fait. On interroge tout le monde. Le monde du javelot, l'entourage de celui qui est devenu une victime.

A quelle heure est-il sorti ? Ça, l'épouse sait. A quelle heure est-il rentré dans la salle de championnat ? Léona n'a pas fait attention.

Elle s'en veut. A quelle heure ne l'a-t-on plus vu ? On sait, mais quelle importance ? il était peut-être parti depuis longtemps. Il n'a pas l'habitude de découcher. Ses frasques coutumières ne demandent pas tant de dérangement. Et il tient à sa quiétude au sein du giron conjugal.

Alors ? Mystère ! Le Fauqueux a disparu.

Y aurait-il une femme qui aurait aussi disparu ? Non personne. Elles sont là, chez elles, les javeloteuses, et les serveuses sont au bar, et les autres... La dernière de ses "conquêtes", une très jeune fille, semble particulièrement affectée et nerveuse. Dame... Elle devient agressive  et la police la malmène un peu.

- << Vous savez bien qu'il traîne toujours après les filles, je ne suis pas la seule. Mais moi j'en ai marre ! >>

- << Pourquoi ? >>

- << Il est bien trop vieux ! Et puis j'ai un amoureux, un jeune. Il va finir par tout fiche par terre ! >>

Vu comme ça...

C'est vrai que les "élues" ne sont pas forcément heureuses. C'est vrai que l'une d'entre elles a pu souhaiter se débarrasser de lui. Tout de même le faire disparaître...

Alors on se remet à chercher. Les bars et leurs caves à vin, le domaine des serveuses, les terrains vagues, les usines en friches, les impasses, domaines des amoureux et des voyous...

Peut pas être loin ! Quand on vient "lancer" on ne prend guère d'argent.

Les copains décident maintenant de prospecter avec plus de discernement. On découpe la petite ville en secteurs qu'on affecte à nos fins limiers, et quelques-uns d'entre eux, les plus "in", emmènent leurs "portables" pour communiquer.

Très vite la stratégie porte ses fruits. Ici, dans une sente menant au magasin Casino, un objet bicolore jaune et bleu focalise les attentions.

- << Le javelot ! >>

- << C'est un du groupe ! >>

- << C'est le sien, je le reconnais ! >>

- << Il a dû partir drôlement vite ! >>

- << Peut-être pas de son plein gré ! >>

- << Un rapt ! Grand Dieu ! Et pourquoi ? Il est pauvre comme Job ! Et tout le monde l'aime bien... >>

Qui a bien pu vouloir faucher le Fauqueux ?

- << Il y a des traces, regardez... on va les suivre, bien regroupés, pour le cas où... >>

Les empreintes mènent au fond d'un petit jardin, un de ceux qu'on appelait autrefois "les jardins ouvriers" et qui étaient affectés aux pauvres diables pour qui les poireaux sont un luxe, au magasin.

On y va... Au fond, pas très loin, une cabane à outils que jouxte une basse-cour miniature. Mais devant la porte... Oh ! un gros molosse baveux.

- << Allez-y mollo... Tu crois que c'est un pitbull ? >>

- << Mais non... mais il est laid et il a l'air méchant. >>

- << Regarde... derrière le chien... la lucarne... on dirait une tête, la vitre est sale mais... >>

Alors là, tout se dénoue. Le visage blême hurle, des poings frappent la porte, le chien réagit mollement, recule même, lorsqu'il voit la ruée débouler, le javelot en panache.

Le Fauqueux est délivré !

Le chien s'est sauvé.

Et devant les questions qui fusent, les curiosités "-comment t'as survécu ? -t'as mangé des oeufs ? " les étonnements, voire les reproches, la victime lamentable avoue son impuissance et sa lâcheté.

- << Il m'a poursuivi. Il grognait. Et j'ai perdu mon javelot... Si je l'avais eu seulement, sûr qu'il le prenait entre les deux yeux ! >>

Si... la pitoyable compensation des faibles !

                                                                                                                                                             PAULE LEFEBVRE